Restriction et contrôle en Afrique australe
07 / 1996
Internet n’est pas parfait, et reste sujet à des limitations, des régulations et des contrôles comme tout autre médium. A mesure que l’usage d’internet augmente, et que la conscience de son pouvoir se répand, on peut garantir qu’il y aura des tentatives - comme, de fait, il y en a déjà - pour réduire sa puissance. Je ne doute pas un instant que le but de ceux qui définissent la politique africaine dans ce domaine soit d’optimiser son rôle potentiel de catalyseur du développement. Cependant, c’est la capacité à améliorer et élargir l’accès à l’information qui fait d’internet un outil de développement aussi puissant. Or, je sens que la réaction instinctive des gouvernements sera de réguler et de contrôler plutôt que d’encourager la liberté des flux d’information. (...)
Il y a ainsi beaucoup de vieilles lois qui traînent et qui peuvent être - et sont - utilisées pour restreindre l’information disponible sur internet. Le décret présidentiel qui interdit le numéro du 5 février 1996 du journal Zambia’s The Post s’appliquait à toutes les formes du journal - y compris l’édition internet. Deux jours après, l’édition du 5 février était toujours en ligne. Mais le fournisseur d’accès du Post, Zamnet, a été accusé par la police de détenir une publication interdite, et menacé de poursuites si elle n’était pas retirée du site. Zamnet n’eut pas le choix, et à ce jour il n’est toujours pas possible de lire cette édition sur le site du Post. Zamnet a subi ensuite des pressions pour arrêter définitivement la publication internet du Post, mais a tenu bon, faisant remarquer au gouvernement qu’il ferait mieux de rendre sa propre information disponible sur internet. Ce qu’il a fait.
Le cas du Post illustre la capacité d’internet à triompher de la censure. Au moment où l’édition du 5 février était enlevée du site de Zamnet, elle avait déjà été téléchargée par un lecteur aux Etats-Unis, qui l’avait alors mise sur son propre site. Et parce que cette copie était sur un serveur aux USA, les autorités zambiennes ne pouvaient rien y faire. Un autre résultat positif fut que les autorités furent convaincues qu’il fallait combattre le feu avec le feu, et publier leur propre information parallèlement à celle du Post, fournissant ainsi aux internautes des nouvelles émanant des deux camps ; un bon exemple de pluralité médiatique et de diversité d’opinion à l’oeuvre. Zamnet devrait être applaudi. Il est douteux cependant que tous les fournisseurs d’accès auraient réagi de la même façon.
En dépit de tous les discours sur le ’cyberespace’ et les ’autoroutes de l’information’, internet dépend encore de la technologie terrestre : lignes téléphoniques et ordinateurs. Comme je viens de le mentionner, les fournisseurs d’accès sont vulnérables aux pressions politiques. Ils le sont aussi à la taxation. Dans un grande partie de l’Afrique, les ordinateurs sont considérés comme des articles de luxe et sont soumis à des droits énormes. D’autre part, les lignes téléphoniques en Afrique sont encore en grande partie contrôlées par l’Etat monopolistique ou par des organisations para-étatiques. Au Botswana, la législation qui protège le monopole de la compagnie publique des télécommunications interdit l’installation de fournisseurs d’accès privés. En conséquence, les internautes du pays doivent composer un numéro longue distance pour passer par les fournisseurs d’accès sud-africains, d’où des factures téléphoniques élevées, entre 23 et 30 dollars US par heure. Une législation semblable existe au Zimbabwe, où les fournisseurs d’accès opèrent dans une zone législative très trouble, ce qui les rend vulnérables aux pressions et aux poursuites.
Le contrôle de l’Etat sur les infrastructures de télécommunications rend aussi relativement facile pour les autorités de surveiller internet. Le 11 février 1996, le gouvernement chinois a annoncé que toute communication par internet devrait passer par les canaux contrôlés et surveillés par le Ministère de Postes et Télécommunications. Cinq jours plus tard, il a ordonné que les utilisateurs domestiques d’internet aillent s’enregistrer à la police. Une autre zone légale trouble est la nature réelle d’internet. Dans quelques pays, les fournisseurs d’accès sont traités comme des diffuseurs, ce qui signifie qu’ils sont soumis à la législation stricte qui régit les médias radiodiffusés. Ce flottement dans la définition d’internet rend également difficile l’application à ce médium des normes internationales en matière de droits humains.
communication, legislation, access to information, communication network, freedom of speech, freedom of information, censorship
, Southern Africa
Quelques personnes pourraient faire valoir qu’il y a déjà trop d’information disponible sur internet. Une large majorité de cette information est produite et dirigée par des m les anglophones blancs aux ? tats-Unis, ajoutant encore au déluge d’information qui va déjà du Nord vers le Sud. Le Media Institute of Southern Africa’s Email Network (MISANET)est une initiative, parmi d’autres, cherchant à mettre à disposition des travailleurs des médias une alternative indigène aux agences d’informations internationales européocentriques et à leurs équivalents étatisés et épurés de la région. Inter Press Service s’occupe de développer des services en ligne pour rendre ses articles, écrits du point de vue du monde en développement, plus accessibles aux souscripteurs des deux côtés de l’équateur. Africa Information Afrique, une autre agence de nouvelles basée en Afrique du Sud et mobilisée par les questions de développement, a utilisé l’e-mail pour rassembler et distribuer des articles depuis la fin des années 80, comme l’a fait également le Southern Africa Documentation and Research Center. De telles initiatives, qui semblent créer une alternative viable aux sources prédominantes de nouvelles et d’information du Nord, et donc promouvoir une plus grande pluralité de nouvelles et d’information disponible pour le public, se développera assez, espérons-le, pour faire rapidement mentir l’excuse des législateurs pour restreindre le flux de l’information sur l’internet, qu’ils ’protègent la culture indigène’.
David Lush, Institut Médiatique d’Afrique du Sud, MISA, Private bag 13386, Windhoek, Namibie. Tél.: (264 61)232 975. Télécopie: (264 61)248 016. E-mail : dlush@ingrid.misa.org.na. Fiche originale en anglais. Pour des raisons de taille, un paragraphe (sur le Communications Decency Act aux USA)manque dans cette traduction.
Original text
Videazimut - 3680, rue Jeanne-Mance, bur.430 Montreal (Quebec) CANADA H2X 2K5 - Tél. (1 514)982 6660 - Fax (1 514)982 6122 - Canada - videaz (@) web.net