Pour une réforme de la réforme de la PAC : le pourquoi, le comment.
09 / 1998
André Pochon : agriculteur breton, militant depuis 40 ans en faveur d’une agriculture durable. Signe particulier : têtu ! Car il en faut de la ténacité pour expliquer inlassablement, aux citoyens de base comme aux décideurs (qui heureusement semblent l’écouter de plus en plus)les pourquoi et comment d’une agriculture durable, face à une agriculture productiviste qui aujourd’hui est au bout du rouleau. Mais que dit-il en substance : qu’au départ, dans les années 60, il n’était guère sensibilisé aux problèmes d’environnement. Ce sont paradoxalement des considérations purement économiques qui l’ont conduit à adopter des techniques respectueuses de l’environnement ! Car "rien ne sert d’augmenter les recettes si les dépenses augmentent plus vite" dit-il, allusion aux quantités toujours croissantes d’intrants nécessaires pour augmenter les rendements. "La vache a une barre de coupe à l’avant et un épandeur à l’arrière" : façon élégante d’expliquer qu’il est plus facile de laisser la vache brouter aux champs (qu’elle fertilise ensuite naturellement avec ses déjections)que de cultiver du maïs, d’acheter du soja, de le donner à l’étable, puis de récupérer les déjections pour les épandre... Cela paraît évident, et pourtant ! Contre toute attente logique, c’est bien le système "maïs-soja" qui est devenu majoritaire... avec les dérives d’alimentation de ruminants à base de farines animales et les conséquences de "vache folle" que l’on connaît. Comment en est-on arriver là ? Pochon voit deux explications : un conditionnement collectif vers une course au toujours plus de rendement ("le tour de force a été de faire croire aux producteurs qu’il valait mieux nourrir les vaches à l’auge, avec du soja importé, plutôt qu’au pré, alors que, toute compte fait, cela coûte cinq fois plus cher !"); seconde raison : les effets pervers de la PAC, qui encourageait les productions intensives et industrialisées, avec toujours plus d’intrants. Conséquence : excédents agricoles, coût budgétaire énorme, désertification des campagnes, destruction de l’environnement (pollution de l’air, de l’eau, destruction de l’humus, paysages massacrés, danger sanitaire des produits agricoles...). Et tout çà, car les modalités de répartition des aides publiques (110000 F. par an en moyenne par exploitation en France)n’ont pas été bien pensées ! Deux chiffres : 85% des subventions sont concentrées sur 20% des agriculteurs ; un céréalier de taille moyenne (300 hectares)en Eure et Loire reçoit un million de francs par an d’aides, contre seulement 25000 francs pour un agriculteur savoyard ! Les crédits distribués aux agriculteurs européens représentaient 45 milliards d’ECU en 1997 : le problème n’est donc pas aujourd’hui d’augmenter cette contribution publique, mais bien de mieux la distribuer !
Alors, quelles sont les propositions de Pochon ? Convaincu, comme il le dit lui-même, que pour être compris de l’opinion publique il faut faire simple et répondre à un souhait profond, il présente trois propositions :
- imposer la conditionnalité des aides publiques : l’agriculteur ne percevrait des aides qu’à la condition d’adopter des pratiques agricoles préservant l’environnement ou créant des emplois;
-établir la dégressivité et le plafonnement de ces aides : plus l’exploitation est petite, plus l’aide à l’hectare est importante, et au-delà d’une certaine surface, l’exploiattion ne reçoit plus d’aide. Il y aurait aussi un plafonnement par actif (pas plus de tant de milliers de francs par actif).
-définir toutes les aides par rapport à la surface de l’exploitation, pour toutes les productions : ceci implique un remplacement des primes à l’animal par une prime à la surface fourragère (sauf pour les oléoprotéagineux, afin de diminuer la dépendance de l’Europe vis-à-vis des importations). Comme le dit Michel Jacquot, ex directeur du FEOGA, dans sa préface : puissent les auteurs de l’Agenda 2000 (projet de réforme de la PAC)lire ce livre pour améliorer leur copie !
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, Europe
Livre passionnant car écrit pour les néophytes : les démonstrations sont reprises depuis le début, les explications sont limpides (qu’est-ce qu’un taurillon, un boeuf, destination des veaux mâles, des veaux femelles..., le pourquoi du maïs-soja, que sont les PSC...). En plus, des repères historiques (formation de l’Europe, première PAC, syndicalisme agricole...)aident à replacer les enjeux actuels dans leur contexte évolutif. Ce livre est truffé de données économiques et techniques, qui aident à comprendre les systèmes de production adoptés par les agriculteurs en fonction des montants perçus... Preuve qu’une incitation financière est un bon levier de politique agricole ! Le plaidoyer pour l’agriculture durable est en tout cas très convaincant. On est sidéré par la façon dont s’est fourvoyée l’agriculture, et le rôle que la FNSEA a pu jouer... En espérant que cela serve de leçon pour l’avenir ! Le livre est agrémenté de nombreux témoignages (en italliques)de rencontres de Pochon avec d’autres agriculteurs, des groupements, et surtout des politiques... presque autant de fiches DPH d’expériences à écrire !
Book
POCHON, André, Les champs du possible : plaidoyer pour une agriculture durable, SYROS/Alternatives économ, 1998 (France); Voir aussi la fiche sur "les citoyens rencontrent l'agriculture" et "PAC : pour un changement de cap".
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