09 / 1996
Une Epistémologie en phase avec la structure unitaire, esthétique, musicale... de l’univers :
Biologiste, anthropologue, philosophe, spécialiste de la thérapie familiale et auteur de la théorie en psychiatrie de la "double-contrainte"... G. Bateson est l’un de ceux qui furent à l’origine de la naissance de la cybernétique et de la théorie des systèmes. Surtout il nous a apporté l’Epistémologie dont nous avons besoin pour comprendre "ce qui ne tourne pas rond" dans le monde actuel et entrer dans le 21e siècle.
Cette "Ecologie de l’esprit", qui a pour objet aussi bien le monde de l’évolution, de l’adaptation, de l’embryologie... que de la pensée, est une métascience qui concerne "ce ciment qui fait tenir ensemble(...)la totalité du monde biologique". Cette "nouvelle manière de penser la nature de l’ordre et de l’organisation dans les systèmes vivants" ouvre la voie à la vraie interdisciplinarité, au sens de découverte de modèles communs à différentes disciplines et non d’un simple échange d’informations. "Une unité sacrée" est un ouvrage majeur si l’on veut avoir une intuition de la révolution de la pensée en train de s’opérer. Et si l’on veut renouer avec la beauté, car "on peut enseigner l’histoire naturelle comme si c’était un sujet mort, mais je crois aussi que la monstrueuse pathologie atomiste dans laquelle nous vivons -aux niveaux individuel, familial, national et international- ne pourra être corrigée (...)que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature."
"Non pas cinq doigts, mais quatre relations entre les doigts" :
Pour Bateson, l’immense erreur épistémologique de notre civilisation est la perte "du sens de l’unité de la biosphère et de l’humanité et d’avoir oublié que cette unité ultime est d’ordre esthétique". La beauté n’a rien d’accidentel. Bateson nous apprend à percevoir les liens entre les choses plutôt que les choses elles-mêmes, les quatre relations entre les cinq doigts de la main plutôt que les doigts eux-mêmes. C’est là qu’intervient l’élégance, ce concept qui revient de façon récurrente dans son oeuvre : l’élégance, c’est réunifier ce qu’on a illégitimement séparé, en percevant le monde à travers ses relations plutôt que dans les choses, c’est comprendre que le "ce" est une erreur, et qu’être vivant signifie vivre des expériences, recevoir des informations... Le langage en phase avec celui du monde biologique "ne comporte sûrement pas de mot pour dire doigts ou cinq, mais peut-être ramification, commandes d’embranchements..." La main comme "entrelacement des relations qui ont déterminé sa croissance" est plus belle qu’une "composition de parties", car penser les relations est unificateur. La beauté ou la laideur sont peut-être les "vraies composantes du monde" des créatures vivantes. Bateson les affirme "hautement formelles" et "capitales pour tout le système politique et éthique dans lequel nous vivons".
L’esthétique rejoint la théorie des systèmes :
"Si la primevère est belle, c’est qu’elle "comporte certaines caractéristiques formelles de symétrie (...)qui indiquent qu’elle est elle-même un fragment de morphogenèse mentalement contrôlée, et que l’élément esthétique réside précisément dans la reconnaissance de ce fait(...)"." Certains comportements (comme avoir la main verte)manifestent une conscience des (...)combinaisons de processus qui conduisent à l’élégance". Ces processus sont des sortes de raccourcis et d’estimations globales, non-verbales, qui ne doivent rien à l’analyse. Ni le chat se préparant à bondir sur la souris ni le lanceur de base-ball n’emploient le calcul différentiel... Ils s’utilisent comme des "métaphores centrales", tenant compte du fait que "l’écosystème est vivant". Cette "écologie interne des idées" n’est-elle pas synonyme de "sensibilité esthétique"? demande Bateson.
"Par esthétique, il faut entendre sensible à la structure qui relie" (la métastructure)et "la structure est une danse d’éléments en interaction, elle est musicale dans son rythme". Tandis que la conscience est sélective, l’esthétique -comme le sacré- est cette position de recul qui permet d’embrasser la globalité que constituent les relations entre les choses et qui témoigne de l’unité de notre monde. Dans la créativité (l’art), l’esprit est intégré, une intégration presque synonyme de beauté. Dans la société balinaise "la complétude est l’un des critères de beauté". Le sacré est le lien total : "unifier, c’est sanctifier". L’agression contre le sacré l’est aussi contre la beauté, c’est également de la "mauvaise" biologie... Comme "mettre des plantes sur un radiateur!"
La laideur est "immorale" et la médecine aggravante... :
Si l’approche esthétique propose des raccourcis pour évaluer des plans d’action, l’ignorer peut s’avérer fatal. "Certaines formes d’ignorance qui ne tiennent pas compte des caractéristiques systémiques de l’homme, de la société humaine et des écosystèmes qui l’entourent sont mauvaises lorsqu’elles s’accompagnent d’une puissante technologie". Elles sont "immorales". Les actions morales sont celles qui ne détériorent pas les systèmes plus larges dont l’homme fait partie. La différence entre l’aspect moral et l’aspect esthétique pourrait n’être alors que d’ordre logique. Et cette dichotomie, un sous-produit de la prémisse de la séparation corps/esprit. La "monstruosité esthétique" n’est que le symptôme d’une pathologie culturelle, représentant l’effort du système pour se guérir lui-même. Comme la maladie, alors que le sacré est relié à la santé.
En regard de la théorie des systèmes, modifier une variable au mépris de l’approche globale est imprévoyant, néfaste... immoral. En ne traitant que les symptômes, les médecins concourent à encourager la pathologie à laquelle ces symptômes appartiennent. De la même façon que construire de nouvelles routes pour faire face à l’augmentation du nombre de voitures favorise encore leur accroissement. Les présupposés de la science quantitative sont faux car dans le monde réel "les théories du dosage fonctionnent partiellement à l’envers". Les homéopathes le savent! La médecine qui oeuvre pour la santé et veut être autre chose que la béquille d’une société malade, ne peut être qu’holistique. Les décisions relatives à la médecine doivent toujours être rapportées à la question du niveau logique supérieur de la Santé, de l’Ethique, de l’Esthétique, du Sacré...
health, epistemology, ideology, philosophy
, France
Bateson est le philosophe de "la structure qui relie le crabe au homard et l’orchidée à la primevère, eux quatre à moi et à vous et nous six à l’amibe et au schizophrène". Son épistémologie est d’une puissance qui égale sa beauté. Que l’on offre cet émerveillement aux enfants! L’enseignement qui remonte à Newton et Locke est "monstrueux" dit Bateson, fonctionnant encore sur ces prémisses (séparation corps/esprit, réductionnisme, quantification)dont la fausseté est démontrée par le spectacle de destruction de la planète. Une réflexion épistémologique aboutissant à une planification d’actions "morales" pourrait sauver le monde.
"L’art recèle quelque chose de plus profond que l’art" A. Malraux
Book
BATESON, Gregory, Une Unité Sacrée ou quelques pas de plus vers une écologie de l'esprit, Seuil, 1996 (France)
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