02 / 1997
Le rapport général établi par Jean-Claude CHASTELLAND présente les différents avis émis à la suite de la Conférence méditerranéenne sur la population, les migrations et développement, en octobre 1996 à Majorque, à l’initiative du Conseil de l’Europe. Cette rencontre a réunit 205 experts, représentants du Nord et Sud, de la science et de la politique, des médias et de l’administration centrale et locale. Les participants ont souligné que le mal-développement augmente les tensions entre les deux rives de la Méditerranée et génère des mouvements migratoires considérables et mal maîtrisés.
Il s’agit d’une réflexion sur l’aggravation des déséquilibres démographiques et économiques entre les pays de la rive Nord et Sud de la Méditerranée et sur les mouvements de population qu’ils engendrent. La question principale que sous-entend cette réflexion est de savoir si les mouvements migratoires peuvent s’arrêter. La réponse est négative : « Ni les fermetures de frontières, ni les aléas du voyage, à l’issue parfois tragique, ne découragent les candidats à l’émigration. Tant que le non-développement du Sud ne permettra pas aux populations, et surtout aux jeunes, de satisfaire leurs aspirations, ceux-ci essaieront de réaliser des projets migratoires ». Pour certains, la pression démographique dans les pays du Sud ne va pas diminuer avant plusieurs années.
Cependant pour d’autres participants, la question démographique n’est peut être pas aussi pertinente que l’on croit dans l’explication des mouvements de personnes en provenance du Sud de la Méditerranée. Elle jouerait par contre davantage un rôle dans l’évolution du marché du travail si l’on s’en tient à des perspectives pessimistes de créations d’emplois, créant ainsi « un bataillon » de chômeurs principalement constitué de jeunes. L’évolution du marché du travail dépend, dans les pays du Sud, des choix économiques et politiques, mais aussi d’un facteur de plus en plus important, celui de l’éducation des femmes lié au taux de fécondité. Il demeure que les pressions sur le marché du travail restent difficiles à prévoir, du moins dans le long terme. Certaines constatations sont faites sur le marché du travail dans les pays du Nord.
Les transformations progressives des industries européennes en industries tournées vers l’exportation, aurait comme conséquence une baisse de la demande de main d’ uvre. Mais le cas de l’Allemagne, pays exportateur, vient relativiser cette hypothèse ; de plus, le vieillissement de la population dans les pays du Nord rendrait au contraire nécessaire un flux migratoire, sauf si le choix est celui de l’augmentation de la productivité en termes capitalistiques. En conséquence, les migrations ne seraient plus liées directement au marché du travail, particulièrement en France. L’Italie et l’Espagne auraient en revanche un marché de travail plus attractif.
D’autres participants ont regretté le peu d’attention accordé aux problèmes politiques et culturels comme motifs d’émigration. En bref, l’utilisation des questions démographiques et économiques pourraient être davantage politique. Pour finir avec le marché du travail dans les pays du Nord, certaines pratiques comme la discrimination à l’embauche de migrants remettent en question la considération du migrant, et qu’au delà de l’être statistique, il est un être humain et surtout un sujet de droit. Il en découle, comme certains experts l’ont relevé, une difficile coexistence entre migrants et nationaux aggravée par une xénophobie et un rejet alimentés par une certaine couverture médiatique.
Les participants ont souligné l’absence jusqu’à présent d’une « vision prospective du rôle des migrations », et mis en garde contre la tendance à diaboliser la question migratoire et à en faire le bouc émissaire des problèmes propres aux sociétés européennes. Le développement serait-il une réponse aux questions liées aux migrations ? Pour les uns, il s’agit d’un mythe, pour d’autres, l’absence de développement pousserait davantage les jeunes à faire des projets d’émigration, ne trouvant pas sur place la possibilité de répondre à leurs aspirations. La question de la démocratisation de la vie politique et sociale apparaît incontournable pour garantir les libertés fondamentales.
Néanmoins les responsabilités sont partagées entre les pays du Nord et les pays du Sud. Le libre-échange peut-il être envisagé sérieusement comme mode de développement ? Ainsi, plusieurs inquiétudes apparaissent. Les économies des sociétés du Sud et de l’Est peuvent-elles supporter les lois d’ouverture et de compétition et améliorer leur compétitivité ? Certains sont pessimistes. Une possibilité serait une coopération combinant le libre-échange et l’assistance, accompagnée non pas d’une restructuration économique mais de nouvelles stratégies économiques avec des mesures à court terme comme l’amélioration de l’environnement juridique et administratif des économies du Sud. Cependant, le libre-échange a des conséquences négatives dans le domaine fiscal et celui de l’emploi, et des effets limités vu que les produits agricoles sont exclus. Un paradoxe évident fut mis en évidence : accepter la libre circulation des biens matériels et non celle des personnes. Cela pose la question de la valeur humaine de la coopération et donc de la dimension culturelle du dialogue en vue de faire converger les droits de le personne humaine, les valeurs féminines et la condition de la femme. Des politiques d’information et d’échange entre acteurs des deux rives méritent donc d’être encouragées.
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, Mediterranean countries, Europe
Gouverner les villes avec leurs habitants
Les migrations sont souvent été abordées sous l’angle des aléas de la conjoncture économique et de l’opportunisme politique ; pour élargir ce champ de vision, on se réjouit de la grande réunion de compétences organisée par le Conseil de l’Europe au chevet de la Méditerranée.
Report
CHASTELLAND, Jean Claude, CONSEIL DE L’EUROPE (France)