A partir du XVIème siècle et jusqu’en 1830, confrontée à l’expansionnisme colonial des puissances européennes, l’Algérie fait appel aux forces de l’Empire ottoman. C’est ainsi que la société algérienne sera dotée d’un cadre étatique qui s’exprimera à l’extérieur, particulièrement en Méditerranée et sera reconnu comme tel.
Les rapports entre la société et l’Etat qui se mettent en place seront marqués de manière indélébile par la genèse: une légitimité conçue d’abord à usage externe qui donne lieu à une légitimité interne de l’Etat très faible.
Culturellement, les composantes fondamentales de la société algérienne, reposaient sur la lecture réductrice de l’islam et du patrimoine arabe alors dominant dans le monde arabe.
En Algérie, comme dans l’ensemble des pays musulmans, l’idéologie islamiste va devenir une entreprise d’emploi du langage religieux à des fin de contestation politique, dans un contexte global de déracinement et de marginalisation sociale. L’islamisme va se nourrir également de l’indignation morale contre l’Etat post-colonial autoritaire, incapable de tenir ses promesses (logement, éducation, travail, loisirs)et contre les malversations et la concussion du personnel politico-administratif, qui bien souvent, a confondu la chose publique - la Res Publica - et son intérêt privé: un exemple de ce qu’on appelle bureaucratie neo-patrimoniale.
Mais ce qui caractérise l’islamisme algérien par rapport à d’autres courants islamistes dans d’autres pays, c’est la faiblesse structurelle des tendances plus ’modérées’ et celles qui accordent un primat aux questions religieuses et théologiques au détriment de l’action proprement politique.
Au regard de la typologie des mouvements fondamentalistes dans d’autres sociétés (Egypte, Pakistan), le glissement de la ’sphère’ strictement religieuse (volonté ’d’islamiser’ la société par les biais qu’expriment certains mouvements de Tablîgh-Prédication)vers la contestation ouvertement politique, voire le recours massif à la violence politique (émeutes, agressions physiques, agitation, terrorisme)s’est effectué de manière assez rapide.
Etant donnée l’évolution accélérée de la vie politique algérienne depuis les émeutes d’octobre 1988, et surtout depuis l’interruption du processus électoral en janvier 1992, l’islamisme algérien, qui est extrêmement hétérogène, éclaté, sans leader incontesté ni projet fédérateur, se manifeste par le rejet radical du régime et - à l’exception des tendances dites ’modérées’ (Hamas, al-Nahdaà)- il est peu enclin à coexister avec les autres forces sociales et politiques modernistes et laïques dans le cadre d’une société pluraliste.
Une deuxième caractéristique: paradoxalement, alors même que leur ’production doctrinale’ est quasiment insignifiante au regard de celle de l’islamisme égyptien, voire marocain ou tunisien, les mouvements islamistes algériens ont montré, très rapidement, une incontestable capacité d’encadrement. Ils ont réussi en moins de deux ans (1989-1991)à s’imposer massivement sur la scène politique, remportant les élections municipales puis les élections législatives.
Brièveté de l’histoire, immédiateté du passage au politique, voire à la violence organisée ; rareté d’une ’ production doctrinale ’ propre de qualité. A cela, il faut ajouter une autre caractéristique, la troisième: c’est le fait que l’islamisme algérien soit - plus qu’ailleurs - le produit direct de la politique de l’Etat, en particulier dans sa gestion désastreuse de la question religieuse, de la question linguistique et du système éducatif.
Une quatrième caractéristique, qui le différencie nettement de l’islamisme du Moyen-Orient arabe, est l’absence d’une filiation doctrinale précise. D’où la pauvreté théologique des écrits, les syncrétismes insolites, pour ne pas dire le bricolage idéologique et la médiocrité intellectuelle des propos.
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, Algeria
Lamchichi ainsi que Safi, nous montrent la responsabilité d’une ’ lecture réductrice de l’Islam ’ dans l’absence d’une culture religieuse des adeptes. Cela peut constituer une des explications de la carence d’une doctrine précise et riche en théologie comme base de l’islamisme algérien.
La position de Lamchichi nous fait penser qu’en Algérie, les tendances modérées comme les tendances les plus radicales devraient refaire une lecture des fins de la politique plutôt que du Coran ; car le sentiment religieux est faible depuis la genèse étatique algérienne (par rapport aux autres pays du Moyen-Orient).
Le débat doit se centrer sur les aspects politiques sans faire utilisation de l’islam comme instrument politique, en renonçant toutefois à la violence organisée comme moyen pour atteindre les buts politiques.
L’une des plus importantes barrières est l’indisposition de l’islamisme radical algérien à cohabiter avec les autres forces d’organisation sociale et politique de l’Etat. Un changement d’ouverture idéologique en faveur du pluralisme bénéficierait à toute la société algérienne, partant du postulat que la paix se trouve dans la tolérance des différences et dans le respect mutuel.
Les mouvement islamistes algériens ont une énorme capacité d’organisation politique. Cette capacité ne devrait pas faire de l’islamisme un ’ produit de la politique de l’Etat ’, champ dans lequel le gouvernement a fait ’ faillite ’ laissant voir une grave difficulté, évidente dans le domaine de l’éducation : ’ socialisation secondaire ’ ou ’ socialisation - familiarisation ’, celle là même qui se trouve aux mains des ’ fondamentalistes ’ de l’Association des Ulamâ ou des leaders issus des milieux islamistes.
Le détournement du politique (entendu comme le moyen de régler les conflits de manière pacifique)pourrait expliquer, entre autres, la particularité de l’islam algérien.
Nous pensons que si les leaders religieux et politiques algériens appliquaient la politique comme instance de régulation pacifique des différents intérêts, utilisant comme moyen le dialogue et les méthodes de la persuasion en laissant tomber la problématique religieuse ; peut-être, verrions-nous l’Algérie comme une force capable d’instaurer la paix par la voie politique et un Etat bien organisé pour reconstruire une identité politique respectueuse du pluralisme identitaire.
Fiche réalisée dans le cadre de l’atelier sur ’Religion et Paix’, La Haye, mai 1999
Colloquium, conference, seminar,… report
LAMCHICHI, Abderrahim, Caractéristiques de l'islamisme algérien, 1995; <Regard sur la crise algérienne>de<SAFI, Nadji>et <Les arabes: du message à l'histoire>de<CHAVALIER, Dominique et <MIQUEL, André>, Fayard, France, 1995
Centre de Recherche sur la Paix - Institut catholique de Paris - 21 rue d’Assas, 75006 Paris FRANCE- Tel 33/01 44 39 84 99. - France - www.icp.fr/fasse/crp.php