Interculturel : confrontation des méthodes et des rythmes pour un enrichissement mutuel ?
11 / 1998
Il n’est pas toujours évident, pour un organisme comme la FPH, de se positionner par rapport aux partenaires, de PROPOSER UNE METHODE, de trouver le juste point d’intervention entre le partenariat et l’ingérence. Par exemple, lors de la préparation, avec nos partenaires africains, d’une rencontre anglophone en Afrique de l’Est, nous recherchions ensemble des solutions africaines. Mais dans ce contexte, le positionnement de la FPH peut être rapidement délicat : lorsque nous avons proposé d’introduire dans la rencontre la présentation d’expériences extérieures au continent africain, on nous a répondu que cette attitude était en quelque sorte comme une forme de rejet des solutions africaines. En fait, pour ne pas imposer une méthode nouvelle, qui pourrait être mal vécue car mal interprétée, on ne pouvait proposer d’introduire dans l’agenda ces expériences étrangères qu’une fois une solution africaine avancée. Cette réaction peut être justifiée, mais il est difficile de faire partager à des personnes qui ne l’ont pas expérimenté, et qui sont dans un contexte politique difficile, tout l’intérêt d’une expérience extérieure et son effet de distanciation, le recul avec lequel on peut l’aborder et la réflexion qui peut en émerger.
Une solution a été de proposer un dossier de fiches d’expériences avant ou pendant la rencontre. Mais on n’a pu faire garder l’idée de présenter, sur place, des références extérieures.
Par ailleurs, lors de la réunion de préparation de la rencontre en Afrique de l’Est, le processus de compréhension sur les concepts que nous mettions derrière le terme " séminaire " fut assez difficile, et par extension les concepts autour des éléments clé de proposition, de discussion n’étaient pas toujours partagés. Nous avons donc fait un tour de table pour y voir plus clair et changer nos points de vue sur ces concepts.
Ce problème de compréhension n’était pas seulement dû à une approche différente du séminaire et de la méthode de travail, mais aussi certainement à des ASPECTS LINGUISTIQUES : on ne met pas toujours les mêmes concepts derrière le mêmes mots, et encore moins lorsqu’il s’agit de deux langues différentes.
Les différences culturelles et donc d’approche méthodologique à l’organisation d’une rencontre peuvent aussi être fortes autour du CHOIX DES PARTICIPANTS : à plusieurs reprises, lors de la préparation de rencontres en Afrique (Mali et Afrique de l’Est), j’ai été confronté à la question du choix des invités. La méthode africaine, bien souvent, fait une grande place aux représentants des élites, qui sont des personnes clé, incontournables, quoi qu’on en dise. On sent là une sorte de concession forte aux institutions. Or cette tendance, même si elle existe beaucoup en France, n’est pas dans la culture de la FPH.
Par exemple, en préparant une rencontre en Afrique de l’Est avec un partenaire ruandais, sur 20 personnes, il y avait déjà 15 " incontournables " sur la liste proposée ! Cela pose des problèmes, notamment financiers : ces personnes demandent un traitement favorisé, or on ne peut pas toujours se permettre de les loger " à leur mesure ". D’autant que la FPH conçoit difficilement de favoriser certains invités par rapports à d’autres. Cette question rejoint celle de la relation Etat/société civile dans certains pays africains : cette dernière est fragile, elle n’a pas assez de reconnaissance, et en même temps elle ressent un besoin de l’institutionnel très marqué. On finit alors rapidement par inviter des personnes qui ne sont pourtant pas les plus indispensables à une rencontre. Il faut certes des personnes clé, mais alors il faut bien les choisir, en rapport au thème de la rencontre, des personnes porteuses d’idées, de propositions.
L’interculturel suppose aussi une DIVERSITE DES RYTHMES. Sur cet aspect, ne prenons pas nos rêves pour des réalités : on ne peut imposer son rythme au nom d’une efficacité imparable. Il faut respecter le rythme de l’autre, c’est une condition au partenariat, à l’échange. Aussi, la stratégie de l’effet de calendrier pour se donner des délais peut être très efficace, mais elle ne fonctionnera qu’à cette condition.
D’autant que chacun a son propre agenda, que les moyens de communication ne sont pas toujours simples, les déplacements requièrent une logistique parfois lourde, donc sans prendre en compte tous les aspects qui constituent le rythme de chacun, on ne peut obtenir des résultats efficaces. Et n’oublions pas que pour pallier à ces lourdeurs logistiques, la communication à distance n’est qu’une solution de remplacement, elle n’offrira jamais la richesse d’une relation humaine qui est irremplaçable.
C’est pourquoi une rencontre interculturelle doit proposer une programmation indicative et réaliste. Il ne faut pas concevoir comme une catastrophe ou une trahison le fait de ne pas tenir un agenda. Car des éléments nouveaux peuvent toujours apparaître au dernier moment et modifier les choses. Par exemple, la rencontre prévue en Afrique de l’Est a dû être retardée du fait des événements récents survenus au Congo.
Certes, on ne peut pour autant excuser tout retard sur le motif de l’interculturel, mais il faut toujours se demander pourquoi un calendrier n’a pas été tenu, analyser ces raisons, et si la rencontre mérite d’être tenue malgré ces nouveaux éléments, fixer un nouveau calendrier. En revanche, s’il y a réellement abus dans le partenariat, il faut le casser, ne pas s’obstiner à une relation de travail si la motivation n’est pas partagée. Au Mali par exemple, je n’ai pas mené à bout la convention passée avec nos partenaires car une partie du programme de suivi n’a pas été réalisé sans raisons qui pouvaient le justifier.
methodology, cultural interdependence, cultural diversity, cross cultural dialogue
, África, East Africa, France, Mali
Le partenariat interculturel suppose une relation basée sur la compréhension, la connaissance, la clarté et la confiance : compréhension et connaissance de la culture de l’autre, clarté dans les objectifs, dans le partage de ces objectifs et confiance dans la motivation, dans la volonté mutuelle de réaliser le projet partagé. Ces quatre éléments sont indissociables, ils permettent de travailler dans la transparence, et donc de dépasser les questions interculturelles. Non de les contourner, mais de les inclure dans le processus et la méthode adoptés.
Cette fiche a été réalisée à partir d’un entretien avec Jean Freyss. On peut le contacter à l’adresse suivante : 20, rue Jean-Pierre Brossolette. 93130 Noisy-le-Sec. Fax : 01 48 43 65 21. Courrier électronique : jfreyss@fph.fr
Entretien avec FREYSS, Jean
Interview
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