Pour une mobilisation citoyenne en faveur d’une agriculture durable
09 / 1998
8 mars 1997 : à l’appel d’un collectif d’associations de consommateurs, de producteurs, d’écologistes du Grand ouest de la France, un colloque intitulé "l’agriculture rencontre les citoyens" rassemble plus de 200 participants. Objectif : échanger sur les méfaits de l’actuelle politique agricole commune, dénoncer les abus, les dysfonctionnements, mais aussi, et surtout, proposer des solutions allant dans le sens d’une agriculture durable, respectueuse de l’environnement, de l’emploi, de la qualité des produits... Afin de dépasser le cercle restreint des participants, les organisateurs, avec l’aide de la FPH et de la DGXI (environnement à Bruxelles), ont décidé de publier l’intégrale des interventions et des débats.
Tout d’abord, un constat exprimé par Denis Baulier, agriculteur et membre du Collectif eau pure : aujourd’hui, les consommateurs payent trois fois les produits agricoles qu’ils achètent : d’abord par le prix d’achat, puis au travers des soutiens publics à l’agriculture et enfin une troisième fois en achetant de l’eau en bouteille et en finançant la dépollution. Sur le plan de la qualité des aliments et de santé humaine, la situation, rappelée par Claude Gabriel David, immunologue, est grave : suite aux concentrations croissantes des produits chimiques au cours de la chaine alimentaire, on retrouve aujourd’hui dix fois plus de pesticides dans le lait maternel que dans le lait de vache ! Listéria, contamination de la viande de poulet par des salmonelles, présence de résidus de substances anabolisantes interdites dans la viande de boeuf, présence de nitrates dans certains légumes... la sécurité alimentaire par rapport à la santé des consommateurs est de plus en plus compromise ! D’où la nécessité de revenir à un type de production plus naturelle, et aussi d’introduire une traçabilité de tous les produits agricoles (c’est à dire de pouvoir, à tous les stades de la transformation du produit, identifier l’origine des ingrédients utilisés)... avec des contrôles totalement indépendants, et non dévolus, comme aujourd’hui, au ministère de l’agriculture, trop sujet aux diverses pressions des milieux agricole et agro-alimentaire.
Mais alors qu’il est aujourd’hui démontré, par la pratique d’un nombre croissant d’agriculteurs, que l’agriculture durable est bénéfique, pourquoi la généralisation d’un tel mode de production est-elle si lente ? Jean Yves Griot, agriculteur et président du réseau agriculture durable, identifie trois freins majeurs : le mimétisme des agriculteurs, à qui l’on a fait croire que le toujours plus (de rendements)était l’objectif à atteindre ; les intérêts économiques des intermédiaires agroindustriels : en nourrissant ses animaux à l’herbe, l’agriculteur s’affranchit de cet environnement, pour des résultats économiques comparables et même souvent meilleurs. On devine aisément que les négociants de semences, d’engrais, d’aliments, de matériels... préfèrent, eux, vulgariser un système d’alimentation basé sur le maïs !; enfin, troisième frein, les primes PAC : 2000 F/ha pour le maïs, rien pour l’herbe ! Et des primes en plus pour les plus gros polleurs afin de les aider à dépolluer ! Le tout, sans aucun plafonnement, donc privilégiant systématiquement les éleveurs les plus gros et les plus intensifs ! La Fédération régionale d’Agriculture Biologique a montré dans une étude qu’une ferme de taille moyenne qui passerait de l’agriculture intensive à l’agriculture biologique toucherait, dans le cadre de la PAC, moitié moins de subventions (60 000 F par an d’économisés !). Mais le durable supprimerait des emplois dans l’agroalimentaire ! Faux, rétorque Suzanne Dufour, présidente du CEDAPA (centre pour une agriculture plus autonome), et si 3000 emplois ont effectivement été créés en Bretagne dans l’agroalimentaire entre 92 et 94, ce sont plus de 13000 actifs agricoles qui ont disparu dans le même temps ! Alors, qui conserve l’emploi ?
Face à ces constats, quelles solutions ? Luc Thiébault, économiste à l’ENESAD de Dijon, s’interroge sur les "services environnementaux" : comment les identifier, les classifier, et surtout les rémunérer ? Car la solution viendra par là : la nouvelle PAC sera verte ou elle sera un échec. Les solutions techniques sont aujourd’hui en partie connues (notamment revenir à l’herbe pour l’alimentation animale): charge à la future PAC de ne subventionner que ces modes de productions durables, tout en plafonnant les subventions par hectares et par actif. Le plafonnement est en effet une condition sine qua non pour le maintien de nombreux agriculteurs, garantie d’une revitalisation des zones rurales. Mais pour parvenir à modifier la PAC et les politiques locales, il faut une formation, information et mobilisation de tous les instants et sans corporatismes des citoyens (écologistes, producteurs, chercheurs... qui sont tous des consommateurs et des contribuables !). C’est pourquoi, suite à ce colloque, s’est formé le collectif "Cohérence" qui entend promouvoir des modes de production et de consommation respectueux de la nature et des hommes.
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, France, Bretagne
Sortir du débat d’experts était bien l’un des objectifs. Pari tenu, car les intervenants (agriculteurs, responsables associatifs, chercheurs)ont su expliquer clairement les problèmes et enjeux actuels. Sauf peut-être Luc Thiébaut, économiste, dont le discours sur l"internalisation des externalités" m’a paru un peu obscur...
Colloquium, conference, seminar,… report ; Book
FERRET, Samuel, Réseau agriculture durable, Les citoyens rencontrent l'agriculture, FR-CIVAM, SILOE, 1998 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr