Faire vivre une pratique artistique, en symbiose avec la région
03 / 1998
En 1975, J.C. Penchenat et trois autres comédiens issus du théâtre de Soleil dirigé par Ariane Mnouchkine, prennent en charge, à la demande d’un groupe d’enseignants du Lycée Mounier de Châtenay-Malabray, des ateliers de théâtre.
En 1979, J.C. Penchenat fonde sa propre troupe, la Compagnie du Campagnol et, grâce à ses liens avec le lycée de Châtenay-Malabray, réalise les premiers aménagements d’une piscine désaffecté dans le quartier de la Butte Rouge. Il y mène un projet, approuvé par la municipalité et subventionné par le Fonds d’Intervention Culturelle, appelé "Une Ville se Raconte."
Renouer le fil de la mémoire
Ce projet consiste à interroger l’histoire, plus précisément, la mémoire de la ville et d’en tirer matière à animation. Les comédiens de la compagnie, des enseignants, et très vite de nombreuses personnes venant d’horizons très divers se mettent à un travail qui tient de l’enquête à la fois sociologique et ethnologique. Le principe est simple : recueillir des récits, interroger les plus anciens habitants de Chatenay et les autres : qu’ils racontent, se racontent ; et dans un second temps, leur rendre cette parole, transposer sur scène ces récits. Des ateliers et des stages ponctuels regroupent animateurs et conteurs : des habitants de Châtenais invités à cette expérience de mise en scène de leur propre parole.
Plusieurs spectacles naissent alors de ces ateliers. Quelques exemples : en 1980, lors d’une fête de la ville, se déroule "La Foire aux conteurs" où chaque comédien s’est attaché à une personne pour en faire une personne du théâtre, en grandissant le quotidien mais en respectant scrupuleusement les manières, le langage, les souvenirs. En 1981, deux spectacles présentent la vie d’une douzaine de femmes de tous âges et de toutes origines, rappelant ainsi la petite histoire et la grande.
Aller à la rencontre du public
En 1998 l’ancienne piscine de la Butte Rouge est devenue un théâtre national renommé. Mais le public n’est plus le même. Aujourd’hui, les spectacles de "La Piscine" sont fréquentés par les 5% de la population qui ont une certaine culture et qui paient facilement les prix assez élevés des billets.
Mais l’idée de départ n’est pas tombée dans l’oubli. Dès 1981, une association de loi 1901 a continué l’expérience théâtrale sur la ville et s’est chargé d’assurer la conservation et l’exploitation des récits déjà enregistrés ainsi que la collecte de nouveaux récits. Aujourd’hui, elle dispose d’une "récithèque" avec plus de 250 enregistrements - récits de français et d’immigrés bretons, italiens, espagnols...récits de personnes ayant vécu les guerres mondiales et récits des nouveaux immigrés habitant les banlieues pauvres. Tous ces récits font apparaître que même dans une ville au développement récent il existe bien une mémoire collective puisque les mêmes faits sont repris, racontés par chacun.
Pour l’association "Une Ville se Raconte" la récithèque n’a de sens que si le contact avec les gens de tous les milieux reste vivant. "Nous devons créer des passerelles entre les gens", dit une responsable. "C’est par exemple possible lors de certaines manifestations exceptionnelles dans les quartiers. C’est là où nous pouvons gagner leur adhésion pour un travail de long terme."
L’association qui compte beaucoup de bénévoles n’a cessé d’aller à la rencontre d’un public qui franchit rarement le seuil des institutions culturelles classiques. Au cours des dernières cinq années, elle a organisé des "Terrains d’Acrobatie" qui se sont déroulés dans les maisons de quartiers et gymnases de la Ville suscitant l’adhésion croissante de leurs participants (principalement enfants et jeunes de la "Butte Rouge")comme de leur partenaires (Services Jeunesse et Prévention de Châtenay Malabray et d’Antony, Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports, Conseil Général des Hauts de Seine). Encadré par une équipe d’artistes de cirque, le Terrain d’Acrobatie propose une approche originale aux arts du cirque, privilégiant l’ouverture aux autres et à l’environnement.
L’association embauche aussi des comédiens comme animateurs d’ateliers théâtrales dans les quartiers, dans les collèges et les lycées
Le financement des activités est en partie assurées par le Conseil Municipal de Châtenay-Malabray, le Conseil Général des Hauts de Seine, la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports, la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), le Fonds d’Action Sociale (FAS)Ile-de-France et le Rectorat de Versailles.
Vers la création d’un équipement culturel de proximité
En 1998, l’association a soumis un nouveau projet à la municipalité : à côté de l’ancienne piscine, aujourd’hui transformé en théâtre national, se trouve une usine qui a cessé toute activité en 1995. Elle pourrait devenir un centre culturel complémentaire au théâtre de La Piscine, "un pôle attractif et vivant, pour artistes, amateurs et habitants du quartier, capable de dynamiser la vie sociale et culturelle en offrant de multiples possibilités d’acquisitions de compétences, d’ouvertures à des projets artistiques pluri-disciplinaires, de partenariats avec des structures locales." Les animateurs travailleront dans un souci de recherche pédagogique et artistique. Les jeunes pourront s’y former aux arts de la scène : cirque, musique et théâtre. Ils peuvent s’inspirer de la "récithèque" et peut-être trouver là un "sens" au territoire, selon une expression de René Rizzaro, Directeur de l’Observatoire des politiques culturelles. En réfléchissant sur les leviers du développement, celui-ci affirme : "Dans les banlieues, le métissage culturel est aussi une confrontation d’identités en construction. C’est en rapprochant ces expériences que le territorial prend du sens."
Les chances pour que ce projet d’"équipement culturel de proximité" soit réalisé semblent bonnes.
theater, cultural identity, cultural syncretism, cultural change
, France, Ile-de-France
Citation de René Rizzaro dans la présentation du projet (voir Source), p. 22. Pour connaître d’autres initiatives culturelles dans les banlieues, s’adresser à : Association de Banlieues d’Europe, B.P. 101, F-67069 Strasbourg cédex, Tél. + 33 3 88 22 24 43. Cette association publie un semestriel : "La Lettre de Banlieues d’Europe". On peut aussi s’adresser à OPAL- Culture et Proximité, 46 rue des Cinq Diamants, 75013 Paris, Tél. 01 45 65 20 00.
Organisation presentation
UVSR=Une Ville se Raconte
Pax Christi France - 5 rue Morère, 75014 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 44 49 06 36 - France - paxchristi.cef.fr - pax.christi-france (@) wanadoo.fr