Un exemple d’éducation à l’environnement à travers les médias
07 / 1993
Une série d’une centaine d’articles de la presse française a été analysée pour l’année 1990, portant tous sur le problème de la pollution de l’eau potable par les nitrates. Cette pollution représente des risques graves pour la santé humaine : risques d’une maladie du sang provoquant la mort chez les jeunes enfants et risques de cancer. A l’intérieur du discours de la presse sur ce problème de l’environnement, on peut distinguer trois composantes qui se retrouvent en proportion variable dans chaque article :
1)Une partie purement informative où le journaliste présente les données des analyses sur la potabilité de l’eau à travers le pays, le niveau des normes de potabilité établies au niveau national et international, l’historique de la pollution. Une analyse comparative montre qu’une grande confusion règne quand au niveau des normes admissibles : les journalistes ne sont pas toujours d’accord sur le niveau à partir duquel le taux de nitrates dans l’eau représente un danger réel, un danger relatif, un danger incertain. Les notions d’incertitude et d’irréversibilité sont abordées en restant souvent des vagues sans contenu explicite.
2)Une partie de vulgarisation scientifique de notions en provenance des sciences exactes (écologie, géologie, médecine)ainsi que des sciences humaines (économie). Des définitions, reformulations à but explicatif, des analogies et autres procédés de vulgarisation, sont employés afin d’expliciter les concepts relatifs à la provenance des nitrates (azote, fertilisation), à leurs impacts sur la santé humaine (nitrites, méthémoglobine), aux moyens technologiques de lutte contre les nitrates (échange d’ions, osmose inversée)ainsi que des concepts économiques relatifs à la gestion de l’eau (biens économiques "libres" et "rares")et la gestion économique de la pollution (Principe Pollueur Payeur, redevances de la pollution, analyse coût-avantage). Un grand nombre de concepts scientifiques "secondaires" (sans rapport direct avec la question)sont cités à travers le processus de vulgarisation des concepts "de base". Les concepts de base et les concepts secondaires sont souvent insuffisament ou mal explicités : on peut aisement repérer des lacunes, deformations ou des simplifications hâtives. En outre, le nombre élevé de concepts employés entrave souvent la lisibilité du texte. Cette deuxième partie occupe une place variable dans ce corpus d’articles, place qui devient secondaire à partir du moment où le débat devient politique : les Ministres de l’Environnement et de l’Agriculture interviennent par des declarations opposées.
3)Une partie "polémique" où sont présentés les intérêts, souvent conflictuels, des acteurs économiques impliqués. La polémique s’engage à propos de la responsabilité éventuelle des agriculteurs pour cette pollution. Le débat s’elargit et l’agriculture moderne intensive se trouve au rang des accusés. La polémique concerne aussi les moyens de lutte contre la pollution. Le problème est présenté globalement comme un problème de régulation et de gestion - grave mais limité : il suffirait d’imposer des redevances aux agriculteurs pour le résoudre. Un nombre limité d’articles se refère à des changements structurels.
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, France
Le débat autour de la pollution de l’eau par les nitrates à la presse, a le mérite de faire prendre conscience du fait qu’il faut sortir d’une logique dans laquelle l’environnement est tenu pour gratuit et donc livré à toute sorte de gaspillages. La présentation de cette pollution par la presse aura probablement contribué à renforcer la confusion des lecteurs - ce qui devient inacceptable du moment où il s’agit d’un problème de santé publique aussi grave que celui-ci : les concepts scientifiques sont mal ou insuffisament expliqués, les rapports contradictoires, les sources d’expertise multiples, les intérêts économiques en conflit. La présence constante de l’environnement dans les médias remplit au moins une fonction de familiarisation avec les concepts scientifiques relatifs à l’environnement qui entrent ainsi dans la langue courante. Une "alphabétisation environnementale", souvent bien déficiente, se fait à travers la presse, ce qui présente l’avantage qu’un grand nombre de personnes (autrement inaccessibles)est touché.
Il s’agit d’une thèse de doctorat en cours de préparation à l’Université Paris 7, U.F.R. de Didactique des Disciplines, Option Biologie et Education à l’Environnement
Theses and dissertations
ZIAKA, Yolanda (France)