L’association Baatu tefess de Mbour, Sénégal
1999
Mbour est l’un des plus importants ports de pêche du Sénégal. C’est un pôle d’attraction pour les nombreux pêcheurs des quatre coins du pays. En même temps, Mbour est une localité où l’industrie touristique est très développée. L’essentiel des activités touristiques du pays est concentré dans cette région du Sénégal. Ces activités touristiques attirent une bonne partie de jeunes sans espoir venus des villes et connus pour leur tendance à s’adonner au banditisme et au racket des touristes ayant peu d’expérience.
Au niveau de la plage de Mbour, le développement du banditisme a atteint des proportions inquiétantes. L’émergence et le développement de bandes qui agressent les femmes, les enfants et les passants créent une véritable situation de terreur. Le racket y est permanent. Des vols à main armée sont perpétrés en plein jour et les pêcheurs et mareyeurs sont escroqués et ridiculisés dans leurs lieux de travail par des bandes de "Faq maan". La situation était devenue insupportable pour la population qui a décidé de mettre fin à de telles pratiques.
Ce constat révoltant a été le déclic qui a amené les populations à mettre sur pied l’association BAATU TEFESS pour mettre un terme à la situation de terreur qui prévalait depuis longtemps dans le quartier. D’abord venue d’une initiative des pêcheurs et des mareyeurs, l’idée de créer une association est ensuite élargie aux vieux, aux notables et à toute la communauté. D’abord, il y a eu une vaste campagne d’information et de sensibilisation au sein du village de Mbour. Ensuite, des visites auprès des autorités administratives (mairie, préfecture)et des services officiels de l’ordre public (police, gendarmerie)sont effectuées par ceux qui en ont pris l’initiative pour expliquer leur projet à ces représentants de l’Etat. Tous ces contacts et les réunions de concertation ont abouti à la tenue d’une assemblée générale constitutive, le 07 janvier 1997 à la place de l’ONU (lieu public à palabre et à ciel ouvert sur la plage de Mbour). Cette réunion a vu la participation aussi bien des pêcheurs, mareyeurs, du chef de village, des notables et des représentants du pouvoir central : police, gendarmerie, mairie, préfecture, service d’hygiène, service régional des pêches, brigade des sapeurs pompiers, etc.
L’association BAATU TEFESS jouit d’une reconnaissance légale avec l’obtention de son récépissé du Ministère de l’Intérieur. Son fonctionnement est assuré par un bureau composé d’un président d’un secrétaire général, d’un trésorier et de présidents de commissions. Depuis sa création, BAATU TEFESS se charge des problèmes et des conflits ; ce qui était traditionnellement du ressort de la police et de la gendarmerie. Le fait de faire recours à l’Association pour régler les conflits sociaux a un double avantage très apprécié par la population mbouroise et les services de l’ordre. Le premier est que la police et la gendarmerie se sentent déchargées de certaines tâches ; un autre avantage réside dans le fait qu’aucun effort n’est épargné par l’association pour éviter que les litiges sociaux finissent en justice. Elle essaie de trouver des solutions aux conflits et fait tout pour éviter le recours à la justice.
Plusieurs actions concrètes sont à mettre à l’actif de l’association :
· Opérations de nettoiement de la plage en collaboration avec le service d’hygiène,
· Signalement des personnes portant atteinte à la sécurité publique aboutissant à des arrestations par la police, comme dans le cas des trafiquants de drogue
· Collaboration avec le Service National de la Surveillance des Côtes sénégalaises aboutissant a l’arraisonnement de bateaux pirates
· Travail de guide et de facilitateur pour des jeunes chercheurs dans le domaine maritime. L’Association est considérée par les villageois comme le seul interlocuteur valable pour toutes personnes désireuses d’obtenir des informations sur la pêche.
· Porter secours aux amateurs de la mer en danger. Avec le concours de la brigade de surveillance de Baatu Tefess, plusieurs noyades ont pu être évitées ; surtout pendant les vacances scolaires où la plage est très fréquentée.
· Médiation familiale en cas de conflits ou divorces
· Aider à l’initiation et à la formation pour l’insertion de personnes désorientées dans la pêche artisanale. Il faudra peut être rappeler au passage que la pêche attire de plus en plus de jeunes ruraux venus se convertir en pêcheurs ou comme manoeuvres dans les ateliers de transformation artisanale. Cette affluence de personnes issues du monde rural ne sachant pas nager se solde parfois par des noyades. Pour cette raison, la formation assurée bénévolement par l’association en direction des jeunes qui veulent devenir pêcheurs est une initiative noble.
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, Senegal, Mbour
Grâce à des actions de recherche, de concertation et d’appui-conseil, l’association a considérablement contribué au rétablissement de l’ordre public et de la décence au niveau de la plage. Au moment de sa création, les membres avaient comme principal objectif : l’amélioration des conditions de sécurité sur la plage et en mer. Pour réaliser cet objectif, des moyens ont été mobilisés dès le départ : mise à disposition de sifflets et de talkie-walkie pour assurer la communication entre les responsables chargés de la sécurité sur la plage ; mais aussi entre ces derniers et les pêcheurs en haute mer lorsque le temps n’est pas clément. Progressivement, les prérogatives de l’association ont été élargies à l’ensemble de la communauté avec son rôle de régulateur social.
A.Sall est responsable du CREDETIP, ONG maritime sénégalaise ; co-fondateur et administrateur d’ICSF (International Colective in Support of Fishworkers)dont le siège est à Madras et son bureau de liaison à Bruxelles ; et administrateur du "Programme de valorisation des pertes après captures", financé par les fonds FED de l’Union Européenne pour les seize pays de la CEDEAO. Le Secrétariat Technique de ce programme est basé à Abidjan. L’expérience acquise à travers ce programme a fait l’objet de fiches consultables dans la banque d’expériences. Plusieurs autres fiches produites par l’auteur sont également disponibles dans la banque d’expériences.
Le texte original de cette fiche est une intervention de l’auteur dans le cadre du forum UE-ACP, diffusée le 30 juin 1999 sur le site Web du Débat Public UE-ACP : http://www.ue-acp.org/fr/forum/. Elle a été sélectionnée pour le dossier préparatoire au forum des habitants qui s’est tenu à Windhoek, Namibie (12-18 mai 2000)dans le cadre du sommet Africités.
Original text
CREDETIP (Centre de Recherche pour le Développement des Technologies Intermédiaires de Pêche) - B.P. 3916 Dakar SENEGAL - Tél. : (221)821.94.62 - Fax : (221)821.94.63 - Senegal - credetip (@) sentoo.sn