08 / 2000
Lorsqu’on parle des retraites dans les pays occidentaux, c’est souvent à propos de l’épineux problème de la pyramide des âges et de l’allongement de la durée de vie qui vont faire peser de plus en plus lourdement les cotisations sur les actifs. Ces préoccupations économiques et financières tendent à faire oublier un autre aspect du problème, l’évolution de la durée et de la "qualité" de la retraite pour les intéressés : la retraite n’est plus une tranche marginale de la vie, puisqu’elle dure généralement autant que l’enfance et l’adolescence réunies, et tend à égaler la période de travail, qui de son côté a diminué par le prolongement des études et l’anticipation des départs à la retraite ; sur le plan qualitatif, la retraite n’est plus synonyme de vieillesse, car l’âge du vieillissement physique et mental a reculé, au point que des psychologues affirment que la cinquantaine est aujourd’hui l’âge de la maturité psychologique ; la retraite a également cessé d’être synonyme de pauvreté et de dépendance économique : le revenu moyen des retraités est légèrement supérieur au revenu moyen des actifs ; enfin, les retraités sont de plus en plus éduqués et habitués par leur vie professionnelle à la prise de responsabilité.
Ces évolutions font que pour une proportion considérable d’actifs, le départ à la retraite intervient à un moment où ils sont en pleine possession de leurs moyens, et si les agents d’exécution regrettent surtout la perte de contacts humains, les cadres ou les agents de maîtrise sont souvent déstabilisés par cette mise à l’écart ressentie comme brutale et "injustifiée". Le départ à la retraite, conçu à l’origine comme un droit, est souvent vécu comme une obligation plus ou moins privée de sens.
Pour les salariés d’EDF-GDF, qui partent à la retraite très tôt (souvent dès cinquante ans), la rupture est d’autant plus douloureuse que la plupart ont accompli toute leur carrière dans l’entreprise et que leur statut leur imposait souvent des jours d’astreinte, resserrant encore le lien avec celle-ci.
Pour les accompagner dans cette étape souvent difficile, l’entreprise leur propose, depuis 1988, un séminaire de "préparation à l’inactivité professionnelle". Ce stage de cinq jours, proposé entre 9 et 12 mois avant le départ à la retraite, aborde des aspects techniques comme la transmission du patrimoine ou la santé et des thèmes de réflexion plus larges comme la construction d’un projet personnel ou encore la reprise de la vie à deux avec le conjoint.
L’un des intérêts de ces rencontres est de faire prendre conscience aux futurs retraités qu’ils vont devoir se reconstruire une identité, mais que leur vie professionnelle leur a donné les moyens d’affronter ce challenge.
Par ailleurs, EDF-GDF a également créé un dispositif d’implication des nouveaux mais aussi des futurs retraités dans la vie économique et sociale, qu’il s’agisse de lutte contre l’exclusion, d’accueil des jeunes en difficulté au sein de l’entreprise, de l’insertion professionnelle par la formation ou le tutorat, ou encore du développement économique local. La participation à ce dispositif permet aux nouveaux retraités de maintenir pendant quelques années le lien avec l’entreprise et avec leurs anciens collègues (l’âge moyen des participants est de 57 ans).
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, France
Une enquête a été menée après quelques années auprès des 580 stagiaires de 1993 et 1994, qui avaient alors moins de 56 ans ; la moitié ont répondu, et 70 pour cent d’entre eux ont déclaré être engagés dans un mouvement associatif (un sur deux dans le sport, un sur trois dans la culture, deux sur cinq dans des activités sociales, une sur six dans des actions civiques, certains appartenant bien sûr à plusieurs associations); pour 40 pour cent de ces derniers, il s’agissait de la première démarche de ce type. Est-ce le stage qui les y a encouragés ? Il est clair que ceux qui acceptent de s’y inscrire ne sont généralement pas ceux qui en ont le plus besoin, et l’attitude du nouveau retraité correspond souvent à celle de l’ancien salarié : ceux qui étaient repliés sur eux-mêmes se replient un peu plus, ceux qui étaient très actifs manquent toujours de temps.
Cette initiative a malgré tout l’intérêt de poser clairement le problème du besoin, pour les retraités, qui apparaissent souvent comme de simples consommateurs de services et de loisirs, de continuer à se sentir utiles à la société. Les termes même de "retraite" et de "retraités", qui évoquent le fait de se retirer, de se replier sur soi-même, paraissent à cet égard assez malheureux, et mériteraient d’être remplacés par d’autres : l’Ecole de Paris du management dénonce régulièrement le fait que dans notre société, le travail professionnel soit trop souvent le critère unique sur lequel on juge de "l’utilité" d’une personne dans la société, alors qu’il concerne une part de moins en moins importante des citoyens et de plus en plus courte de l’existence. Le changement viendra-t-il de ce que l’on apprendra progressivement à remplacer la mesure du PNB (Produit National Brut)par des calculs intégrant des paramètres de qualité de vie (par exemple la convivialité des habitants ou l’intensité de la vie associative)? Il est plus vraisemblable que les retraités commenceront à faire reconnaître leur rôle dans la vie de la cité à partir du moment où leur poids électoral approchera de celui des "actifs" ; on peut espérer que, sur le même modèle, le rôle de ceux qui sont également considérés comme inactifs (chômeurs, femmes au foyer, étudiants, enfants...)pourra alors également être mieux pris en compte.
Colloquium, conference, seminar,… report ; Articles and files
MOULIE, Pierre, BOUGON, Bernard, CLAES, Lucien, CLAES, Lucien, La retraite : une mise en inactivité ? - séminaire 'Vies Collective' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1999 (France), V
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