07 / 1998
L’agriculture précoloniale du Burundi étaient basée sur une étroite association entre agriculture et élevage. Tout élevage était intimement lié à l’agriculture, et fort peu d’agriculteurs ne pratiquaient pas eux-mêmes des activités d’élevage, (ne serait-ce que par "l’ubugabire", sorte de contrat sur le bétail entre un propriétaire d’un grand troupeau qui "donnait" une vache à un agriculteur dépourvu d’animaux, en contre partie de cadeaux ou de certains travaux agricoles à effectuer). La dichotomie entre éleveurs et agriculteurs, trop souvent exposée, et déconnectée des impératifs de la reproduction et de la fertilité des terres, ne reflète donc pas la réalité de l’agriculture burundaise.
La dualité ethnique qui en découle, éleveurs "Tutsis" d’un côté et agriculteurs "Hutus" de l’autre, elle aussi trop souvent mise en avant par souci de simplification, repose sur trop peu de fondements historiques. Elle ne sert qu’une interprétation récente du conflit burundais, alors que celui-ci est en fait beaucoup plus politique, qu’il est issu des relations de plus en plus difficiles entre l’état et la paysannerie.
C’est en fait la politique agricole qui a généré le conflit état / paysannerie:
1/ L’obligation de la culture du café, culture de rente peu rémunératrice pour le paysan et mise en place pour le paiement d’impôts, 2/ l’éclaircie forcée de la bananeraie, culture pourtant performante en terme de création de valeur par unité de surface ou de temps, pour officiellement laisser la place aux cultures vivrières mais en réalité au café, 3/ les préconisations techniques trop "modernes" comme les cultures monospécifiques qui doivent remplacer les cultures associées pour faciliter l’utilisation d’engrais et de pesticides, 4/ les brimades, etc..., ont dégradé les rapports état / paysannerie.
Or, l’état est assimilé aux Tutsis, et la paysannerie aux Hutus : l’armée, depuis sa purification ethnique de 1972 est composée essentiellement de Tutsis. Il en est de même du corps enseignant et des autres administrations. De plus, les paysans Tutsis ne sont plus des paysans ordinaires, ne sont plus complètement paysans, puisqu’ils ont un fils en ville, un frère fonctionnaire, soldat ou gardien de nuit. L’histoire a fait des paysans Tutsis un groupe à part, qui suscite des jalousies, et que l’on assimile rapidement à la minorité non paysanne.
On comprend alors pourquoi ces paysans ont servi de boucs émissaires pour les extrémistes Hutus, en en faisant les alliés objectifs du pouvoir d’hier et donc les responsables des brimades de la politique agricole.
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, Burundi, Rwanda, África
L’auteur développe la thèse de la responsabilité primordiale de l’état et des élites du pays dans le conflit burundais par l’analyse chronologique de la paysannerie et des agrosystèmes.
Il expose le glissement d’un conflit état / paysannerie vers le conflit ethnique Tutsi / Hutus avec beaucoup de conviction, d’arguments et de méthode.
A la fin de l’ouvrage, que l’on lit avec beaucoup de facilités et d’intérêt, on possède une bonne connaissance du pays, des enjeux des différents acteurs. Mais on frissonne aussi un peu à la lecture du dernier paragraphe "Y a t’il des raisons d’espérer?" tant la situation décrite est peu encourageante, en particulier pour le monde de la paysannerie.
En tout cas, ce livre permet de mieux comprendre les origines des situations de conflits. Il nous aide à mieux réfléchir à la façon d’éviter que d’autres Rwanda ou d’autres Burundi ne se reproduisent.
Book
COCHET, H., Burundi, la paysannerie dans la tourmente. Eléments d'analyse sur les origines du conflit politico-ethnique., FPH in. Dossier pour un débat, 1996/05 (France), n° 60
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