08 / 1993
La documentation ouvre d’énormes possibilités pour améliorer une capitalisation de l’expérience, en permettant de multiplier les confrontations entre les faits et les souvenirs, entre différentes opinions et différents moments, entre les préoccupations des spécialistes, etc. Mais l’accès à celle-ci est très inégal entre les acteurs de l’expérience.
Notre option de chercher à favoriser une capitalisation de la part des acteurs directs du terrain et en fonction des besoins de l’action nous a amenés à essayer diverses formules qui puissent élargir l’accès de tous à la documentation. Une expérience passionnante fut, entre 1983 et 1986, et sur l’initiative de Miguel Vallier, l’habitude prise dans le Cicda de fournir chaque semestre à toutes les équipes de l’institution un exemplaire relié de photocopies (réduites au format d’une demie-page) sur tous les documents internes. Maniement et lecture n’en étaient pas trop pratiques mais l’information était à la disposition de tous (dans des projets dispersés sur trois pays, plus la France !) et cela changeait la dynamique de réflexion et les débats.
C’est l’ordinateur qui est venu nous offrir de nouvelles perspectives mille fois plus appétissantes encore car il permet un registre plus complet, une meilleure versatilité des classements et, surtout, une redistribution plus adaptée aux exigences de chaque acteur et de chaque moment. L’instrument est là, ce qui nous manque le plus ce sont les critères et le savoir- faire pour en tirer parti. Car, en général, nous avons tendance à mettre l’ordinateur au service d’une logique de centre de documentation et non pas tant au service des besoins d’information sur le terrain et dans l’action-réflexion.
Or, grâce à l’ordinateur, nous avons la possibilité que l’information aille aux acteurs au lieu que ceux-ci aient à aller au centre de documentation.
Nos essais successifs pour provoquer cette rencontre au sein de projets et d’institutions ont encore des résultats limités. En grande partie parce qu’il nous manque une plus grande capacité de dialogue afin que le terrain exprime mieux ses attentes et ses besoins et que les responsables de documentation développent mieux les explications sur les possibilités et les formes adaptées aux demandes.
En fait, ce dont nous sommes certains c’est de l’existence de quelques défis de base à affronter.
Le premier est que l’information doit nous servir aujourd’hui et demain et que cela exige parfois des formes différentes de rangement et de présentation. Circuler l’information dès aujourd’hui permet d’enrichir l’action, sa réflexion et la capitalisation continue de l’expérience. Cette information immédiate s’alimente à son tour de réactions et d’opinions qui la transforment. Enregistrer et circuler l’information au fur et à mesure, la conserver sous sa forme première puis avec ses aménagements ou prolongations, de telle sorte de garder ainsi l’information et son histoire, voilà bien une des gageures.
Le second défi est de mettre toute l’information au service de tous. Au lieu de l’actuelle information cloisonnée où chacun reçoit les bribes correspondantes à ses tâches spécialisées, nous avons besoin que l’ensemble devienne plus accessible à tous, c’est-à-dire que chacun puisse savoir ce qui existe, soit stimulé à en découvrir l’intérêt potentiel, se voit imposée celle qui l’interpelle. « Mettre au service », ce n’est donc pas seulement ranger de l’information pour que ceux qui le désirent (et donc ceux qui participent d’un certaine culture d’étude et de recherche) puissent la consulter quand ils veulent, c’est réintégrer l’information dans l’action et dans sa réflexion.
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, Latin America, Andean countries
Tout cela peut paraître bien général et bien idéal. Et pourtant, c’est là une condition indispensable pour améliorer la production de connaissance depuis l’action, depuis l’expérience, depuis le terrain.
Jusqu’à présent nos propres essais ont plus porté sur la restitution de l’information aux techniciens de terrain, mais l’entreprise majeure est bien dans la restitution aux « acteurs permanents » des réalités locales, aux populations qui les vivent.
Pour ma part, si l’action m’avait conduit depuis des années à une grande préoccupation pour cette circulation de l’information, la capitalisation de l’expérience a encore renforcé cette obsession, et l’intérêt pour un dialogue à ce sujet en partant des besoins du terrain.
Le CICDA=Centre International de Coopération pour le Développement Agricoleest une ONG française qui conduit des projets au Pérou, en Bolivie et en Equateur depuis la fin des années 70.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: Toda la información para hoy, para mañana y para todos »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento