Quatrième voie entre libéralisme, dirigisme et assistanat
04 / 1998
" Nous vivons sous un modèle hégémonique de développement qui, au Sud comme au Nord, produit destruction, pauvreté, exclusion sociale et politique, chômage, etc. Ce modèle ne reconnaît pas comme légitimes les activités humaines indispensables à la vie en société et menace l’avenir de la planète. (...)Nous sommes engagés dans un processus de construction d’une économie solidaire qui remet en question la conception selon laquelle les besoins humains pourraient être satisfaits par le seul marché et ses prétendues ’lois naturelles’ (...). " Ce texte est extrait de la déclaration de Lima (Pérou)qui a clôturé la réunion de juillet 1997 où 200 représentants d’organisations du Nord comme du Sud, se sont rencontrés sur le thème de la Globalisation de la solidarité.
Quel est le but de l’économie solidaire, qu’est-elle vraiment ?
L’économie solidaire, qui à l’inverse de l’économie sociale (coopératives, mutualités, associations...) n’a pas de statut juridique reconnu en France, doit produire de la solidarité ; contrairement à l’économie de marché qui produit de l’exclusion en ne redistribuant pas équitablement les bénéfices de son activité. L’économie solidaire "déplace les frontières instituées entre l’économique et le social en ne relevant jamais complètement de l’économie de marché ou de la solidarité étatique" indique J.-L. Laville (CRIDA, Centre de Recherche et d’Information sur la Démocratie et l’Economie). Elle apporte des solutions micro-économiques, là où les solutions macro-économiques restent vaines, pour provoquer une intégration économique des personnes et régions défavorisées. Elle regroupe diverses activités :
- soutien de projets par l’épargne solidaire ;
- activités économiques dans les quartiers ;
- développement du commerce équitable...
Ses domaines d’intervention concernent aussi bien les services de proximité que les activités liées à l’entretien de l’environnement ou au développement local. Mais, en plus de devoir assurer des emplois durables et de respecter ses salariés, l’économie solidaire n’échappe pas à la nécessité de produire des services de qualité et efficaces. Elle se distingue en cela des économies caritative, informelle et d’insertion. En effet, "elle part de ce qui existe" pour produire de la solidarité tout en produisant de la richesse. Ainsi, elle "refuse la logique de l’assistanat et prône l’initiative" ce qui correspond au mot d’ordre anglo-saxon du commerce équitable : Fair Trade, not Aid.
Une économie au service de l’Homme
Suivant le parallèle entre exclusion au Sud et au Nord, l’économie solidaire se développe aussi au Nord. En France se déroule, depuis novembre 1996, et pour plusieurs années, la Campagne Pour une économie au service de l’Homme coordonnée par les associations Terre des Hommes et Peuples Solidaires. Son but est de dialoguer, d’échanger avec les acteurs réels ou potentiels mais aussi, dans un second temps, de promouvoir, proposer et agir pour une économie solidaire, pour cette articulation des domaines économiques et sociaux entre eux, pour ce renforcement du lien social. Son souhait est de relier toutes les initiatives qui fleurissent ça et là, d’où son travail au sein de l’inter-réseau de l’économie solidaire.
Pour soutenir les diverses actions qui se développent, cette campagne propose intervenants et outils pédagogiques. Parmi ses initiatives, elle a également organisé avec le CRID (Centre de Recherche et d’Information sur le Développement), du 27 au 29 août 1997, une université d’été sur le thème d’une économie au service de l’Homme et de la mondialisation du progrès social. En 1998, le thème était : "Mondialisation - La société civile reprend la parole : pouvoir et contre-pouvoir".
Des crédits indispensables
Néanmoins, comme des risques de désengagement de l’Etat de ses prérogatives habituelles de soutien social existent, il doit y avoir collaboration entre Etat et réseaux de la société civile mais le chemin entre assistanat et économie marchande est escarpé. Comme l’économie solidaire vise la rentabilité économique, son développement passe par l’utilisation du crédit. Or le manque de reconnaissance officielle entraîne le problème du financement. C’est pourquoi il faut l’intervention de structures spécifiques pour favoriser cet accès et permettre ainsi le développement de projets alternatifs : les organismes de crédit traditionnels n’investissent pas facilement avec cette optique de préserver le lien social. Et pourtant, cela marche ! Les entreprises aidées par les Cigale (Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Épargne)ont un taux de survie de 75 % au bout de cinq années d’activité, alors que la moyenne nationale est de 50 %. Une autre possibilité est l’intervention des institutions locales pour soutenir les services de proximité. Ainsi, la région Nord-Pas-de-Calais est entrée dans le capital d’un établissement de crédit alternatif, la Caisse de Solidarité de Roubaix. Des problèmes sont liés au fait que les institutions sont inadaptées à cette économie censée faire le lien entre économie marchande, non-marchande et non-monétaire. Il s’agit par exemple de l’impossibilité de cumuler un revenu de transfert et un revenu d’activité ; l’absence de statut de l’entreprise à but non lucratif, ce qui oblige à choisir entre l’association ou l’entreprise classique ; l’inexistence du statut pour le pluriactif ou le bénévole, etc. Ces situations illustrent la nécessité d’une hybridation des ressources pour cette économie qui s’intéresse à des personnes ou des régions pas toujours solvables
Ces notions d’hybridation et de coopération sont sans doute essentielles afin de limiter la dilution des sociétés dans les phénomènes de communautarisation, au Sud et au Nord, qui entérinent une situation de rejet par rapport aux différents secteurs - économique, social, culturel - du premier monde en marche.
fair trade, economic solidarity, training, access to credit, liberalism, excluded for economic reasons, alternative financing
, Europe, France
Colloquium, conference, seminar,… report
Peuples solidaires, Terre des Hommes, Une économie au service de l'Homme : mondialiser le progrès social, 1997/02/27, Une économie au service de l'Homme : Mondialiser le progrès social : Compte-rendu de l'université d'été de Bombannes (27-29 août 1997)par Peuples Solidaires et Terre des Hommes France, 1997. L'économie solidaire : l'autre mondialisation, dossier paru dans Peuples en marche, octobre 1997, n°129, p. 5-12. Créer des emplois autrement, dossier paru dans Le Monde Économie, mardi 3 février 1998. Pour plus d'information contacter : Olivier CONSOLO et Coralie HERMELOUP. Pour une économie au service de l'Homme, 4 rue Franklin, 93200 Saint-Denis, France. Tél : (33)01 48 09 09 76. Fax (33)01 48 09 15 75.
SOLAGRAL (Solidarité agricole et alimentaire) - n’existe plus