Salimata OUEDRAOGO, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT
12 / 1998
Madame Salimata Ouedraogo : « J’ai d’abord travaillé, à Ouahigouya, avec l’association Naam-Six S, pendant 7 ans. J’étais dans plusieurs domaines : j’ai travaillé sur la santé de l’enfant et de la mère, j’ai fait guide, j’ai fait un projet d’évaluation, j’ai aussi fait de la communication. C’est une association dans laquelle tu gagnes beaucoup d’expérience, c’est très bien mais ce qui m’a un peu découragée au niveau de l’association c’est qu’on ne peut pas passer tout notre temps, toute notre vie, à travailler bénévolement. C’est le problème du bénévolat qui m’a fait quitter l’association. Le bénévolat c’est bien un ou deux ans mais pendant toute la vie ce n’est pas intéressant. Tu travailles comme ceux qui gagnent chaque fin de mois mais on ne te donne rien : même pas le prix de l’essence (de ta mobylette), rien. Le fait de travailler avec des paysans, cela me plaît beaucoup mais je ne peux pas passer tout mon temps à travailler bénévolement. D’un côté, c’est bien, parce que c’est pour le développement de mon pays mais il faut te développer avant de développer ton pays, parce que si tu ne manges pas, tu ne peux pas travailler. Chez moi j’ai au moins quatre enfants. Ce n’est pas mes propres enfants mais je les prends en charge, ce sont des orphelins. Alors je ne peux pas passer tout mon temps sans rien avoir. Je suis obligée de chercher quelque chose pour moi et pour ces enfants, parce que ce sont les enfants de mes frères, de mes soeurs, qui depuis quelques temps ont perdu leurs parents.
J’ai réfléchi : même si l’association est une vraie famille, je ne gagne rien. Alors j’ai quitté Naam-Six S, au bout de 7 ans d’expérience. Et j’ai travaillé un peu dans une entreprise d’assurance et aussi dans une association (qui m’a vraiment suppliée de travailler avec eux)une association où on s’occupe uniquement des enfants délaissés.
Après trois ans je me suis dit : « Déjà trois ans et mon salaire ne couvre pas toujours mes besoins familiaux, mes dépenses, alors que faire ? Ce n’est pas encore tout à fait ce que je veux ». Je gagnais 30.000 CFA (3.000 FF)par mois. J’ai laissé l’Assurance.
J’ai essayé de faire un petit restaurant, en 1997. Déjà je me débrouillais à la maison avec les étrangers qui venaient, les amis, je préparais et puis on mangeait ensemble. On me donnait un peu. J’ai vu que c’était une activité qui pouvait faciliter ma vie. Deux amis blancs, qui étaient venus chez moi, m’ont donné l’idée et m’ont dit qu’ils allaient m’aider avec des idées. Ces deux amis suisses, qui m’ont soutenue, m’ont vraiment encouragée. Après leur départ, je me suis dit : «Vraiment, c’est une bonne idée. Si j’arrive à faire cela, il n’y aura pas de problème.» Donc j’ai fait cela. J’avais de petites économies et puis j’avais aussi d’autres amis suisses auprès desquels j’ai fait des demandes de « projet » et qui m’ont aidée à faire mon restaurant. Avec le restaurant cela va un peu. J’arrive à couvrir mes dépenses, j’arrive à faire de petites économies. Ce n’est pas tout à fait bon mais je peux dire que c’est bien.
Je veux en venir à « mes enfants » : le groupement des enfants. C’est devenu un groupe de 12 à 15 enfants. J’ai essayé de prendre les enfants qui ont perdu leur maman ou leur père. Je suis devenue leur mère, leur parent, leur papa. Ce sont ces choses-là qui me font vivre : d’avoir une préoccupation dans ta vie plutôt que d’être dans ta maison, tu manges seule, tu es bien, tu « sors galant ». Pourtant il y a des gens qui sont misère. Je ne sais pas si je vais y arriver. C’est cela le développement. Moi, je cherche au moins cela : 12 à 15 enfants dont j’arrive à m’occuper. Je m’occupe de leur santé, de leur habillement, de les rendre heureux. Parce qu’ici, dans nos familles, on dit que si l’enfant est heureux, s’il a à manger et à boire, pour eux c’est OK, mais j’essaie de leur montrer qu’on peut jouer au ballon, qu’on peut danser, qu’on peut faire des contes, des histoires drôles, jouer avec le sable. Tout cela fait partie de l’éducation de l’enfant. Donc, je suis de gauche à droite mais vraiment ce sont les moyens qui manquent. Moi, en tout cas, ce que je demande c’est d’avoir les moyens de travailler avec mes enfants et aussi avec le groupement de femmes.
Quand j’ai quitté Six S je me suis dit : « Un jour ou l’autre, je veux essayer, je ne peux pas faire une association parce que cela demande beaucoup de choses mais juste un groupe pour pouvoir soulager ce qui est dans mon cour ». C’est à dire : je me suis beaucoup frottée aux femmes, je me suis beaucoup frottée aux paysans. J’ai toujours envie de rester avec eux, envie de partager ma vie avec eux. Jusque-là, ce n’est pas encore arrivé mais on est en train de faire un petit groupe au niveau de mon secteur, un groupe de 32 femmes. Et nous essayons de travailler entre nous, les femmes. Par exemple, on fait la conservation de piment cuit dans des pots, on fait de la broderie, des théâtres, la sensibilisation sur le planning familial, sur le SIDA. Au restaurant, je gagne mais je peux dire que c’est malgré moi. Ce n’est pas ce que moi je voulais. Je voulais juste un groupe de femmes, juste vivre comme c’était au SIX S avec les paysans. C’est vraiment une famille. C’est cela que je veux mais je n’ai pas les moyens. Sinon, j’ai l’expérience pour travailler. Pour mon groupement de femmes, je ne demande pas que ce soit une grande association mais que moi aussi je sois utile dans la société. Je ne demande pas d’être une grande association mais je le souhaite. Ce n’est pas facile car je ne connais pas les gens qui font les financements.
J’ai toujours envie de travailler comme cela. Je préférerais gagner moins mais travailler avec les enfants, avec les femmes. Si j’avais les moyens, je ne resterais pas sur le restaurant mais j’essaierais de faire vivre vraiment mon groupement de femmes".
countrymen’s organization, woman, child, women’s organization
, Burkina Faso, Ouahigouya
Une animatrice bénévole, qui fut active durant sept ans au sein des groupements Naam-SIX S de Ouahigouya, décrit sa vie et précise son rêve : non pas réussir une activité individuelle (comme celle du « restaurant » qu’elle a dû gérer pour vivre et aider les enfants qu’elle a recueillis)mais « essayer » de faire vivre vraiment son groupement de femmes et de travailler pour des enfants orphelins.
Entretien avec OUEDRAOGO, Salimata
Interview
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