Une proposition pour l’analyse de la diversité de la petite production rurale
03 / 1996
Cette communication propose de limiter la réflexion sur la diversité et la différenciation des petits producteurs au cas de la Colombie, à partir d’un seul axe d’analyse : celui de l’insertion au marché et de la " monétisation " de l’économie familiale. A cet effet, une tentative de typologie est proposée, qui tentera de tenir compte des multiples dimensions, sociales, culturelles, historiques, politiques, dans lesquelles évoluent les petits producteurs familiaux.
Les transformations de l’économie agricole colombienne se concentrent, dans les cinquante dernières années, sur trois phénomènes :
- l’essor du capitalisme agraire dans les années quarante ;
- la disparition de l’hacienda comme mode de sujétion de la main-d’oeuvre et sa reconversion dans l’élevage extensif ;
- la consolidation et la modernisation de l’économie paysanne.
Les rendements à l’hectare ont augmenté depuis les années soixante. Les paysans tendraient cependant à limiter leur production pour minimiser l’emploi de facteurs monétaires qui les rendent plus sensibles aux variations des prix et aux risques agro-climatiques. Les moyens technologiques pourraient alors être le résultat de ces limites. Les organismes de développement hésitent donc entre leur proposer des projets " productivistes ", fondés sur le critère des rendements d’une monoculture commerciale, ou bien leur proposer des projets de " moyenne intensité technologique ", associés à une diversification des cultures.
Le marché a viabilisé l’espace géographique et productif des communautés rurales : la paysannerie se constitue et se consolide avec la formation du marché, qu’elle contribue à élargir. La formation du marché interne et l’industrialisation se sont appuyées sur la formation (relativement récente)d’une paysannerie à la fois productrice d’aliments et de devises. Le seuil critique du prix au producteur serait imposé par les seuls coûts monétaires, maintenant la majorité des paysans dans une situation monétaire très précaire. La politique protectionniste n’a pas suscité un transfert de ressources vers l’agriculture. Toutefois, cette politique a permis de protéger les producteurs contre les fluctuations des prix internationaux, sans augmenter les prix aux consommateurs.
Les facteurs contribuant à la transformation de la production paysanne sont : le développement des infrastructures routières, la disponibilité de crédits et la grande capacité de transformation de l’entreprise familiale rurale. Il s’agit d’un changement qui permet une synthèse entre l’offre de la révolution verte et le savoir-faire paysan, dans une combinaison " raisonnable " de ressources monétaires, domestiques et naturelles. Le métayage, en tant que modalité d’accès à la terre, revêt encore une grande importance. D’une manière générale, les différentes catégories d’exploitations agricoles (haciendas, entreprises et exploitations paysannes)sont en étroite corrélation.
Les modèles alimentaires ont évolué, depuis quatre décennies, dans deux directions : produits importés (blé, oléagineux)et produits nationaux traditionnels (pomme de terre, banane plantain, manioc et haricot)s’équilibrent, tandis que la consommation de maïs diminue ; d’autre part, les volumes de produits frais augmentent dans la consommation urbaine, tandis que la demande de produits transformés se limite aux catégories aisées. Les systèmes de commercialisation et de distribution mériteraient d’être mieux étudiés. Actuellement, il semblerait que la Colombie se trouve dans une étape où la valeur ajoutée agricole dépasse celle de l’industrie agro-alimentaire et non l’inverse comme dans les pays développés.
Les décisions des producteurs dépendent des possibilités offertes par l’environnement socio-économique et des alternatives qu’il offre. La " bilocalité rurale-urbaine " des ménages tend à se généraliser, de même que se diversifient les activités rémunérées. Parallèlement à la moindre disponibilité de la main-d’oeuvre familiale, se développe l’emploi d’ouvriers agricoles, dont le coût est suffisamment bas pour être supporté par les exploitations paysannes.
Les trois axes de cette réflexion étaient donc la " monétisation " de l’économie paysanne, les transformations de ses modèles technologiques et son rôle dans le marché alimentaire. La question foncière reste posée, avec un taux de concentration de la terre assez élevé, de même que l’accès à l’eau et au capital. L’offre agricole est en augmentation, les exploitations les plus modernes réduisant leur autosuffisance alimentaire, les plus pauvres la recherchant en priorité et subissant des conditions de production de plus en plus précaires. Même si l’ouverture économique est assez ralentie, le pays peut au moins satisfaire sa demande intérieure.
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, Colombia, Andes, Vallée du Cauca, Cote
Il semble intéressant d’observer qu’en Colombie, la paysannerie n’a pas une histoire ancienne. Cependant, les orientations de la consommation nationale, et urbaine en particulier, tendraient à en favoriser le développement.
Le texte s’écarte de son objet initial, qui proposait une typologie des exploitations paysannes à partir des critères économiques de différenciation et de diversification, pour se concentrer sur la question de la " monétisation " de l’économie paysanne. Etant entendu qu’en Colombie, la paysannerie apparaît avec le marché et participe de son expansion, on voit mal sur quelle base elle peut donc se différencier. Faut-il chercher dans la diversification des activités des ménages ruraux la seule source de différenciation des petits producteurs ?
Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire". Chantilly, 20-23 février 1996.
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