Plus de 300 millions CFA détournés au ministère de l’Education nationale
02 / 2001
Le séminaire national sur la gestion des établissements scolaires publics qui s’est tenu à Kribi au sud du Cameroun les 3, 4 et 5 avril 2000 a permis de découvrir une sérieuse défaillance financière au ministère de l’Éducation nationale. Le fonds de solidarité de l’Éducation a été détourné de son objectif par les responsables de cette institution.
En effet, la création du fonds de solidarité de l’Éducation est l’une des résolutions des états généraux de l’Éducation tenus en mai 95 au Cameroun. Ce fonds devait permettre à l’État camerounais de financer l’enseignement de base qui allait devenir gratuite. Dès 1997, une caisse a été mise en place pour collecter cet argent qui représente les 5% de la contribution exigible versée au début de chaque année scolaire par tous les élèves de l’enseignement primaire et secondaire, général et technique du Cameroun. Sur la base d’un total de 2.620.000 élèves qui fréquentent ces ordres d’enseignement, et en considérant que les frais exigibles s’élèvent à Fcfa 1.500 (école primaire), Fcfa 7.500 (CES), Fcfa 10.000 (lycées et CET), et 15.000 (lycée technique), un simple calcul renvoie à plus de Fcfa 300 millions qui ont ainsi été distraits.
Au cours des discussions dans l’atelier qui devait entre autres choses réfléchir sur le financement de l’école primaire dont la gratuité avait été annoncée par le Chef de l’État en février 2000, des propositions parmi lesquelles celle de l’utilisation du fonds de solidarité ont été émises. Mais cette suggestion a été à chaque fois renvoyée. Des participants ont insisté là-dessus et finalement une discussion s ’est engagée sur le sujet. Et pendant que certains s’égosillaient à expliquer aux autres que selon le rapport des états généraux ce sont d’abord les cotisations de l’enseignement secondaire qui devaient financer le primaire, le directeur des ressources financières et des projets du Mineduc a tranché le débat en disant qu’il n’y a plus rien dans les caisses du fonds de solidarité. Et pendant qu’on y était, un participant a affirmé que cette prescription n’existe pas dans la loi d’orientation de l’Éducation promulguée en 1998. C’est alors qu’un coup d’oeil a été jeté sur cette loi pour constater que certaines consignes des états généraux n’y figuraient pas.
A la vérité, on s’est rendu compte que les responsables qui ont défendu ce projet de loi à l’Assemblée nationale ont expressément omis de faire figurer la partie qui concernait le fonds de solidarité de l’Éducation. Sans doute, soit parce que cet argent avait déjà été détourné, soit parce qu’ils avaient en projet de le détourner. Toujours est-il que l’argent au moment où il fallait l’utiliser n’était pas disponible et on ne sait à quelle fin il a été employé. Aucune enquête n’a été ouverte à ce sujet. On a tiré un trait sur ce problème comme si cette caisse ne servait à rien.
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, Cameroon
Il ressort de cette expérience une mauvaise gestion financière du ministère camerounais de l’Éducation nationale. Cette mauvaise gestion est doublée de la mauvaise foi des dirigeants et du laxisme qui caractérise la gestion des administrations publiques au Cameroun. Comment comprendre qu’un aspect si important des états généraux de l’éducation ne figure pas sur la loi d’orientation de l’Éducation qui a été pourtant lue relue et corrigée avant d’être défendue à l’Assemblée nationale ? Cette situation est créée, encouragée et soutenue par l’impunité. Comment comprendre en effet qu’une enquête ne soit pas ouverte pour poursuivre ceux qui détournent ces biens publics ? On écrit des textes et on les oublie pour faire tout, sauf ce qui est consigné dans les textes.
Cette fiche a été réalisée par le collège des éducateurs dans le cadre du processus Gouvernance en Afrique : décentralisation et intégration régionale.
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