11 / 2000
Avec l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI), où tous les coups étaient permis, toute la planète s’offrait aux multinationales, sur un plateau.
Le problème
L’investissement étranger direct est pour les multinationales un moyen privilégié pour faire entrer produits et services sur les marchés extérieurs et renforcer leurs avantages concurrentiels grâce à une organisation internationale de la production.
Les multinationales sont constamment à roder et à faire pression pour que les pays en développement, qui représentent de nouveaux marchés, assouplissent leur législation afin de faciliter les investissements.
Actuellement ces investissements sont, de par le monde, régis par quelque 1600 accords bilatéraux destinés à protéger les intérêts nationaux. Il peut s’agir d’un accord particulier sur des transferts de technologie ou l’achat de matières premières sur place. Cela gêne les multinationales.
En 1995, le Japon et les Etats-Unis ont raclé plus de 65 pour cent des profits générés mondialement par l’investissement étranger direct.
Tentative d’accord
C’est en 1994, dans le cadre des discussions de l’Uruguay Round, qu’il a été pour la première fois question d’un accord multilatéral sur l’investissement. Cette idée a été vigoureusement combattue par les pays du Sud qui allaient sans doute voir disparaître leurs moyens de contrôle sur les investisseurs étrangers. En 1996, lors de la réunion ministérielle de l’OMC qui se tenait à Singapour, l’Union européenne a fait une tentative pour relancer le projet, en vain.
De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui est un club de 26 pays riches comptant entre eux tous plus de 95 pour cent des plus grosses multinationales du monde, s’était lancée dans des négociations secrètes afin d’élaborer un accord multilatéral sur l’investissement (AMI). Il s’agissait de parvenir à un accord OCDE puis de le faire accepter par les pays en développement.
Ce fut un joli raffut quand le secret fut éventé. Un réseau de guérilla associative se mit en place sur Internet et fournit de la documentation sur les conséquences qu’allaient avoir les textes proposés sur la vie des gens et sur l’environnement. Citons certains des aspects les plus critiqués :
- Clause du traitement national : les pays hôtes doivent traiter les investisseurs étrangers de façon "non moins favorable" que les nationaux.
- Clause de la nation la plus favorisée : un avantage accordé à des investisseurs d’un pays donné peut être réclamé par tous les autres.
- Pas d’obligations de résultats : les investissements étrangers ne pourront être soumis à des obligations particulières telles que achat d’intrants locaux, quotas de main d’ouvre locale, limites au transfert de capitaux..., même si cela s’applique aux entreprises locales.
- Clause d’expropriation et d’indemnisation : par exemple, si le pays hôte décide d’appliquer une réglementation contraignante dans le but de protéger l’environnement et que cela entraîne une diminution des profits de l’investisseur, celui-ci est fondé à réclamer une indemnisation. Faisant usage d’une disposition semblable dans le cadre de l’Accord de libre échange nord-américain (NAFTA), une société américaine a ainsi porté plainte contre le gouvernement canadien qui avait interdit le MMT, un additif de l’essence qui pouvait présenter des risques pour la santé et l’environnement.
- Règlement des différends : une entreprise étrangère qui se considère lésée par le pays hôte peut porter plainte contre lui directement devant des instances internationales.
Prenant acte du mouvement de protestation qui s’intensifiait, le gouvernement français s’est retiré des négociations en 1998, et les choses en sont restées là. Mais la menace persiste. Sur l’initiative de certains pays du Nord on reparlera un jour de tout ça dans d’autres discussions.
Les enjeux
Les partisans de l’AMI disent qu’il permettrait de multiplier les investissements dans les pays en développement. Les Etats qui refusent de négocier un tel accord vont-ils faire fuir les investisseurs ? Aujourd’hui les investissements se concentrent dans des régions dotées de bonnes infrastructures. Il est peu vraisemblable que cela change car les investisseurs se déterminent en se basant essentiellement sur les potentialités du marché, le contexte juridique et institutionnel, la présence de ressources humaines et naturelles.
Beaucoup de pays du Sud sont à un stade où ils doivent choisir les formes de développement particulières, les objectifs politiques et sociaux qui leur conviennent vraiment. Il ne faudrait pas qu’ils tombent dans le piège et soient obligés ensuite de "faire comme les autres" parce qu’ils auront mis en péril leur souveraineté en accordant leur signature à l’AMI.
"Toujours plus d’audace, et des positions encore plus extrêmes pour instaurer le pouvoir universel de la grosse entreprise..." commente Lori Wallach, militant pour la défense des consommateurs
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Retenons la phrase citée en conclusion : "Toujours plus d’audace, et des positions encore plus extrêmes pour instaurer le pouvoir universel de la grosse entreprise" (Lori Wallache, militant pour la défense des consommateurs.
Le texte original est paru en anglais dans le bimensuel Down To Earth, publié par le Centre for Science and Environment, Tughlakabad Institutional area 41, New Delhi-110062, India - cse@cseindia.org - www.cseindia.org
G. Le Bihan traduit les articles de Down to Earth pour la revue Notre terre, vers un développement durable. Il a repris cet article sous forme de fiche DPH.
Articles and files
L'AMI in. Notre Terre, vers un développement durable , 2000/07 (France), 4
CRISLA (Centre d’Information de Réflexion et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique d’Asie et d’Amérique Latine) - 1 avenue de la Marne, 56100 Lorient, FRANCE - Tel : 08 70 22 89 64 - Tel/Fax : 02 97 64 64 32 - France - www.crisla.org - crisla (@) ritimo.org