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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Organisations paysannes et indigènes en Amérique latine.

Mutations et recompositions vers le troisième millénaire

J.P. TRANCHANT

07 / 1998

L’auteur, ethnologue d’origine péruvienne et de nationalité française, analyse comment les différents acteurs (Eglises, partis politiques, Etats, intellectuels et ONG)ont agi sur la question paysanne en Amérique Latine.

Historiquement, les Eglises ont joué un rôle majeur dans la constitution des valeurs morales et spirituelles. La non-séparation entre l’Eglise et l’Etat dans de nombreux pays lui donne en plus un poids politique. Le combat contre l’athéisme marque les principales luttes de l’Eglise : la Sainte Inquisition au XVIe siècle pour préserver les nouveaux sujets de l’influence athée des Britanniques, Hollandais et Danois, puis la lutte contre les libéraux anticléricaux durant la colonisation. Au début du XXe siècle, mais surtout après la deuxième guerre mondiale, la lutte contre le marxisme donne un nouveau contenu à cet engagement.

Le processus d’industrialisation, l’apparition de la classe ouvrière, l’augmentation de la migration des campagnes vers les villes avec le déracinement social et culturel des paysans sont à l’origine de l’évolution de l’action de l’Eglise catholique dans le continent. Des prêtres et des laïcs commencent à travailler avec les ouvriers, les paysans et les déshérités. Ils découvrent leur énorme misère et ce que l’on commence à appeler le sous-développement, ce qui provoque une rupture avec l’Eglise et sa hiérarchie. Les prises de position radicales des évêques latino-américains conduisent à l’Eglise populaire et à la théologie de la libération. Concrètement, cela se traduit par la mise en place de pastorales et de communautés ecclésiales de base, le mot d’ordre étant l’organisation des paysans. A partir des années quatre-vingts, la remise en cause de la théologie de la libération par le Vatican et l’absence d’améliorations tangibles pour le peuple laisse le champ libre aux Eglises protestantes et aux sectes.

Concernant les partis politiques, notamment de gauche, la question paysanne, agraire ou rurale est depuis le début du siècle au centre des discussions. Mais cette gauche latino-américaine, issue du milieu universitaire d’inspiration marxiste et coupée du monde rural n’a fait que transposer des idéologies étrangères à la réalité nationale. Ainsi, l’interprétation des thèses de Lénine va donner lieu à une analyse réductionniste où toute la problématique rurale est ramenée à la question de la propriété des moyens de production et de l’exploitation de la force de travail. D’autres facteurs très importants pour la compréhension des sociétés rurales latino-américaines, tels que les facteurs ethniques ou culturels, ont été éliminés. Cela est illustré par l’échec des différents foyers de guérilla guévariste ou encore par le conflit entre les sandinistes et les indiens Miskitos. Les différentes formations politiques de gauche ont néanmoins contribué à porter la question paysanne et en particulier celle de la tenure foncière au cour du débat national.

Le rôle de l’Etat s’affirme à partie des années soixante et soixante-dix avec l’application des théories de l’Alliance pour le progrès ou celles de la CEPAL. Ces stratégies de réforme agraire ou de développement rural ont été des instruments d’une modernisation sélective qui ont favorisé l’agriculture d’exportation au détriment de la production pour le marché interne. Ces changements n’ont pas été faits pour les paysans ou la société rurale, mais pour une agriculture capable de soutenir le développement industriel et surtout urbain. Dans les années quatre-vingts, on passe d’un Etat opérateur et omniprésent à un Etat dont les seules fonctions seraient celles de régulation et d’arbitrage d’une économie obéissant aux seules lois du libéralisme. L’ouverture des marchés qui en résulte va désavantager les petits paysans qui doivent faire face à la concurrence des produits importés qui sont moins chers. Mais les consommateurs paupérisés, entassés dans les villes, se soucient fort peu de soutenir le paysan qui produit pour eux : ils veulent des aliments bon marché dont l’origine leur importe peu.

A la lumière de plus de 20 ans d’intervention, l’action des ONG s’est soldée - via le projet - par une parcellisation du développement. En effet, un projet est une parcelle d’intervention sur la réalité (agriculture, santé, habitat...), sur l’espace (quartier, communauté, province...), sur une population donnée et pour une durée déterminée. Dans leur grande majorité, les ONG ne se sont pas attaquées aux problèmes du développement rural ni à sa relation avec les modèles de développement en vogue, mais à leurs conséquences. L’efficacité de leurs actions et de leurs réflexions passent dorénavant par une participation aux programmes gouvernementaux et par des regroupements en réseaux ou groupes de coordination.

Actuellement, les organisations paysannes et indigènes cherchent de nouvelles pistes pour l’avenir en partant de leurs racines et en insistant sur la relation entre l’homme, la terre et l’environnement. Cependant, le libéralisme semble incontournable car, sur le terrain, les opérateurs privés (commerçants, bailleurs de fond, ONG)et le marché sont devenus des acteurs à part entière. Le rôle principal de l’Etat se situera au niveau de la décentralisation et de l’aménagement du territoire. L’efficacité des organisations paysannes se mesurera à leur capacité de médiation entre ces trois dimensions : Etat, Société et Marché, afin d’obtenir au niveau local des améliorations concrètes concernant la production, la commercialisation, les infrastructures et les services.

Key words

countrymen’s organization, participation of farmers, social movement, religion and society, religion and politics, land reform, rural planning, state disengagement, land ownership policy, land ownership management, role of the State, rural development, food supply import, NGO, cooperation policy


, Latin America

Comments

Cette analyse offre un panorama très complet des différents intervenants impliqués dans le développement rural en Amérique Latine. Cette approche horizontale se complète d’une approche historique très documentée.

Source

Book

DEL POZO, Ethel, Organisations paysannes et indigènes en Amérique latine.Mutations et recompositions vers le troisième millénaire, FPH, 1997 (France), n° 74

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