A Vénissieux cet automne, les jeunes du quartier Armstrong (3500 habitants)pourront rencontrer un animateur le soir, y compris les samedi et dimanche. Banale il y a une quinzaine d’années, une telle déclaration apparaît aujourd’hui comme une quasi-nouveauté. L’idée est pourtant simple : il s’agit de faire correspondre le travail d’animation avec les rythmes de vie des jeunes et de reprendre la notion de foyer. Josiane Clermidy, présidente de la régie de quartier Armstrong, Claude Laurent, coordonnateur de la direction Information prévention sécurité (DIPS)à la ville de Vénissieux et Michel Peisey, directeur de l’agence Vénissieux Minguettes de l’Opac du Rhône témoignent de ce projet qu’ils ont mûri ensemble.
A l’origine de la réflexion, comme bien souvent, des jeunes qui squattent les allées, des phénomènes de délinquance importants (selon l’observatoire local de la délinquance, on vole trois fois plus de voitures à Armstrong que dans les autres quartiers de la ville), des tensions de toute nature au point que la régie de quartier envisageait, début 1995, de s’installer ailleurs.
"Personne n’est véritablement en contact avec ces publics-là. "
"Ces publics-là" ? très divers, de dix-huit à trente ans, encore scolarisés pour certains ; en fin de scolarité pour d’autres, sans perspective d’insertion, avec ou sans diplôme, et dans ce cas avec un fort sentiment d’échec ; quelques uns dans un début d’inscription sociale par du travail temporaire ; et aussi... des délinquants notoires. Ils ont tous un point commun : ils estiment être seuls, laissés pour compte, ils ne sont pas dans une dynamique de projet. Pour Claude Laurent :"Il faut se donner les moyens de casser cette pseudo-solidarité, - des jeunes en deuxième année de faculté, par exemple, peuvent tenir le même discours - pour retrouver des logiques individuelles plus marquées ; certains d’entre eux ont un ascendant, pourraient être des leaders positifs..."
Pour nos trois interlocuteurs : "on a totalement désinvesti, oublié, ce public dans le domaine du loisir, du rapport éducatif pendant le temps libre, alors que justement, ce temps libre, vacant, est devenu de plus en plus important. Il y a quinze ans, à Vénissieux, la MJC ouvrait son foyer tard le soir, les jeunes le fréquentaient beaucoup. Ça s’est arrêté dans une ambiance de tension, c’était trop difficile. Mais depuis, on n’a pas eu d’initiative, on a perdu le contact avec ces publics." De fait, les professionnels qui étaient réellement "producteurs" d’animation, ceux que l’on appelait "les permanents", ont disparu ou ont évolué au profit d’autres domaines et de modes d’intervention différents : le domaine emploi - formation - insertion, le développement social et urbain - souvent dans une approche plus de l’ordre du constat et des préconisations que de l’action.
Une idée simple dont la mise en oeuvre s’avère complexe
Défini en 1994, le projet consiste à ouvrir un local d’animations de nuit dans un triple objectif : "trouver une réponse positive aux squats d’allées, créer un lieu de rencontre de type foyer, être en contact avec les publics afin de pouvoir développer des initiatives... La condition nécessaire d’un tel projet est la professionnalisation, et donc, le salariat d’un personnel"(1). Le recours à un professionnel est fondé sur le constat que les tentatives d’ouverture d’un "local de jeunes" ont jusqu’à présent tourné court pour deux raisons : l’échec, la fermeture, ou l’appropriation excessive ; on insiste également sur la fermeté et la cohérence éducative des partenaires et propose l’instauration d’un comité de pilotage pour épauler l’animateur.
Fin 1994, les conditions semblent réunies pour procéder au recrutement : le projet est validé par les différents partenaires, approuvé par le CCPD, le montage financier du poste est achevé avec l’aide de l’État. Il faudra pourtant attendre septembre 1996 pour parvenir à la concrétisation: quasiment une année pour trouver un employeur - la régie de quartier finalement -, puis trois jurys pour retenir un candidat qui convienne et qui accepte de prendre le poste, alors que certains candidats sélectionnés se sont désistés au dernier moment, la rémunération proposée est pourtant correcte.
"Les gens n’y croyaient pas ; la mission, l’absence de cadre, de structure porteuse effrayaient. Aucune structure socio-éducative n’était prête à s’engager. "Ce qui nous a conduit à affiner l’approche, explique Michel Peisey : Pour diminuer le risque d’isolement, on a modifié le profil de poste en ajoutant une fonction de mise en réseau avec les autres partenaires pour travailler à la fois sur des projets et parcours individuels et mettre en place collectivement un local de soirée. On prévoit aussi à brève échéance le recrutement d’un autre animateur pour seconder, à temps partiel d’abord, le permanent. De plus, il pourra s’appuyer sur un groupe composé des trois partenaires initiaux, d’éducateurs de prévention et d’adultes du quartier."
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, France, Rhône-Alpes, Vénissieux
Quant au fait que la régie de quartier soit l’employeur, on peut le lire de deux manières : comme le résultat de la désaffection du socioculturel traditionnel ; mais aussi comme une solution pertinente, reflet de son insertion dans le quartier : la plupart des jeunes sont en contact avec la régie, beaucoup habitent dans l’allée où elle a ses locaux, des habitants du quartier son membres du conseil d’administration et concernés par cette question, un jeune adulte du quartier exerce depuis plus d’un an la fonction d’agent d’accueil médiateur à la régie.
"Sur ce projet-là, il y a un vrai partenariat, une même conviction sur la fonction et sa dimension territoriale de la part des acteurs de terrain aussi bien que des décideurs." Michel Peisey signale un autre élément favorable : l’Opac a pu, cet été dans le cadre des chantiers VVV et en partenariat avec la ville, faire travailler une trentaine de jeunes d’Armstrong dans le respect des conditions techniques et des horaires. à suivre...
(1). Compte-rendu de travail. Ville de Vénissieux, régie de quartier Armstrong, OPAC du Rhône. 29 juin 1994. Contact : régie de quartier Amstrong, Michel Thé, 6 rue Louis Amstrong, 69200 Venissieux. tél : 04 78 70 70 82, Fax : 04 78 70 47 93.
Entretien avec THÉ, Michel
Articles and files ; Interview
MALBOSC, Françoise, CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN, Jeunes entre ségrégation et intégration sociale in. Les Cahiers du CR-DSU, 1996/08 (France), N°12
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