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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Capitalisation : la transcription du témoignage et son premier nettoyage

Pierre DE ZUTTER

08 / 1993

Si transcrire un témoignage est une des tâches les plus pénibles et les plus délicates de tout le travail de capitalisation, l’idéal consiste donc à ce qu’elle soit assumée par l’un des participants de l’entretien, généralement celui qui tient le rôle d’écouteur-enregistreur. Il sait de quoi l’on parle et peut éviter bien des contresens. Il se rappelle les tons et les gestes et peut les traduire en tournures ou en ponctuation. Il discerne plus facilement quand une idée est finie et peut séparer des paragraphes. Etc.

Cette question de la ponctuation est par exemple une des plus périlleuses. L’absence ou la présence d’un point ou d’une virgule peut sembler peu importante sur le moment. Mais lorsque l’on procède ensuite aux corrections pour lisser le style oral et le faire passer à l’écrit, cela peut entraîner bien des détournements de sens plus difficiles à détecter et donc plus dangereux qu’un vrai contresens.

Malheureusement, il est rare d’avoir toutes les qualités (dont celle de la mécanographie rapide) plus toute la disponibilité du monde. Nous avons donc souvent recours à des tiers pour la première transcription en brut. Aux critères de sélection de ces collaborateurs (priorité à la connaissance du milieu et au travail à temps partiel sur l’excellence mécanographique et orthographique) peuvent s’ajouter des consignes pour la transcription et des trucs de métier pour le premier nettoyage.

Tout d’abord, bien sûr, c’est d’une transcription à l’ordinateur dont nous parlons. Sinon il serait impossible de multiplier les versions et corrections comme nous le faisons à présent.

Et cela amène une première consigne, si simple, si évidente… et pourtant, si peu respectée ! Dans la mesure où nous allons devoir jouer avec le texte, lui donner l’une puis l’autre forme, il faut écrire à l’ordinateur et non à la machine. C’est-à-dire ? Même si les claviers sont à peu près semblables, les logiques de gestion de l’espace divergent énormément. Par exemple le retour à la ligne est automatique: l’habitude du retour charriot à la fin de la ligne complique ensuite les choses. Par exemple, on ne démarque pas un paragraphe en le commençant par une tabulation mais en lui donnant un ordre spécifique : si l’on veut ensuite changer il faudrait supprimer une par une toutes ces tabulations alors qu’on peut transformer des centaines de paragraphes en quelques secondes… Dans les Andes j’ai passé des heures et des heures de ma vie à supprimer dans des textes à l’ordinateur des manipulations du style « machine à écrire ».

Il y aurait bien d’autres consignes possibles, sur les longueurs de paragraphes et bien d’autres choses… Mais il existe des trucs de métier pour répondre aux erreurs.

Tout d’abord: la meilleure correction est celle que l’on peut faire en écoutant l’enregistrement. Cela exige d’avoir à sa disposition la machine à transcrire. Ou d’en avoir une seconde. Ce qui est rarement le cas. Mais, même dans ce cas, on peut commencer par tout un travail mécanique qui aide à parcourir le texte sans pression et à en découvrir les arômes.

Par exemple. Il est plus facile d’avoir à regrouper d’innombrables petits paragraphes que de s’y retrouver dans un paragraphe énorme. Pourtant c’est souvent que l’on reçoit un paragraphe de plusieurs pages sans interruption : il suffit de « chercher » le point et d’y mettre systématiquement un début de paragraphe. Les points manquent également ? Voyons les points virgules. Ils ont déserté eux aussi ? Passons aux virgules. Elles n’existent pas non plus ? Alors c’est vraiment très grave et il faudra de toutes manières réécouter l’enregistrement.

Les fautes de frappe et celles d’orthographe ? Chacun a ses habitudes. Il suffit donc de commencer la révision, de s’arrêter aux erreurs qui semblent se répéter et de procéder avec la fonction « remplacer » du traitement de texte. Pour ma part, ce n’est qu’après cela que j’utilise le correcteur orthographique de mon traitement de texte.

Avec ce labeur mécanique, peu absorbant et qui permet parfois une « mise en appétit », on obtient un texte apte à être corrigé, à devenir présentable, qui donne envie de l’améliorer.

Key words

communication, methodology, computer science, experience capitalization


, Latin America, Andean countries

file

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Comments

Corriger, pendant mes années de machine à écrire c’était là une obsession, une corvée insupportable. J’avais même adopté un rythme d’écriture qui puisse diminuer les besoins de corrections postérieures : j’essayais d’éviter d’avoir à me relire.

Grâce à l’ordinateur et au travail sur les témoignages, corriger est devenu au contraire un plaisir, une manie même. Quel plaisir que de démontrer ainsi, par des tâches apparemment ingrates, son respect pour l’auteur et ses apports ! Quel plaisir que d’essayer de lui rendre quelque chose de beau, d’agréable à regarder et à lire ! Quel plaisir que de le sentir ensuite stimulé, motivé à apporter plus et mieux ! Ce sont tous ces plaisirs qui rendent les heures de nettoyage et de correction bien moins pénibles que ce que l’on pourrait croire.

Notes

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: La transcripción del testimonio y su primera limpieza »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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