L’élevage et l’agriculture de subsistance sont les piliers de l’économie des pays sahéliens et soudaniens. Le système agraire de ces pays se caractérise par l’existence de champs de village et de champs de brousse. Les champs de village sont situés à proximité des habitations. Ils bénéficient d’intrants essentiellement organiques : résidus des cultures, déjections animales et composts, et sont protégés contre l’érosion. Les champs de brousse sont plus éloignés des villages. Ils assurent 90% de la production et sont soumis à une exploitation de type minier ; la jachère y est la seule forme de reconstitution de la fertilité.
La pression démographique que connaissent ces pays, a conduit à la réduction voire la suppression de la jachère. Les sols se sont alors dégradés. Il s’en est suivi un phénomène de migration de population vers des espaces de sols plus fertiles.
Au Burkina Faso, les migrations se sont faites vers le sud et le sud-ouest du pays où la pluviosité est convenable. Là, les migrants ont reproduit le système de gestion intensive de champs de village et le système de gestion extensive de champs de brousse. La tendance actuelle y est à la généralisation de la culture attelée et à la prédominance de la céréaliculture.
Les sols défrichés et mis en culture dans ces nouveaux espaces sont, selon la terminologie des pédologues, des sols ferrugineux tropicaux lessivés, autrement dit ce sont des sols naturellement appauvris, sableux, contenant en surface entre 1 et 1.5% de matière organique, beaucoup moins en profondeur. L’argile qu’ils contiennent est une argile dont la capacité à retenir et à échanger les éléments nutritifs est faible : la kaolinite.
Pour répondre à la question de durabilité de l’agriculture qui se pose dans de telles conditions, les auteurs ont réalisé une étude en milieu réel, à l’échelle d’un terroir villageois, dans une zone d’immigration récente. Cette démarche leur a permis de mettre en évidence les modifications qui se produisent dans les sols depuis qu’ils sont mis en culture.
Il s’avère qu’à la première année de la défriche, les sols perdent le tiers de leur stock organique. Ils en perdent la moitié en 4 à 5 ans de cultures. Au delà, la diminution devient plus lente. Les teneurs en éléments nutritifs, azote et phosphore, suivent rigoureusement la même évolution que celle de la matière organique. La capacité des sols à retenir les éléments nutritifs diminue aussi et une évolution vers l’acidification s’amorce. Parallèlement à cela, le sol devient plus instable en surface ; l’effondrement de la structure diminue l’infiltration. Une aridification du climat interne du sol (pédoclimat)s’instaure. Les rendements des cultures chutent. Le sorgho qui donne 15 quintaux à l’ha à l’ouverture des champs, n’en donne de 2 quintaux au bout de 5 à 10 ans de cultures.
Ce type d’agriculture n’est donc pas viable. Les auteurs estiment que les terres nouvellement conquises sont rendues impropres à la culture du sorgho en 8 à 10 ans d’exploitation. Les migrants se retrouvent alors dans les conditions qui ont motivé leur départ.
La restauration de ces sols dégradés passe nécessairement par la reconstitution de leur stock organique et par l’amélioration de leur infiltration. Ce qui nécessite d’une part la disponibilité de fumier, de compost... ; et d’autre part, la disponibilité de main d’ uvre pour la réalisation des travaux au champs, notamment les façons culturales de manière répétée. Cela paraît impossible dans les conditions actuelles. Ce système de production devra donc être repensé dans le sensd’une meilleure association entre l’agriculture et l’élevage concluent les auteurs.
Ce système de production devra donc être repensé dans le sens d’une meilleure association entre l’agriculture et l’élevage concluent les auteurs.
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, Burkina Faso
Des sols et des hommes : récits authentiques de gestion de la ressource sol
Ce travail montre bien que la durabilité de l’agriculture dépend de la manière dont est gérée la fertilité des sols. Le gras du sol, autrement dit sa matière organique, est en général un facteur important de sa fertilité, et dans les milieux semi-arides tropicaux en particulier, il en constitue le pilier principal. Toutes les propriétés du sol utiles à la production de biomasse en dépendent. Cette réalité ne doit pas être ignorée si l’on veut que l’agriculture soit durable dans ces régions. Rappelons que déjà en 1962, René DUMONT affirmait que la fumure organique et l’association intime de l’agriculture et de l’élevage sont parmi les bases essentielles de la nécessaire révolution agricole de l’Afrique tropicale.
A travers cette étude, nous apprenons également que l’agriculture paysanne traditionnelle, peut détruire les sols tout comme l’agriculture industrielle.
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TAONDA, Sibiri Jean Baptiste; BERTRAND, Roger; DICKEY, John; MOREL, Jean Louis; SANON, Kalo, AUPELF-UREF, Dégradation des sols en agriculture minière au Burkina Faso, John Libbey Eurotext in. Cahiers Agricultures, 1995 (France), 4