Groupe surpeuplement à Bron Terraillon
02 / 1996
à Bron Terraillon, trois copropriétés des années 60 regroupent 1500 logements (souvent de petite taille et environ 7000 habitants, essentiellement des familles issues de l’’immigration. Parmi elles, des familles turques et maghrébines sont en surpeuplement dans des appartements souvent dégradés pour des raisons liées à l’accès au logement car elles ont les moyens financiers.
Elles se sentent démunies et exclues. Plusieurs sont allées demander un soutien et un accompagnement auprès des travailleurs sociaux de la Maison du département du Rhône qui leur proposent finalement une action commune, convaincus que seule une démarche collective des familles pourra venir à bout des blocages à l’accès au logement.
Des professionnelles pour accompagner
Une vingtaine de familles est partante. Dès les premières réunions, les professionnelles définissent leur rôle d’accompagnatrice et expliquent les limites de leurs fonctions, elles ne sont pas les représentantes du groupe. Rapidement celui-ci décide de choisir une déléguée et c’est ensemble que les décisions se prendront.
Le rôle d’accompagnement collectif et individuel tenu par les professionnelles est essentiel. Si certaines familles ont bien réussi à entrer dans la dynamique du groupe, d’autres ont plus de mal. Un accompagnement individuel leur permet de mieux se situer au sein du groupe et les rassure sur la prise en compte de leur situation personnelle dans la démarche collective.
Dès le départ, le groupe fait appel à l’ALPIL (association lyonnaise pour l’insertion par le logement)pour apporter son expérience militante et sa connaissance des partenaires institutionnels.
Se regrouper pour s’exprimer
La première année, les réunions sont l’occasion de mettre en commun les conditions de logement et de dépasser la culpabilité créée par leur impuissance à être pris en compte. Certaines familles réactualisent leurs dossiers de demande de logement. Petit à petit, la mobilisation des familles se situe dans une action visant à accéder au droit à logement décent. Le groupe cherche alors à rencontrer les décideurs en matière d’attribution de logements sociaux.
La deuxième année, différentes rencontres (avec l’élue au logement, les bailleurs sociaux, le service logement de la préfecture - SIAL -)et quelques relogements permettent au groupe de se structurer, de renforcer sa cohésion et de prendre conscience de sa force.
Le rôle des professionnelles consiste à préparer ces rencontres avec les familles, à aider les délégués à en restituer le contenu au groupe pour envisager les suites à donner. Elles s’attachent aussi à ce que toutes les familles restent collectivement solidaires, tant au sein du groupe qu’auprès des partenaires extérieurs.
Avec la cohésion du groupe et la confiance viennent les décisions collectives
La répartition des tâches a pris du temps. Elle demande une grande confiance dans le groupe et une connaissance des capacités de chacun. Il a fallu trois ans. Chacun prend alors sa part en fonction de compétences reconnues par les autres.
Au bout de 5 ans, le groupe est suffisamment soudé pour que les famillles bénéficiaires des offres de logement soient choisies collectivement en fonction de critères d’urgence définis ensemble: "ce sont des critères de bon sens" remarque une professionnelle (état du logement, nombre et âge des enfants..). Par exemple, fin 1995, le SIAL a proposé un logement. La famille a été choisie au cours d’une rencontre entre les familles concernées, la déléguée, et les professionnelles, sur des critères d’assiduité aux réunions, la durée de son attente de relogement, l’âge de ses enfants.
Chaque situation de relogement conforte la volonté du groupe de continuer son action.
Le groupe décide s’il intègre de nouvelles familles mais ne l’a pas fait depuis deux ans, pensant qu’elles seraient trop décalées et risqueraient de fragiliser la cohésion de groupe même si la plupart des familles relogées continuent à venir aux réunions.
Un livre, être "citoyen acteur"
En 1994, la Fondation Abbé Pierre et le Fonds d’action sociale mandatent deux journalistes pour écrire un livre relatant le parcours de familles à la recherche de logement (1). L’ALPIL est contactée et propose le groupe de Bron. Les familles acceptent et choisissent la famille qui relatera son parcours dans le livre. Elles l’utilisent ensuite en organisant une remise publique, et demandent le soutien du maire de Bron, contactent la presse, relancent les invités par téléphone (bailleurs sociaux, SIAL, services municipaux, services sociaux, administrations), et s’occupent de toute l’organisation matérielle. La parution de ce livre et sa remise publique ont symbolisé pour les familles la prise en compte par la société de leur problème de logement. Ces événements ont valorisé leur capacité de <citoyen acteur>.
Des relations humaines enrichies
Cette démarche collective produit des effets plus vastes. En effet, les turcs et les maghrébins ne se fréquentent pas dans le quotidien. Grâce à cette action commune, les familles ont pu dépasser leurs préjugés. Au sein des familles, les parents en situation d’échec vis-à-vis de leurs enfants reprennent une place d’acteur. Les jeunes adultes s’impliquent à leurs côtés et prennent le relais ou les accompagnent dans les réunions.
Source : 1.Ces gens là- Histoire d’un logement ordinaire. Minelle Verdié - Jean-Louis Saïz.
Editions Syros. (1995)
work, access to housing, immigrant
, France, Rhône-Alpes, Bron
L’expérience montre que la démarche de groupe permet de sortir d’un sentiment d’impuissance vécu à la fois par les professionnelles et les familles. La réelle implication des uns et des autres a été moteur pour tous et a permis au groupe d’être considéré comme interlocuteur légitime aux yeux des partenaires extérieurs.
Aujourd’hui, les professionnelles s’engagent avec d’autres partenaires dans une démarche visant à rassembler les habitants des allées les plus dégradées en vue d’améliorer leur cadre de vie. Cette nouvelle démarche collective va demander encore beaucoup de temps, de ténacité, surtout qu’elle cherche à impliquer des familles confrontées à bien d’autres insécurités que celle du logement.
Contacts : Josiane Fontaine et Martine Monteiro, Maison du Département du Rhône. Bron-Terraillon, Tél: 72 37 30 60.
Un ouvrage expose cette expérience : VERDIE, Minelle, "Ces gens là, histoire d’un logement ordinaire", Syros, 1995.
Entretien avec FONTAINE, Josiane; MONTEIRO, Martine
Interview
(France)
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