La Concerned Mothers League
08 / 1994
Aux Philippines, le principe de base d’une organisation dénommée "Concerned Mothers League" (littéralement "Ligue des mères engagées")est qu’il est possible d’obtenir tout ce qui est consacré par la loi comme, par exemple, les services sociaux, l’eau potable..., à condition que les populations concernées luttent au niveau local afin de revendiquer leurs droits.
L’organisation, de dimension réduite, applique ce principe dans six communautés urbaines pauvres. Elle organise dans chacune une véritable mobilisation - grâce, notamment, à la circulation d’un bulletin local. Afin que les habitants de ces communautés résolvent eux-mêmes leurs problèmes, c’est-à-dire sans avoir besoin de faire appel à des professionnels, "Concerned Mothers League" leur donne une formation juridique destinée à les rendre le plus autonome possible.
L’exemple encourageant du quartier de Kamias (Manille)en 1990 illustre ces efforts. A l’époque des élections, les autorités locales avaient promis de fournir des services sociaux de base à la communauté. Mais une fois les élections passées, rien ne s’est fait. Les habitants de la communauté ont attendu un mois puis ils ont fait une pétition qu’une délégation a présentée au "Barangay", conseil de quartier. Avec un grand sens tactique, ils ont choisi de demander en premier lieu la réparation de la pompe à eau et d’agir, tant au niveau du Barangay qu’au niveau national. Pour se plaindre des conséquences graves sur l’hygiène et la santé que la pompe à eau défectueuse présentait, tout le quartier s’est mobilisé : mères de famille, personnes handicapées et malades.
Dans le cadre de cette mobilisation, les organisateurs ont informé les habitants de Kamias sur la législation en vigueur et leur ont enseigné les connaissances de base sur les droits de l’homme ainsi que sur le droit à des services sociaux de base. Ils leur ont ainsi fait compren-dre que c’était à eux d’agir et non aux organisateurs.
Après une année entière de lutte acharnée, la communauté a finalement reçu une nouvelle pompe de la Compagnie des Eaux avec un robinet commun et plusieurs bidons pour transporter l’eau. La population s’est mise d’accord pour payer une somme fixe pour chaque bidon d’eau mais à un prix plus élevé que celui demandé par la Compagnie des Eaux. Avec le bénéfice, la communauté a pu mettre en place des installations sanitaires et cimenter les ruelles.
Un membre de l’organisation constate que les populations savent, en général, qu’elles ont certains droits mais ne savent pas comment les faire valoir. Aussi, le rôle de CML consiste à leur fournir une information et une formation juridiques visant à donner aux populations concernées la force d’impulsion nécessaire pour qu’elles puissent revendiquer elles-mêmes leurs droits. Aujourd’hui, grâce à l’action menée par l’organisation à Kamias, les habitants savent ce qu’il faut faire. Après la pompe à eau, ils ont pu, sans le soutien de "Concerned Mothers League", obtenir l’électricité par une pétition adressée à la Compagnie d’électricité.
Dans une autre communauté, un petit pont reliant le terrain des habitants à la route risquait de s’écrouler. La "Concerned Mothers League" a demandé à un groupe de jeunes de la communauté d’écrire un poème sur ce pont (en langue locale, le Tagalog), qu’ils ont fait publier par la suite dans les journaux locaux, accompagné d’un dessin. Résultat : les responsables du Conseil de Barangay ont fait construire un nouveau pont en tenant compte des attentes de la population.
A Bagong Silang, un autre quartier, le Conseil national pour le logement ("National Housing Corporation")bloquait l’approvisionnement en eau d’anciens squatters pourtant officiellement relogés mais n’ayant pas payé l’occupation des terres. Ces squatters ont alors lancé l’opération "soucoupes volantes"... Une cinquantaine de personnes se sont rendues au bureau local du Conseil pour le Logement, et ont projeté des excréments sur le bâtiment pour montrer combien l’eau est essentielle pour l’hygiène et la salubrité. L’opération s’est révélée être un succès.
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, Philippines, Manille
A travers ces expériences, on constate que grâce à une mobilisation des populations défavorisées autour d’un objectif précis et faisant l’objet d’un besoin fortement ressenti, les chances de succès sont réelles. Une telle démarche, requiert que ces populations soient informées de leurs droits pour savoir où est le droit, ses limites, et jusqu’où elles peuvent aller, afin que leurs intitiatives, aussi originales soient-elles, ne les mettent pas en infraction mais interpellent les autorités. C’est là qu’interviennent les organisations telles que la "Concerned Mothers League" qui donne essentiellement des conseils juridiques et incite les membres des communautés à agir par eux-mêmes.
Report
GAUDARD, Catherine, Juristes Solidarités, Rapport de mission en Asie, 1994 (France)
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