Evolutions quant à l’approche et à la méthode
04 / 1993
Recherche, planification et action: ces trois chapitres d’un livre essayant de capitaliser l’expérience du Projet Planification de l’Usage de la Terre, au Paraguay, retracent les évolutions ayant amené à un style de travail très différent des schémas classiques de la coopération internationale au développement en Amérique Latine. Ils parlent surtout de relations, entre les multiples acteurs de la société avec leurs complémentarités, entre le débat, la décision et l’action, entre l’action et la parole... La clef de l’évolution: reconnaître que ceux du terrain ont des savoirs et des capacités de décision. Le paysan est-il un planificateur? La vision technique à l’occidentale ne permettait de voir qu’anarchie et ignorance dans sa gestion. L’apprentissage du dialogue, donc d’abord la capacité d’écouter et comprendre l’autre, a permis de découvrir un véritable art de la planification, en fonction des possibilités réelles et non d’un idéal, en fonction d’une vision socio- économique large et non seulement de la production et de sa rentabilité monétaire, etc. Nous sommes tous des décideurs, donc nous sommes tous des planificateurs, c’est là un résultat de l’effort pour partager l’étude de la réalité entre paysans, techniciens et spécialistes. Il n’y a pas de séquence rigide entre recherche, planification et action, c’est là une des autres conclusions devenues peu à peu prémisses du travail. Une fois admis que la concertation est possible et utile, la recherche peut par exemple s’abriter au sein d’un processus de planification concertée entre paysans et techniciens, entre terrain et spécialistes nationaux...
L’action appelle des réponses qui sont la manne de la recherche et qui réintroduisent la planification à chaque cycle de l’action. De même, la parole n’a nul besoin de s’enfermer dans l’a priori du débat pour la décision, ni dans l’a posteriori des évaluations et conclusions.
Réflexion- action-réflexion, théorie-pratique-théorie, il ne s’agit pas tant d’étapes à suivre, de mécanique à respecter, sinon d’intensité relative et changeante suivant les moments, les besoins, les occasions. Ce n’est pas tant d’une logique d’alternance réflexion-action que l’on a besoin mais plutôt d’un dialogue entre les deux: quand celui-ci s’améliore l’alternance cède parfois à la simultanéité et, s’il entraîne quelquefois des cacophonies, il peut offrir des choeurs. "Le dialogue parole-action libère la vie". Peut-être cette construction progressive du Projet a-t-elle été favorisée par la lente reconnaissance au sein des décideurs nationaux qu’il y avait plus à apprendre qu’à enseigner. Mais cette reconnaissance elle-même n’a commencé à mûrir qu’à partir du moment où le Projet a choisi de prioriser la capitalisation des expériences sur l’élaboration des solutions. Que capitaliser? Ce que l’on a. Au début ce furent les débats eux-mêmes: enregistrés, transcrits, diffusés, commentés. Puis vinrent les pratiques de terrain: les planificateurs nationaux ne cherchaient plus à imposer un modèle mais à raconter leur découverte de la réalité, leur apprentissage du dialogue, leurs tentatives de comprendre la recherche, la planification et l’action aux mains des paysans, leurs efforts pour tendre des ponts entre les besoins nationaux et locaux, entre les décisions du centre et du terrain. Ainsi la capitalisation devenait une recherche mais aussi une action en soi et elle commençait à trouver sa place dans une volonté de planification assise sur la concertation. Résultat, le Projet a failli à la demande initiale d’élaborer une politique, de convaincre les décideurs pour qu’ils l’appliquent, de former les techniciens qui la mettront en place. Mais il a contribué énormément à ce que la concertation devienne un peu une clameur nationale, à ce que les demandes d’un comment se resituent dans un débat sur le pourquoi, à ce que l’"usage de la terre" échappe à la prison écologico-forestière pour se convertir en ferment d’une réflexion sur la vie passée, présente et à venir du pays. Grâce à la dynamique du Projet, la "planification de l’usage de la terre" n’est plus monopole d’une spécialité ni d’une institution mais une préoccupation de toutes sortes d’acteurs locaux, régionaux et nationaux. Et, grâce à ces publications, le Paraguay est passé "d’importateur de modèles à exportateur d’expériences et de réflexions".
planning, State and civil society, micro macro relations
, Paraguay
Recherche, planification, action: les apports du Projet ne fournissent aucune proposition susceptible d’entraîner des adhésions enthousiastes. Mais il y a beaucoup à apprendre de son cheminement, chaotique aux yeux des détenteurs de vérités, mais d’une grande constance dans sa progression vers une inspiration et une pratique rénovées. Il y a là un cas atypique de projet de planification ayant opté pour alimenter une concertation nationale à partir d’une capitalisation d’expériences.
In la collection :"Serie Debates": "La vaca, la soja y el árbol : Recursos naturales, planificación y desarrollo: experiencias de un proyecto", chap.II. Le PPUT est réalisé par le cabinet technique (GT)du Ministère de l’Agriculture et l’Elevage (MAG)avec la coopération de la GTZ allemande.
Book
DE ZUTTER, Pierre, PPUT=PROJET PLANIFICATION USAGE DE LA TERRE, PPUT, 1993/03 (PARAGUAY), VOL 13