08 / 1999
A l’heure où tous les pays européens sont sensibilisés par la protection de l’environnement, l’industrie automobile est directement confrontée au problème du recyclage des véhicules hors d’usage. Chaque année, en France, ce sont environ 1,8 millions de cartes grises qui sont détruites et de véhicules qui deviennent des épaves. Celles-ci sont généralement récupérées par des démolisseurs, qui vivent de la revente de pièces d’occasion à des particuliers et de la vente de la carcasse aux broyeurs ; ces derniers recyclent essentiellement les métaux (ferraille, aluminium, cuivre). A ce stade, 75 pour cent du véhicule a été recyclé ; le reste, appelé RBA (Résidu de Broyage Automatique), est mis en décharge ; il comprend des plastiques, du verre, des caoutchoucs, des liquides, des métaux lourds. L’évolution technique des véhicules rend l’exploitation de ce RBA de plus en plus complexe : les matériaux sont de plus en plus diversifiés et doivent être soigneusement triés si l’on veut obtenir une bonne qualité finale ; de plus en plus de pièces sont constituées d’assemblages multi-matériaux qu’il est difficile de séparer ; les voitures comprennent de nombreux fluides (carburant, huile, liquide de frein...)et des métaux lourds (plomb, zinc, chlore)qui sont souvent difficiles à récupérer ; la part des plastiques de diverses sortes est croissante, à la fois pour réduire le poids global du véhicule, pour des raisons de design, d’acoustique (insonorisants), de sécurité (airbags), et d’équipements supplémentaires (climatisation...). Enfin, le prix de vente des matériaux recyclés est nécessairement aligné sur celui des matériaux vierges, tout en nécessitant une série d’opérations complexes et coûteuses. Comment, dans ces conditions, inciter les divers acteurs de l’industrie automobile à accentuer l’effort de recyclage ?
Un groupe de travail européen a été constitué en 1989 pour préparer une directive ; parallèlement, tous les pays réfléchissaient à des réglementations nationales qui puissent influencer cette directive. Un projet allemand a rapidement été proposé, puis écarté : il prévoyait à l’horizon 2000 des quotas de recyclage par matériau, la responsabilité du constructeur et l’obligation de reprise gratuite de l’épave, de façon à ne pas faire payer au détenteur du véhicule le prix de la mise en décharge. Une approche plus coopérative a été menée en France entre les industriels et les pouvoirs publics, et a abouti en 1993 à la signature d’un accord-cadre qui devrait inspirer la directive européenne. Celui-ci prévoit pour 2002 une valorisation de 85 pour cent des véhicules (90 pour cent pour les nouveaux véhicules), soit une valorisation de 40 pour cent du RBA actuel, éventuellement en recourant à une incinération dégageant de la chaleur récupérable ; la responsabilité sera portée par tous les acteurs de la chaîne : constructeurs, mais aussi chimistes, équipementiers, fabricants de matériaux, démolisseurs, broyeurs, en tirant parti des nombreux partenariats qui existent d’ores et déjà entre plusieurs d’entre eux (constructeurs, sous-traitants et fabricants de matériaux notamment); un comité de pilotage doit suivre la mise ne place progressive des réseaux et mesure l’atteinte de l’objectif. L’entreprise Renault a été un acteur prépondérant dans la définition et l’aboutissement de cet accord-cadre, qui fait porter les efforts à la fois sur le démontage des véhicules hors d’usage, la création de nouveaux débouchés pour les matériaux de l’automobile et la conception de voitures plus recyclables. Pour ce dernier point, sachant que les véhicules sont d’ores et déjà recyclables théoriquement à 100 pour cent (en laboratoire, on sait trier et récupérer tous les matériaux), il s’agit de mettre au point des solutions concrètes réalisables à taille industrielle et viables économiquement. Mais les cahiers de préconisations rédigés par des "ingénieurs recyclage" n’ont eu que peu d’effet sur le travail des concepteurs, à la fois du fait des innombrables contraintes qui pèsent déjà sur eux, de la difficulté à trouver un langage commun et du caractère forcément incomplet de ces recommandations. La seule solution a consisté à associer directement concepteurs et ingénieurs recyclage pour un travail "pas à pas" fait de multiples négociations partout où le "grappillage" est possible, mais aussi d’"alliances" avec d’autres paramètres (poids, qualité, coût, après-vente...). Peu à peu se constitue ainsi un savoir technique du recyclage qui devrait permettre à l’Etat et à la communauté européenne, si leurs recommandations ne sont pas suivies, d’imposer une réglementation reposant sur une meilleure connaissance des difficultés et des solutions praticables.
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, France, Europe
Un passionnant débat a suivi cet exposé, certains insistant sur le fait qu’on n’agit que sous la contrainte et qu’un accord-cadre de ce type n’est qu’un rideau de fumée qui permet aux industriels de gagner du temps ; selon les orateurs, il est vain d’agiter des menaces si personne ne sait comment faire et si les pouvoirs publics n’ont même pas le savoir technique qui leur permettrait d’évaluer l’action des industriels : une menace non crédible est inefficace.
La question se pose à propos de toute réforme qui vise des objectifs nouveaux, pour lesquels n’existe aucune expertise. Le rôle des ONG et par exemple d’une instance comme la Fondation pour le Progrès de l’Homme n’est pas seulement de réclamer les réformes qui semblent s’imposer dans divers domaines (même si c’est indispensable et si, en effet, ce n’est que sous la pression que les choses peuvent changer), mais aussi d’aider les Etats à expérimenter et à capitaliser les solutions techniques qui rendent ces réformes envisageables ; les fiches DPH tendent à ce but.
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AGGERI, Franck, HATCHUEL, Armand, CLAES, Lucien, Le changement pas à pas : le développement de la problématique du recyclage dans l'industrie automobile - séminaire 'Crises et mutations' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1996 (France), II
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