Un regard sur l’insécurité alimentaire en France
04 / 1997
Trois millions de personnes en situation de grande pauvreté, deux millions ayant recours à l’aide alimentaire, 1 600 000 personnes concernées par le Revenu Minimum d’Insertion, 250 000 exploitations agricoles supprimées sur six ans, 20 000 agriculteurs allocataires du RMI... Ces données alarmantes ne reflètent pourtant en rien la bonne santé économique de l’agriculture française qui affiche un excédent commercial de 47 milliards de francs (données 1994). Avec 21,3 % de la production agricole européenne et grâce à 5 % de sa population active (910 000 exploitants et ouvriers agricoles), la France est la première puissance agricole de l’Europe des quinze.
Chaque année le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire grossit, les exemples d’exclusion et de précarité se multiplient sans qu’une réflexion sur la sécurité alimentaire ne soit amorcée. Il ne s’agit plus là d’un problème de disponibilités de produits agricoles mais d’un problème d’accès au marché, de pouvoir d’achat et de pauvreté. Dans un récent avis du Conseil économique et social sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté, il n’est fait aucun cas des problèmes alimentaires. Les domaines d’intervention des politiques sociales concernent le logement, l’emploi, les ressources, la santé et l’accès aux soins, la famille, l’éducation, la sécurité et la justice. La sécurité alimentaire reste un domaine transversal mais n’est jamais une préoccupation à part entière. Elle est, par l’intermédiaire de la seule aide alimentaire, laissée à la charge des associations caritatives et parfois des services sociaux.
Le chômage, placé au centre de l’environnement politique, social et médiatique semble oblitérer toute réflexion sur les problèmes d’alimentation. L’idée selon laquelle le chômage est un problème conjoncturel, un phénomène de crise dont la croissance économique viendra à bout, place les associations caritatives mais aussi les services sociaux en situation d’attente. En espérant le retour hypothétique du plein emploi chacun tente de colmater les brèches sociales selon ses moyens et sa sensibilité, sans qu’une politique en matière de sécurité alimentaire ne semble se dessiner. Faire face à l’urgence, tel pourrait être le mot d’ordre de bon nombre d’associations.
Cette situation est corroborée par la méconnaissance des populations concernées. Deux millions de personnes dont on ne sait rien ou presque. Qui sont les bénéficiaires de l’aide alimentaire ? Quelle est la géographie de l’aide alimentaire ? Quelle est la place de l’aide alimentaire dans une stratégie globale d’approvisionnement ? Quels sont les déclencheurs du recours à l’aide alimentaire ? La demande d’aide alimentaire recouvre t-elle une demande plus globale d’insertion sociale ? Comment la traiter ? Y a t-il adéquation entre l’offre et la demande ? Aucune étude fiable, aucune donnée statistique ne permettent encore de répondre avec assurance.
Chacun bute sur les demandes à satisfaire immédiatement, sans avoir les moyens ou la volonté d’évaluer les actions entreprises. Il ne reste, face à ces questions, qu’une somme d’impressions et de données inquiétantes. Elles concernent bien sûr le nombre croissant des personnes ayant recours à l’aide, notamment les jeunes, les familles nombreuses mais aussi les enfants, qui désertent les cantines scolaires faute de pouvoir payer. L’insécurité alimentaire touche aussi une catégorie de la population dont les services sociaux pensent que seule une très petite partie retrouvera un jour un emploi. Quelle solution pour les autres, les plus nombreux ? L’aide alimentaire à vie et des ateliers occupationnels pour faire taire le sentiment d’inutilité sociale ? L’insécurité alimentaire est perçue comme une boîte de Pandore que personne n’ose ouvrir.
(suite : fiche n°2)
agriculture and feeding, agriculture, countryman farming, nutrition, food sovereignty, food supply strategy, hunger, malnutrition, poverty, food assistance
, France
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996.
Grey literature
VERGRIETTE, Benoît, Solagral, Note de travail pour le réseau APM
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