español   français   english   português

dph is part of the Coredem
www.coredem.info

dialogues, proposals, stories for global citizenship

France : La faim malgré la surabondance, 2

L’aide alimentaire en France : peut mieux faire

Pierre Yves GUIHENEUF

04 / 1997

Aujourd’hui en France, 68 banques alimentaires distribuent 34 300 tonnes de vivres pour une valeur de 515 millions de francs, soit l’équivalent de 68 millions de repas donnés par 3300 associations à 720 000 bénéficiaires.

En 1994, l’aide alimentaire en France est évaluée à 1,5 milliards de francs et concerne 2 millions de personnes dont 200 000 sont considérées en situation d’urgence (200 000 est aussi le chiffre retenu pour les sans abris).

Aujourd’hui encore, alors que la logique de la PAC (Politique Agricole Commune)tend à la disparition des excédents une mise à plat des problèmes et une réflexion sur la pertinence de l’emploi de l’aide alimentaire comme seul outil de la sécurité alimentaire ne sont pas à l’ordre du jour.

Le financement de l’aide alimentaire est assuré par le ministère de l’agriculture qui tient à en conserver la tutelle, pour plusieurs raisons. D’une part le cadre agricole peut assurer la pérennité de l’aide qui ne représente que 0,5 % de la part que le Feoga consacre à la France (44 milliards de francs). Ce pourcentage, minime dans le cas du budget agricole, serait beaucoup plus important si l’aide alimentaire intégrait un budget social et pourrait plus facilement être soumis à des restrictions. D’autre part, il permet de donner à la PAC un caractère non strictement agricole.

Des actions innovantes encore marginales

Beaucoup d’associations, seules présentes sur le terrain, sont absorbées par la gestion au quotidien de l’aide alimentaire. Comment l’améliorer, comment garantir la chaîne de froid ou la bonne utilisation de certains des produits distribués sont quelques-uns des problèmes concrets qu’elles ont à régler. Mais une réflexion plus globale sur la sécurité alimentaire reste encore faible. Pour plusieurs raisons :

- l’urgence à traiter

- le caractère récent des problèmes alimentaires en France

- le manque de collaboration entre associations et le peu d’échanges d’expériences

- l’organisation de l’aide autour de bénévoles aux motivations très diverses

- l’absence d’une politique publique alimentaire claire et centrée sur les plus démunis

<Assurer à tous l’accès à une quantité d’aliments suffisante pour permettre une vie active en renforçant la capacité de gestion et de minimisation du risque alimentaire et tout en respectant la dimension culturelle de l’alimentation>, cette définition de la sécurité alimentaire, issue de l’expérience des ONG travaillant dans les pays du Sud, demeure assez éloignée des pratiques des associations françaises. Elles répondent en urgence à la demande de certaines catégories de la population et ne peuvent souvent que satisfaire les besoins primaires des individus. La dimension culturelle est difficilement prise en compte.

Parallèlement aux problèmes de distribution alimentaire, des tentatives émergent qui tentent d’intégrer la notion de sécurité alimentaire au reste des actions contre la pauvreté.

Cette réflexion, exemplaire dans la mesure où la sécurité alimentaire est l’entrée principale pour un travail d’intégration sociale, bute sur plusieurs problèmes. Le premier est qu’elle ne peut pas prendre en compte les plus démunis, ceux qui ne disposent d’aucun revenu ou ceux qui, trop endettés, considèrent dérisoires les économies envisagées. Le second tient à la philosophie même de certaines associations caritatives, où l’accent est mis sur le cheminement personnel de chaque bénévole. Chaque bénévole définit le rapport qu’il souhaite entretenir avec ceux qui se présentent aux portes de l’association. L’insuffisance de confrontation des expériences et de réflexion collective nuit à l’élaboration d’une vision et d’une approche plus globales. Aussi, les actions innovantes émergent plus difficilement et ne sont reproduites que marginalement, au gré des différentes sensibilités de chaque groupe local ou régional.

Ce dernier point est assurément un frein à la mobilisation des associations pour un dialogue avec les pouvoirs publics sur les fondements d’une politique lisible en matière de sécurité alimentaire. La fragmentation des actions, le manque d’écho donné aux plus adaptées et originales d’entre elles, le problème de la légitimité d’une initiative " fédératrice " sont autant d’obstacles pour faire avancer les réflexions, les orienter et proposer des domaines d’actions croisées.

Sortir du règne du court terme

En l’absence d’une volonté politique claire, en l’absence d’un mouvement fédérateur, en l’absence de dialogues et de visées communes aux différentes associations, en l’absence de confrontation d’expériences avec les ONG agissant sur les mêmes thèmes dans les pays du Sud, la sécurité alimentaire reste un domaine négligé, confiné dans l’urgence. Mais à trop vouloir traiter l’urgence, s’institutionnalise un fonctionnement qui évacue une véritable réflexion sur la pertinence des moyens mis en oeuvre pour lutter contre l’insécurité alimentaire.

Une initiative forte dans le domaine des politiques alimentaires devrait s’atteler à au moins trois chantiers. D’une part l’amélioration des connaissances, qui demeurent éparses et fragmentaires. D’autre part la formulation d’une politique de sécurité alimentaire, en particulier pour les groupes vulnérables, nécessite de réintégrer la question alimentaire dans les politiques sociales et de clarifier les rôles et responsabilités de l’État, des collectivités territoriales et du secteur associatif. Enfin, il serait important de tirer parti des approches et réflexions appliquées au domaine du logement, de l’accès aux soins et à l’éducation.

Key words

agriculture and feeding, agriculture, countryman farming, nutrition, food sovereignty, food supply strategy, food assistance


, France

Notes

Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996.

Source

Grey literature

VERGRIETTE, Benoît, Solagral, Note de travail pour le réseau APM, 1997 (France)

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

legal mentions