12 / 1999
Depuis 1995, j’anime un atelier DPH à l’Institut d’Etudes du Développement Economique et Social (IEDES)de l’Université de Paris I. Il s’adresse à des étudiants du DESS ’ Pratiques sociales et professionnelles du développement ’ (Bac + 5). Rattaché à l’unité de Méthodologie de la recherche en sciences sociales, l’atelier est proposé comme un enseignement non obligatoire de 15 heures disposées en 7/8 séances tout au long de l’année.
Il s’agit pour nous de réfléchir au lien à établir entre certaines notions clés véhiculées par DPH et la pratique professionnelle des futurs agents de développement : quelle place pour la capitalisation d’expérience, l’échange et les réseaux ? En quoi peuvent-ils favoriser des relations équitables ? Comment fonder le développement sur la réflexion, la communication et l’échange, et non pas sur l’adhésion à des modèles imposés ? Quelles formes pour la communication inter-générationnelle ? Quelle place pour l’expérience à côté du savoir académique ?
Un atelier est le projet d’un groupe humain, et en tant que tel il est important de le formaliser tout au moins dans ses points fondamentaux, de le suivre et de le réorienter autant que possible, de l’évaluer et de le capitaliser, de garder en tête les objectifs, d’en planifier les étapes mais aussi de les repenser sans cesse... C’est également un petit laboratoire d’expériences, où l’on apprend à revisiter cette notion de manière large et subjective. L’expérience n’est plus uniquement le fait d’avoir exercé un travail rémunéré : elle se vit et se construit à partir de notre propre histoire.
Enfin, un atelier est un travail de concertation
Entre les étudiants et l’animateur, un contrat plus ou moins implicite est passé : un ’ contrat de groupe, d’effort et de réciprocité ’, qu’eux tous devront respecter. Ce lien est à la base de l’avancement d’un atelier, et implique une grande disponibilité de la part de l’animateur, qui devra en même temps rester modeste et soutenir la dynamique lancée.
Appliquer jusqu’au bout notre principe de ’ pédagogie de la réciprocité ’ est une tâche difficile et progressive, mais ô combien fertile et motivante.
Choisir ce chemin nous oblige à être critiques par rapport à nos pratiques pédagogiques intuitives et à rechercher une cohérence avec ce que nous proclamons. Qu’est-ce que le développement durable ? Qu’est-ce qu’une pratique participative ? Nos objectifs ne peuvent être atteints que par l’exercice de méthodes appropriées. Nous trouverons des pistes intéressantes dans la théorie et les pratiques de la dynamique de groupes, par exemple.
Plusieurs types de projet d’atelier ont été développés :
a)L’atelier d’initiation à DPH et de capitalisation individuelle, accompagné de quelques pratiques d’échange, de dialogue et de débat, a vu le jour la première année. Organisé autour d’une multiplicité d’intervenants abordant divers sujets, ce type d’atelier associe conférences et travaux pratiques. Il a produit une série de fiches individuelles sur des thèmes divers proposés par la FPH. En revanche, la tentative de création d’un groupe est très faible ;
b)Le groupe de travail utilisant des méthodes DPH a pu se créer la deuxième année, avec des objectifs de production collective d’un dossier. Le rôle de l’animateur reste fort, mais il doit contribuer à ce que les participants travaillent plus en groupe, se donnent des délais, se distribuent des tâches, etc. Partant d’une approche commune, à l’occasion ’ la relation micro-macro ’, et du libre choix des thèmes par les participants, cet atelier a abouti à la production d’une vingtaine de fiches, à la comparaison avec les fiches pertinentes de la base, à la création d’un dossier mixte incluant une introduction, un plan de classement et une conclusion. En revanche, les étudiants n’ont eu ni le temps ni le réflexe d’aborder les leçons du processus ;
c)Le groupe de capitalisation, de discussion et d’échange d’expériences est la troisième forme de travail, dont le contenu peut varier à l’infini. Nous pouvons l’attacher davantage au métier, à l’analyse des obstacles et des choix à venir. Souhaitant développer une réflexion et une pratique de l’échange d’expériences, j’ai fini par plonger dans cette tentative forcenée de constituer un groupe, de construire ensemble des espaces de parole, d’échange, d’opinion et de positionnement.
Plusieurs axes nous ont structurés ces trois dernières années :
· La capitalisation comme apprentissage de nous-mêmes ;
· Les formes de l’échange comme communication véritable : s’exprimer, écouter, écrire, lire, débattre ;
· L’analyse de notre propre échange d’expériences dans une sorte de ’ film dans le film ’ ;
· Les discussions sur les réseaux, sur le positionnement des jeunes face au monde du développement, du travail, de la concurrence, des compétences professionnelles...
L’animatrice devient ainsi participante : pour avancer, il faut apprendre à écrire avec le groupe, à provoquer, à écouter, à se remettre en cause, à construire en marchant, à accepter de ne pas tout contrôler... C’est un risque et une situation vulnérable, cela peut être aussi une énorme satisfaction.
De son côté, le groupe d’étudiants n’est ni parfait ni homogène, ni consensuel ni cohérent. Il faut accepter des formes de participation diverses, des rythmes différents, des résultats inattendus. Certains écrivent vite, d’autres n’écriront pas et nous auront pourtant tant apporté, ils auront profité de ce partage.
Le travail de chaque groupe est particulier : itinéraire d’un groupe et non pas méthode automatiquement transférable. Il n’est même pas nécessaire de dire que le ’ groupe sous contrat ’ est celui qui nous donne le plus d’enseignements, le plus de motivation, et qui déstabilise le plus dans ses moments presque thérapeutiques.
higher education, training, experience enhancement
, France
Quels sont les effets de cette pratique d’échange d expériences, de dialogue et de réciprocité sur le métier d’agent de développement ? Sur les personnes en tant que telles ?
Pour certains jeunes, DPH fera partie de leur projet professionnel ; pour d’autres, il aura été l’éveil à la notion de capitalisation d’expériences ; d’autres gardent davantage la notion d’échange horizontal, voire même la notion d’évaluation collective comme un moment constructif, contrairement à certains vécus scolaires ; pour d’autres, ce sera la constitution d’espaces de débat ou bien découvrir autrement la notion de réseau ; enfin, certains m’ont appris que cet atelier peut être un lieu où l’on s’est arrêté pour réfléchir sur le passé et les projets avant de repartir dans la vie professionnelle...
Une éducation informelle pour l’Université ? Une recherche de groupe pour des jeunes ? Ou faut-il plutôt viser des individus ? Les réponses sont nuancées pour chacune de ces questions...
Anna Larrègle est fondatrice de l’AMI.
Original text
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