Evoquer l’activité des syndicats militaires pourrait, à première vue, paraître paradoxal. En effet, en Russie comme dans beaucoup de pays, les militaire, de par les spécificités de leur profession, n’ont pas le droit de se syndiquer. En fait, l’existence de syndicats militaires est justifiée par la présence d’un grand nombre de travailleurs civils au sein de l’institution militaire. Les syndicats défendent uniquement le personnel civil.
En Russie, la principale institution syndicale militaire est la Fédération des syndicats des travailleurs et employés des forces armées. Cette fédération regroupe huit syndicats, qui correspondent aux huit branches existant au sein des forces armées : syndicat du personnel des troupes de fusées stratégiques, de l’armée de terre, de l’aviation, des la marine, de la défense anti-aérienne, des forces cosmiques, du ministère de la Défense, de la construction. L’activité de cette organisation n’est pas insignifiante. En effet, d’après les sources officielles, environ 600 000 civils travaillent au sein de l’armée russe (qui compte en tout 1,8 millions d’hommes).
La Fédération des syndicats militaires est une institution héritée de l’organisation soviétique. Du temps de l’URSS, l’ensemble du personnel était syndiqué. Aujourd’hui, un grand nombre d’employés n’ont pas repris leur carte. A l’époque soviétique, la Fédération employait douze personnes à temps plein pour gérer ses affaires. Aujourd’hui, elle n’en emploie plus que quatre (le président, le vice-président et deux secrétaires). Les responsables actuels du syndicat évoquent la période soviétique avec nostalgie. "Avant, la situation économique était meilleure. Le ministère de la Défense finançait les activités sociales du personnel civil. Depuis la thérapie de choc, les choses ont changé. La situation économique est difficile" affirme le président de la Fédération, Spartak Arzavkine. Du temps de l’URSS, les syndicats militaires s’occupait majoritairement d’organiser des camps de pionniers pour les enfants du personnel, d’ouvrir des maisons de la culture...
Depuis le changement de régime, le statut et les conditions d’action de la fédération syndicale militaire ont changé, mais elle semble avoir du mal à se débarasser de ses anciens réflexes. Désormais, elle est théoriquement indépendante du pouvoir et du ministère de la Défense. Dans les faits, elle semble encore largement dépendante de cette dernière institution. Les responsables de la Fédération des syndicats militaires entretiennent de très bonnes relations avec les dirigeants du ministère de la Défense. Pour eux, le non-paiement des salaires du personnel civil des forces armées, la diminution du niveau de vie, les problèmes de logements des employés ne sont pas imputables au ministère de la Défense mais plutôt aux responsables civils au Parlement et dans l’administration présidentielle, qui ne débloquent pas les fonds nécessaires.
Pour tenter de défendre ses membres, la Fédération des syndicats militaires tente de faire pression auprès des parlementaires, elle envoie des courriers aux grandes fractions politiques de la Douma. Les dirigeants de la Fédération des syndicats militaires développent un discours politisé, qui dépasse leur domaine d’action. Le président de la Fédération affirme ainsi "Avant, les gens avaient les moyens pour vivre, la médecine était gratuite. Aujourd’hui, tout cela n’existe plus. Les gens n’ont pas confiance dans le Président, d’où le développement du vote communiste". Lors des élections législatives de décembre 1995, la Fédération des syndicats militaires tente de constituer un lobby à la Douma. Elle participe aux élections avec le bloc "Union du travail". Ce bloc ne récolte que 1,55% des suffrages.
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Compte tenu du secret qui entoure les chiffres concernant le personnel militaire, il est difficile de connaitre le nombre de civils travaillant dans l’armée et le nombre réel de syndiqués dans la Fédération des syndicats militaires. Le constat de déclin de l’activité de cette Fédération est toutefois indéniable. Conçue pour organiser les loisirs et mener une action paternaliste auprès du personnel, elle est aujourd’hui dépourvue devant le manque d’argent et ne parvient pas à développer une action syndicale plus revendicative à l’égard des autorités.
Entretien avec ARJAVKIN, Spartak
Interview
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