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La paysannerie européenne entre réforme de la PAC et accord du GATT

Ethel DEL POZO

03 / 1996

La voie suivie par l’agriculture européenne , sans être ni universelle ni exclusive, notamment parce que la protection assurée par la Politique Agricole Commune (PAC)restera un privilège de pays riche, montre cependant les capacités très importantes de développement auxquelles peut prétendre une économie paysanne pour peu que les conditions économiques, politiques, sociales, techniques et financières de sa croissance soient réunies. Que ce soit en terme de production ou d’exportation, l’Europe des 15 avec ses 8 millions d’exploitations cultivant 130 millions d’hectares, est au coude à coude avec la première puissance agro-alimentaire mondiale, les Etats Unis. Fortement hétérogène dans ses structures, ses moyens de production et ses résultats économiques (la dimension moyenne des exploitations va de 5 ha en Grèce à 30 ha en France et 70 ha en Grande Bretagne), cette agriculture est restée très majoritairement familiale. Les salariés agricoles en forte diminution, ne représentent que 5

des 16 millions d’actifs agricoles (mais 17

du travail fourni en agriculture car de nombreux actifs familiaux ne travaillent pas à plein temps). Cette agriculture paysanne, intégrée au marché et fortement capitalisée, a fait les preuves de ses capacités à augmenter la production qui a quasiment doublé en trente ans avec une population active divisée par deux dans la même période (1960-1990).

Mais cette politique n’a pas eu que des effets positifs. L’exode agricole qui s’accélère dans une Europe qui compte aujourd’hui 20 millions de chômeurs, des mécanismes d’aide coûteux qui tendent à accentuer les inégalités de revenu agricole, une dégradation de l’environnement qui tient autant à la concentration des productions dans les régions intensives qu’a leur abandon dans les zones marginalisées, des effets de dumping des exportations subventionnées sur le marché mondial qui handicapent les producteurs du Sud... font partie des conséquences négatives de la PAC qui ont conduit à sa réforme en 1992.

La réforme de la PAC et les négociations au GATT ont été deux dossiers étroitement liés: un accord au GATT constituant l’objectif prioritaire attendu de la réforme. L’accord commercial dont l’application s’échelonne entre 1995 et 2000, comporte plusieurs niveaux de contraintes pour l’agriculture européenne:

-la réduction du montant global des soutiens à l’agriculture de 20

par rapport à la période 1986-1988;

-la réduction des exportations subventionnées de 21

en volume (pour chaque produit)par rapport à la période 1986-1990 et la réduction en valeur de 36

des soutiens budgétaires aux exportations;

-la transformation des restrictions à l’importation (prélèvements variables, contingents...)en équivalent tarifaires fixes eux-mêmes soumis à une baisse de 36

;

-l’ouverture d’un accès minimum au marché intérieur (importation à droits de douane réduits)correspondant à 5

de la consommation intérieure de l’Union Européenne.

C’est la réduction de 21

des exportations subventionnées qui est sans conteste la mesure la plus contraignante, particulièrement pour la France, premier exportateur de la Communauté. Les effets de la limitation des quantités exportées en 2000 par rapport à celles de 1991-92, s’estiment à des baisses très importantes qui dépasseront 30

pour les céréales, les viandes et les fromages au niveau européen. Des ajustements de la politique agricole a ces nouvelles contraintes du GATT s’imposeront. La réforme de la PAC ne restera donc pas longtemps en l’état. Les deux problèmes majeurs que sont la maîtrise des productions et la répartition des soutiens publics, restent posés à moyen terme.

La réforme de la PAC met en évidence l’obsolescence du modèle productiviste en annulant toute possibilité de croissance dans la plupart des grandes productions maintenant encadrées par des droits à produire (lait, viande bovine et ovine, céréales, oléagineux, vin sucre). Il ne permet plus ni d’installer des jeunes, ni d’assurer le développement des exploitations petites et moyennes, les plus nombreuses dans la Communauté. Tout emploi perdu dans l’agriculture représente potentiellement un chômeur supplémentaire et on en compte 20 millions. D’avantage encore que les problèmes d’abandon des territoires qui resteront très localisés (on peut maîtriser l’essentiel du territoire européen avec 1,5 million d’exploitations, elles occupent déjà 80

de la SAU), ce sont la destruction des emplois agricoles, les atteintes à l’environnement et au patrimoine naturel, la place de plus en plus réduite de l’agriculture dans le monde rural qui justifient depuis longtemps un changement de politique agricole.

Nombreuses exploitations recherchent et expérimentent de nouvelles solutions. Les alternatives au modèle productiviste sont fondées sur la pluriactivité des ménages agricoles, la diversification des productions, la valorisation de la qualité, la transformation à la ferme ou dans des petits ateliers collectifs, la vente directe et enfin la rémunération d’activités de services (agri-tourisme), d’entretien ou de valorisation du patrimoine naturel (agri-environnement). Il ne faut pas cependant pas mythifier les possibilités de développement offertes par la diversification des activités de l’agriculture et par la reconnaissance marchande de ses fonctions environnementales. Ces activités auront besoin pour leur développement, d’une politique agricole et rurale renouvelée ou les aides ne seront plus distribuées uniquement en proportion de la production agricole ou du capital d’exploitation. Une politique davantage différenciée en fonction des régions et des catégories paysannes que l’on souhaite maintenir. La réduction des inégalités de développement agricole qui en résulterait est favorable à l’emploi car elle permet de maintenir davantage d’actifs mieux répartis sur l’ensemble du territoire. Mais cet objectif remet en cause la répartition actuelle des soutiens à l’agriculture communautaire qui concentre les moyens dans les régions et les exploitations déjà les plus favorisées. Il oblige à réviser les règles de transfert des droits à produire (qui s’échangent actuellement majoritairement avec le foncier)en les réservant aux petites exploitations et aux régions les plus défavorisées. Cet objectif nécessite également d’accroître les moyens de la politique agri-environnementale communautaire (1milliard d’écus par an actuellement). C’est d’ailleurs l’ensemble des soutiens publics directs (20 milliards d’écus en 1996)qui devrait être lié à des exigences écologiques (limitation des chargements animaux, des engrais et des pesticides notamment), compte tenu du degré de pollution des nappes phréatiques des grandes plaines européennes.

Key words

countryman farming, family unit farming, CAP, GATT


, Europe

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Cette communication contient une vaste information statistique et technique de même qu’un schéma, élaboré par l’auteur, sur quelques voies de développement possibles pour la paysannerie européenne. A son avis, c’est en conjuguant politique agricole, politique environnementale et politique de développement rural que l’Union Européenne doit chercher à maintenir le maximum d’actifs, notamment dans les zones les plus défavorisées où l’agriculture reste souvent la dernière et la seule activité.

Notes

Colloque "Agricultures Paysannes et Question Alimentaire", Chantilly, 20-23 Février, 1996.

E.del Pozo est une ethnologue d’origine péruvienne qui a beaucoup travaillé sur les organisations paysannes et indigènes.

Source

Colloquium, conference, seminar,… report

BAZIN, Gilles

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