Des adultes se plaignent du regroupement de jeunes Comment résoudre les tensions en inventant une réponse coproduite par les habitants et les professionnels
Françoise MALBOSC, Kamel CHICKH
05 / 1999
Et si l’on interprétait une situation de conflit entre jeunes et adultes dans un quartier comme un défaut de communication ? Comment alors entendre les plaignants et résoudre les tensions ? En inventant une réponse coproduite par les uns et les autres, habitants et professionnels. Récit incisif par Kamel Chickh (alors "animateur jeunes" au centre social municipal du quartier)d’une démarche de résolution de conflit et de développement qu’il a menée avec son collègue agent de développement territorial.
APPRENONS à NOUS CONNAITRE !
"Aujourd’hui dans notre terminologie nous retrouvons sans arrêt les mots incivilité et insécurité. Voilà le virus dont souffre notre société !
Il semblerait que les premiers symptômes soient reconnus de la manière suivante : regroupement de jeunes dans les allées, regroupement sur les lieux publics, non acceptation des différences de son prochain, climat de peur, regard subjectif sur tout ce qui semble hors normes...
Devant le ras le bol des habitants, la maison de quartier des Brosses à Villeurbanne et tous les acteurs sociaux de terrains (animateurs, OPAC, agent de développement, gardiens d’immeubles, éducateurs spécialisés...)ont été sollicités pour analyser cette situation. Une rencontre jeunes et habitants a été provoquée. Là nous nous sommes retrouvés dans une situation conflictuelle entre les deux parties où chacun des intervenants prêchaient pour sa propre paroisse. Ensuite nous avons essayé de travailler autour d’un projet commun où chaque individu retrouverait un statut social. Là, tout naturellement chacun a appris à connaître tous les interlocuteurs en acceptant plus ou moins au départ l’origine, la fonction ou le statut des uns et des autres. Notre rassemblement nous a rappelé combien il est important de se connaître pour travailler ensemble et que cela était indispensable pour vivre ensemble.
Cette action a duré six mois et a rassemblé plus de cinq cents personnes autour d’un thème : le sport et la santé. Habitants, jeunes et professionnels ont été auteurs et acteurs de cette journée que l’on a appelée OXYGENE."
"DANS TOUS LES QUARTIERS IL Y A UNE MURETTE ET DES JEUNES..."
C’est aussi une formule de Kamel Chickh pour décrire les conflits ou malentendus entre "jeunes et adultes". Leur résolution n’est pas aussi simple qu’il y paraît, l’animateur en convient volontiers.
A l’origine, des plaintes adressées au bailleur et aux élus à l’encontre de jeunes, des professionnels sommés de faire quelque chose en retour ; des professionnels qui d’ailleurs ne restaient pas sans rien faire et travaillaient déjà avec des jeunes, et décidèrent, à l’issue d’une réflexion collective, de faire s’exprimer et se confronter la position des uns et des autres plutôt que de laisser s’enkyster des tensions malsaines. Au cours de la première réunion d’explication - 50 adultes, 20 jeunes - les habitants disaient "donnez-leur une salle", autrement dit mettez-les ailleurs, mais la parole a circulé, "on a enlevé la soupape de la cocotte-minute et peu à peu créé le dialogue".
Les animateurs ont fondé la construction de ce dialogue sur différents éléments : le choix de confronter les points de vue (en ayant préparé les jeunes à prendre la parole); la recherche d’un projet rassembleur pour tous les protagonistes - une manifestation sport et santé - qui mettait à contribution les compétences et les intérêts de chacun et susciterait la rencontre ; un travail de longue haleine, dans la durée ; la rencontre des générations et des statuts (jeunes, personnes du troisième âge, associations et groupes informels); l’implication de tous les professionnels, car il est vrai que "les jeunes n’avaient pas vraiment de place dans le centre social"; l’attractivité de la manifestation par le recours, pour les deux jours de fête, à des animateurs d’une radio reconnue (sky rock)...
prevention of delinquency, conflict prevention, young person, urban neighbourhood
, France, Rhône-Alpes, Villeurbanne
200 bénévoles, 500 participants, pour la première année en 1996, la manifestation continue depuis est l’occasion d’entretenir le dialogue entre chacun. Les jeunes ont pu mener à bien de nouveaux projets. Aux dires de Kamel Chickh, l’ambiance s’est améliorée dans le centre social, il y a moins d’incivilités, le travail des professionnels est mieux connu... et il y a toujours des jeunes sur la murette.
Contacts : Catherine TROUILLET. Maison de quartier des Brosses. 41 rue Garnier 69100 Villeurbanne. tél : 04 72 37 02 22 - Luc DUPIN. 10 rue de Moulin Populle- 42300 Roanne. tél : 04 77 72 09 38.
Entretien avec CHICKH, Kamel
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Prévenir la délinquance et l'insécurité, des réponses à coproduire in. Les cahiers du DSU, 1999/03 (France), n°22
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