11 / 1999
Dans tous les pays européens, la majorité des jeunes sont scolarisés dans un environnement multiculturel et multiconfessionnel. De nombreux enseignants, qu’ils exercent leur métier en pays catholique, protestant, anglican ou orthodoxe constatent les difficultés que pose la cohabitation, au sein d’une même classe, d’enfants de religion différente. Ils souhaitent être en mesure d’apporter aux jeunes une meilleure connaissance des religions et améliorer le dialogue qui peut s’établir entre personnes issues de religions différentes.
Des programmes éducatifs encore peu adaptés au pluralisme religieux
Les systèmes éducatifs dans les pays européens prennent plus ou moins en compte cette nouvelle composition des élèves d’une classe. Ainsi, les écoles britanniques maintiennent une prière chrétienne quotidienne auprès de tous les élèves quelle que soit leur origine religieuse. En Belgique, où les cours d’instruction religieuse sont inclus dans la scolarité, des cours d’islam ont été institué depuis 1978, mais ils sont insuffisants pour intégrer tous les élèves de cette religion. En France, la laïcité ne permet pas toujours d’effacer les différences religieuses.
Un besoin de dialogue interreligieux pour se comprendre
"Pourquoi les différences entre les religions devraient-elles être ce qui divisent définitivement l’humanité ? ", se demandait Vaclav Havel lors d’un discours qu’il a prononcé en décembre 1995 à Hiroshima. Les religions ont besoin de se rencontrer, de se parler pour dépasser tous les préjugés et les malentendus qui les opposent parfois si violemment. Dans le contexte actuel, on remarque simultanément l’absence de repères et un attrait accru pour le religieux. Une meilleure compréhension des religions permettrait une meilleure cohabitation des différentes communautés issues de religion différente et pourrait permettre de lutter contre le développement des fondamentalismes.
Cependant, il existe de nombreux freins à cette formation au dialogue interreligieux, tant au niveau institutionnel, qu’au niveau de la communauté éducative ou des parents qui redoutent, à travers l’éducation au dialogue interreligieux, les dangers pour la foi de leurs enfants.
Le Gerfec : un pôle de réflexion et d’action pour les enseignants chrétiens
C’est fort de tous ces constats que le Gerfec, Groupement d’étude et de recherche pour la formation des enseignants chrétiens, a créé depuis quelques années un pôle de réflexion et d’action sur le thème de l’apprentissage au dialogue interreligieux auprès des enseignants. Cette association européenne, dont l’objectif est d’être un lieu de rencontre et de formation pour les enseignants et les futurs enseignants chrétiens de tous les pays européens, a été créé en 1979. Il a constitué un réseau européen d’enseignants afin de faciliter les échanges sur les pratiques éducatives au dialogue interreligieux.. Il suit et apporte son appui méthodologique (en particulier par la mise au point d’une valise pédagogique)à un certain nombre d’expériences.
Un réseau de partenaires en Europe
Parmi les expériences suivies, on peut citer le cas d’échange épistolaire entre une école catholique et une école juive de Paris. En Belgique, des étudiants en école normale ont formé une équipe de travail pour faire une recherche spécifique sur une pédagogie du dialogue interreligieux adaptée aux enfants. A Bradford, ville économiquement sinistrée de Grande-Bretagne où de nombreuses communautés religieuses se côtoient (chrétiens, musulmans, hindous, sikhs, juifs, bouddhistes), une maison s’est ouverte pour enseigner toutes ces religions. Elle organise des formations auprès des enseignants et peut envoyer des intervenants en milieu scolaire. Ce centre a contribué à améliorer les relations entre les communautés et devient centre pilote pour d’autres villes. En Norvège, le Ministère de l’éducation, dans le cadre de sa réforme du système scolaire, a demandé à une commission de mettre en place un programme d’enseignement des religions dans le cursus de formation des enseignants afin qu’ils soient en mesure, lors des cours d’instruction religieuse, d’apporter un éclairage spécifique sur les religions tant auprès des jeunes norvégiens que des jeunes d’origine étrangère. A Barcelone, au sein de l’université catholique de Blanquerna, un groupe de futurs enseignants réfléchit et teste les bases d’une pédagogie du dialogue interreligieux.
La plupart de ces expériences distinguent l’apprentissage de la culture religieuse et la transmission de la foi qui, elle, relève des familles et des communautés religieuses. Cependant on ne peut réduire la connaissance des religions à une simple vision ethnologique. Il faut tenir compte de l’expérience spirituelle des enfants. Le dialogue interreligieux dépasse donc l’aspect culturel et s’efforce de montrer que les religions sont vivantes et vécues. L’école devrait permettre de développer le respect de la religion de l’Autre et d’apprendre à dialoguer sur ses propres pratiques religieuses et sa foi.
La Vérité, au cour du dialogue interculturel
La question majeure qui précède toute rencontre religieuse concerne la Vérité. Une religion est-elle plus vraie qu’une autre ? C’est un préalable indispensable à surmonter pour qu’un vrai dialogue puisse s’établir car celui-ci devient impossible dès lors que les croyants d’une religion se déclarent les seuls propriétaires de la Vérité. Chaque chemin de foi a sa logique et chacun désigne la Vérité dans sa tradition. La foi est la réponse personnelle à l’appel de Dieu. Cependant, il n’est pas question de tomber dans un relativisme qui affadirait et appauvrirait les religions. Tout dialogue interreligieux implique un renouveau intérieur sur le plan personnel et sur le plan communautaire. Il s’agit d’une réinterrogation de sa foi.
Des initiatives surtout d’origine chrétienne
La grande majorité des initiatives du dialogue interreligieux en Europe proviennent de groupes de chrétiens, ce qui est sans doute normal car ils sont majoritaires et se posent des questions sur les minorités qui ont souvent été malmenées. Cette situation implique que le dialogue soit abordé selon la mentalité chrétienne ce qui ne facilite pas l’entrée de personnes pratiquant une autre religion et qu’il peut être ressenti comme une volonté de prosélytisme des chrétiens. Tout projet de dialogue interreligieux doit en tenir compte et il est important que l’équipe de pilotage comprenne des membres de toutes les communautés religieuses impliquées dans le projet.
Le Gerfec travaille essentiellement sur la rencontre entre chrétiens, musulmans et juifs mais s’interroge de plus en plus sur la rencontre avec les non-croyants qui représentent aujourd’hui le plus grand nombre.
cross cultural dialogue, religious culture, religion and culture, religion and society, pedagogy
, Europe
Contact : Gerfec. 5 rue Trubner, 67000 Strasbourg, France - Tél : 33/(0)3 88 35 03 90
Book
CAFFIN, Gilbert, SAINT AMAND, Anne Bénédicte de, D'Assise à la cour de récréation : Pédagogie du dialogue interreligieux, Cerf, 1999 (France)
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