L’objet de cette communication est de réfléchir à la question de la participation et, à travers elle, de montrer l’inadéquation des politiques publiques aux besoins des paysans du Nordeste. Cette question est traitée à partir de la recherche agricole, avec l’expérience de la création et diffusion des technologies, car c’est sur elle que les paysans s’appuient pour intervenir dans les politiques publiques et privées d’investissement dans le secteur agricole.
Dans les dernières décennies, plusieurs programmes de développement ont été mis en place, dont le dernier, le Programme d’Appui au Petit Producteur (PAP), qui était appliqué au Nordeste. Toutefois, cette région est toujours déficitaire en aliments tandis que les campagnes se vident de leur main-d’oeuvre. Les raisons sont multiples : les principaux intéressés, les petits agriculteurs, n’ont participé ni à l’élaboration du projet ni à son exécution ; la question structurelle de l’accès à la terre et aux ressources hydrauliques ; le manque d’articulation entre les programmes et de coordination entre les institutions.
Le programme pris ici à titre d’exemple est mis en place par l’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (EMBRAPA) en collaboration avec d’autres organismes publics (universités, assistance technique, vulgarisation agricole, etc.). Il s’agit de la « gestion d’un système intégré de production en agriculture irriguée dans les régions semi-arides du Pernambouc ».
Le premier objectif du projet était d’identifier les principaux systèmes de production en agriculture irriguée. Dans le discours, il s’agissait de créer des technologies qui réduisent les risques et augmentent l’efficacité des petits producteurs. Ce processus était conçu comme une recherche participative.
Il faut reconnaître dans les chercheurs une plus grande aptitude à entrer en contact avec les producteurs à travers la recherche agronomique sur le terrain qu’au sein de leurs institutions. Chercheurs, vulgarisateurs et producteurs sont en relation étroite.
Le diagnostic réalisé dans la région de Caruaru permit d’identifier deux problèmes : le manque de main-d’oeuvre et l’absence de fourrage pendant la saison sèche. La solution proposée était de cultiver du manioc en sillons doubles et de stocker du sorgho fourrager en silos. En effet, le résultat montre que l’alimentation du bétail permet de mécaniser la production agricole et libère de la main-d’oeuvre. Toutefois, toutes les exploitations n’adoptent pas la solution proposée et les explications fournies sont multiples. Les observations des chercheurs donnent à comprendre que le niveau de communication avec les producteurs ne leur permet pas de comprendre leurs nécessités et leurs réactions face aux nouvelles technologies.
Le projet étudié a considéré l’exploitation comme un tout, la famille productrice formant part du système. La communication devait être conçue comme un échange de savoirs, dans une articulation entre les trois acteurs. Le processus de recherche devait commencer au niveau du producteur et s’achever chez lui avec le test d’efficacité des technologies mises en place. Au lieu de cela, la méthodologie a bloqué le processus de participation, donc l’adoption des nouvelles technologies par les producteurs (les vulgarisateurs sont réduits à appliquer des questionnaires). Les technologies se révèlent dès lors inadaptées aux conditions présentes dans les communautés intéressées. Les paysans sont doublement exclus : dans la circulation de l’information et dans le choix des exploitations pilotes.
Le « savoir paysan » nous interroge lui aussi. « Savoir local » serait mieux adapté car le terme paysan a des connotations variées. Les pratiques et savoirs locaux sont peu à peu réhabilités, mais le producteur devient objet de recherche alors qu’il était supposé être acteur. De plus, la connaissance de la réalité paysanne devient aisément un instrument de domination, alors que l’échange des savoirs devrait permettre de progresser.
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Ici encore, nous observons à quel point la nature de l’Etat et le besoin de légitimation auquel il doit se plier sont déterminants dans la définition des programmes de développement. Et les intérêts des paysans, catégorie la plus pauvre et la plus délaissée des politiques, ne coïncident que très rarement avec ceux de la catégorie au pouvoir.
Colloque « Agriculture paysanne et question alimentaire », Chantilly, 20-23 février 1996.
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NOYA, Eliane
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