L’enjeu des élections des membres des Conseils des Régions Autonomes Nord et Sud de la Côte Atlantique du Nicaragua allait bien au delà du simple renouvellement d’une assemblée locale arrivée au terme de son mandat de 4 ans.
Il s’agissait du premier scrutin prévu par la constitution démocratique du pays depuis la chute du somozisme en 1979. Les turbulences qui avaient remis en question depuis 1989 le retour à la paix, permettaient de craindre qu’un échec dans l’organisation de la campagne ou dans le déroulement du scrutin soit fatal à la poursuite du processus démocratique. Le Nicaragua vit une culture de guerre, et a démontré pendant son histoire récente son incapacité relative à résoudre des conflits graves autrement que par la violence.
Bien que n’étant qu’une consultation régionale, l’élection du 27 février 1994 aurait un écho national, voir international puisque d’autres pays dans la région se trouvent à un stade comparable de retour à la paix.
La forte composante indienne de la population concemée par ce scrutin appelait également des solutions spécifiques aux différents stades du processus en cours:
- inscription des électeurs sur les listes électorales
- établissement de la carte géographique des bureaux de vote
- information sur la procédure du vote
- organisation de la campagne électorale
- contrôle de la campagne des partis
- accès égal des partis aux électeurs durant la campagne
- prévention contre la fraude lors du scrutin et ultérieurement
Il peut être utile de passer en revue certaines des mesures prises par le Conseil Suprême Electoral (CSE)pour la préparation et le déroulement de ces élections.
1)Appel au soutien de la communauté internationale
-demande d’observateurs à des gouvernements, à l’ONU, à l’OEA (Organi-sation des Etats Américains), à des organisation spécialisées, à des organisa-tions non-gouvemementales internationales. Environ 150 observateurs in-temationaux présents pendant les élections.
-soutien financier important dans le cadre de l’aide bilatérale, pour couvrir les frais d’organisation des élections (Suède, Danemark, Pays-Bas, Norvège et Finlande principalement)
2)Inscription des électeurs sur les listes
-formation des fonctionnaires et des représentants des partis pour tout le processus électoral, dès l’inscription des électeurs sur les listes -quatre dimanches consécutifs pour l’inscription des électeurs -des centres pour l’inscription et pour le vote proches des lieux d’habitation des électeurs (entre 150 et 300 électeurs en movenne par bureau)
-des contrôleurs des partis originaires du même lieu que les électeurs pour pouvoir reconnaître chaque votant -des affiches appelant à l’inscription sur les listes, dans les trois langues principales (espagnol, anglais et miskito)
3)traitement égal des partis et une information indépendante
-organisation par le CSE de forums dans différents endroits pendant lesquels chaque parti a disposé de 10 minutes pour présenter son programme: un nouveauté très appréciée -rétribution des contrôleurs des partis lors de l’inscription sur les listes électorales ainsi que lors du scrutin, et prise en charge de leurs frais -publication de bandes dessinées pour l’explication du processus de vote -bulletins de vote en couleur indiquant le n° de la liste, le nom du parti, son drapeau, les noms des candidats dans la circonscription -participation active des partis, au travers de leurs représentants, aux différents stades du processus, permettant un contrôle indiscutable.
La loi électorale de 1988 est particulièrement complète et claire dans sa formulation, ce qui permet à tout électeur d’avoir une connaissance de ses droits et du processus des élections. Elle comporte 221 articles répartis en 15 titres d’une lecture directe ne faisant appel à la connaissance d’aucun autre texte. Les indications couvrent les différentes étapes du processus démocratique depuis l’édiction du droit de vote et ses modalités pratiques de mise en application, jusqu’au mode de constitution des partis politiques et des alliances électorales, en passant par la réglementation des campagnes électorales et les garanties de transparence et d’honnêteté lors du déroulement des différents scrutins. Le chapitre V du titre VIII énonce en 4 paragraphes le code d’éthique des campagnes.
election, cultural interdependence
, Nicaragua
La loi ainsi qu’un manuel d’éducation civique avaient été traduits en anglais et en miskito, mais pour des raisons budgétaires, ces traductions n’ont pu être publiées à temps. Par contre le CSE a publié dans les trois langues un manuel pour l’inscription sur les listes électorales.
Ces élections ont probablement été parmi les plus chères de l’histoire de la démocratie pour un pays en paix : 3, 5 millions de US$ pour environ 1 00. 000 électeurs inscrits (coûts des campagnes des partis non compris). Mais il est certain que le processus avait été préparé dans ses moindres détails. Le succès de ces élections réside plus dans le processus que dans le résultat politique. Le modèle qui a été conçu pourra être reproduit pour des élections nationales et inspirer des élections qui à l’étranger se dérouleraient dans un contexte comparable d’un point de vue ethnique, historique, culturel, géophysique, social et économique.
Un coup de chapeau spécial au CSE qui a tenu à rester au dessus des querelles, et a poussé àtout moment pour qu’un accord soit trouvé entre les partis, plutôt que lui n’ait à trancher les différents.
Diego Gradis est responsable de "Traditions pour demain", réseau associatif contribuant à la promotion et la défense des identités amérindiennes.
Original text
TRADITIONS POUR DEMAIN