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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Vers une banque solidaire pour le crédit aux plus défavorisés

Mémoire de la rencontre de Saint Sabin (17-18 juin 1992)

Pierre Yves GUIHENEUF

07 / 1996

Peut-on faire crédit aux plus défavorisés, préter de l’argent à ceux qui n’ont ni caution ni biens à hypothéquer, croire en la capacité des chômeurs à créer leur propre emploi, penser que des exclus - pour peu qu’on leur fasse confiance - puisse concrétiser des projets économiques ? C’est en tous cas le pari que font des associations françaises d’insertion qui tentent de mettre sur pied un projet de banque solidaire avec l’appui de la FPH. Non pas banque des pauvres, mais banque des initiatives dirigées contre l’exclusion et le chômage. Cette rencontre marque une étape dans le cheminement du projet.

Le projet n’est pas si fou qu’il n’en a l’air, puisque des précédents existent. L’expérience phare dans ce domaine est évidemment celle, bien connue des spécialistes, de la Grameen Bank du Bengladesh. Ses résultats laissent rêveur. Créée en 1983 dans un milieu rural marqué par la pauvreté et l’illetrisme, la Grameen Bank propose des prêts à taux modiques mais non subventionnés à des groupes s’engageant solidairement à les rembourser, et qui désirent réaliser un projet économique ou social. Commencée dans quelques villages, elle connaît un succès foudroyant : en 1992, 960 agences locales comptent plus de 1 million de bénéficiaires (à 93 % des femmes)dans presque la moitié des villages du pays et ont prété 300 millions de dollars avec un taux de remboursement record de 98 %. La Grameen Bank ne s’adresse qu’à ceux qui n’ont ni terre ni fortune. Elle appuie la création de petites entreprises collectives et individuelles ainsi que le logement : en 1992, plus de 130 000 maisons modestes avaient été construites grâce à elle. Souvent imitée, la Grameen Bank n’a malheureusement pas encore été égalée.

D’autres expériences sont également présentées : banques populaires du Rwanda, prêt au logement populaire du Mexique, crédits alternatifs d’Europe, des Etats Unis ou d’Australie, Nouvelle Economie Fraternelle de France, etc. Les leçons de ces expériences peuvent être regroupées en huit points :

1. Les outils financiers doivent être adaptés aux besoins et à la culture de la population concernée. Pour éviter d’avoir à sélectionner les bénéficiaires, il est recommandé de concevoir des produits adaptés à la population-cible et sans intérêt pour les catégories plus favorisées. Cela suppose évidemment une très bonne connaissance de la population que l’on désire aider.

2. Il faut proposer un processus de financement adapté aux modes de fonctionnement de la population visée. Proposer des prêts par étapes, des échéances à un terme relativement court et des remboursements fréquents (hebdomadaires dans le cas de la Grameen Bank)permet par exemple de s’adapter à la gestion au jour le jour des populations les plus pauvres.

3. Les garanties demandées doivent être adaptées à la culture locale. C’est un principe absolu : pas de prêt sans garantie, mais celle-ci doit être justifiée : ce peut-être la pression des amis qui se portent caution. Il faut également favoriser la compréhension par les emprunteurs des valeurs de la banque solidaire.

4. Pour gagner en efficacité, les structures doivent être très décentralisées ; pour préserver la dignité des emprunteurs, elles doivent proposer de les associer à sa gestion. A la Grameen Bank, les emprunteurs sont actionnaires et c’est la banque qui va vers les villageois et non l’inverse : les transactions ont lieu dans les villages.

5. Un équilibre délicat à trouver : s’insérer dans les relations sociales locales sans tomber dans le clientélisme ou se faire contrôler par les petits notables. Le problème doit être connu et évalué par la banque.

6. Réduire les coûts en simplifiant au maximum la paperasserie et en faisant appel au volontariat : cela allège le fonctionnement et permet de consacrer du temps à l’accompagnement des projets. La comptabilité doit permettre de distinguer les coûts normaux de fonctionnement et ceux de l’accompagnement des projets : dans les pays du Nord, il serait logique que ces derniers soient pris en charge par des organismes publics.

7. L’appel à la générosité des épargnants et à l’éthique peut aider la banque en lui fournissant des ressources financières moins chères, mais également contribuer au développement de relations de solidarité dans la société.

8. Le développement de ce type de banque doit se faire en réseau, en affirmant ses valeurs et en s’assurant du professionnalisme des employés. Pas de centralisation excessive, pas de dérapage commercial, pas d’amateurisme : voilà quelques clés du succès.

Adaptabilité, transparence du fonctionnement, rigueur technique, éthique... ces ingrédients et quelques autres peuvent être identifiés comme des composants importants des banques solidaires. Reste à des doser et à les mélanger harmonieusement. Là, les recettes s’estompent et laissent place au pragmatisme, à l’imagination et à la motivation de ses concepteurs. L’aventure n’est pas terminée...

Key words

credit, access to credit, financial implement, project creation, excluded for economic reasons, fight against unemployment


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Source

Colloquium, conference, seminar,… report

FPH=FONDATION CHARLES LEOPOLD MAYER POUR LE PROGRES DE L'HOMME, Vers une banque solidaire pour le crédit aux plus défavorisés, FPH in. Document de travail, 1992 (France), n° 22

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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