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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Quelques heures, quelques hivers

Pierre Yves GUIHENEUF

03 / 1999

<Encore quelques heures, quelques hivers, et aucun des descendants des grandes tribus qui vivaient autefois sur cette terre ou qui sillonaient les bois par petits groupes, ne survivra pour pleurer les tombes d’un peuple qui fut jadis aussi puissant et prometteur que le vôtre. Les Blancs aussi disparaîtront. Peut-être même plus tôt que les autres tribus. Continuez à souiller votre propre lit, et une nuit vous suffoquerez dans vos propres déchets.>

Ainsi s’exprimait le chef Seattle, indien Suqwamish par son père, Duwamish par sa mère, né vers 1786 dans ce qui est aujourd’hui la ville de Seattle, dans l’Etat de Washington. Représentant du peuple indien auprès du gouvernement des États-Unis, il prononça en 1854 un discours qui devint célèbre. L’année suivante, il se retira dans une réserve et y mourut en 1866.

Des extraits de ses textes sont présentés ici, accompagnés de ceux d’autres chefs indiens, aussi surpris et indignés des exigences des colons. <Vendre une nation ! s’exclame ainsi Tecumseh, chef Shawnee. Pourquoi ne pas vendre l’air et le grand océan en même temps que le terre ?>.

La résignation parcourt ces pages, écrites par ceux qui voyaient décliner leur peuple et disparaître leur civilisation. <Je ne m’étendrai ni ne me lamenterai sur notre décin prématuré, dit encore Seattle, ni ne reprocherai à nos frères visages pâles de le hâter, car nous aussi sommes peut-être quelque peu à blâmer>.

Lorsque le chef Sioux Standing Bear décrit les préceptes de l’éducation qu’il a reçu enfant, on comprend la distance qui le sépare de ses vainqueurs dans l’usage que ces derniers faisaient des ressources naturelles de sa terre. <Nous apprîmes ce que seul apprend celui qui étudie la nature, dit-il, à ressentir la beauté. [...]L’intérêt, l’admiration, l’émerveillement grandissaient. [...]. La vie palpitait, éclatait. Rien n’était quelconque ou commun. L’Indien existait - dans tous les sens du mot - de son premier à son dernier souffle.>

Cette harmonie avec la nature est révélatrice d’une vision du monde empreinte de liberté. Le Comanche Ten Bears écrit, comme pour sa propre épitaphe : <Je naquis dans la Grande Prairie, où le vent soufflait libre et où rien ne brisait la lumière du soleil. Je naquis là où n’existait aucun enclos et où toutes choses respiraient librement>. Inspirateurs, malgré eux sans doute, de certains courants de la pensée écologique moderne, les Indiens d’Amérique du Nord préfigurent une certaine forme de sagesse. <Toutes les choses se tiennent. Tout ce qui advient à la terre advient aux enfants de la terre>, rappelle Seattle.

Peuples nomades et chasseurs, les Indiens sont aussi des guerriers et ces textes le rappellent, évitant de voir ressurgir le mythe du bon sauvage pacifiste. Incapables de "construire une hutte, de capturer un cerf ou de tuer un ennemi", voilà comment Canassatego qualifie les jeunes Indiens à leur retour de l’école des Blancs. <Ils sont devenus des bons à rien...>

Ces textes épars sont éclairés par les sérigraphies d’Amhad Kaddour, peintre originaire de Syrie qui, lors d’un séjour en Pennsylvanie, s’est lié d’amitié avec des intellectuels et des artistes indiens. Mêlant les formes empruntées à plusieurs tribus avec les ocres des sables, ils présentent l’image d’une fructueuse rencontre inter-culturelle. Le noir des traits et les trainées de couleurs résonnnent avec le pathétique de ces messages laissés sur le papier. Après tout, dit Seattle, <nous ne sommes qu’une poignée>.

Key words

minority culture, cultural interdependence, cross cultural dialogue


, United states

Source

Book

KADDOUR, Ahmad, Quelques heures, quelques hivers..., Alternatives, 1998 (France)

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