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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Soutenir la démocratie au niveau local

Bernard OZANAM

07 / 1997

A l’occasion du cinq-centième anniversaire de l’arrivée des Espagnols aux Amériques, le CEDAL a voulu apporter sa contribution au débat sur la rénovation de la démocratie en organisant un dialogue entre responsables d’ONG, chercheurs, journalistes et étudiants autour d’un certain nombre de questions : quel avenir, pour quelle société ? Avec quels acteurs ? Quels projets ? Qu’est-ce que la démocratie ?

A cette question on est tenté d’apporter une réponse conventionelle : il s’agit d’un régime politique où l’individu peut s’exprimer librement. Mais très vite cette définition restrictive a été dépassée. La démocratie, c’est d’abord une idée de ce que doivent être les rapports entre les gens. Ce qui veut dire que les droits politiques ne peuvent, à eux seuls, épuiser le sens du mot démocratie.

Mais comment faire reconnaître de tels droits si ce n’est par le dialogue ? Néanmoins l’objet de celui-ci doit être plus large que celui proposé par Serge Allou (1). Ce dernier, en effet, le restreint à la seule "gestion politique des affaires". Mais qu’en est-il de leurs rapports économiques et sociaux ? La démocratie ne peut être qu’un état prenant en compte le tryptique : Politique - rapports sociaux -rapports économiques.

C’est pourquoi la conception de Jean Designe (2)nous paraît plus satisfaisante : "Résoudre la violence (c’est-à-dire, en finir avec un état de fait non démocratique), c’est satisfaire les besoins vitaux de la population."Cette formule, en effet, envisage les trois dimensions des rapports humains et affirme que la démocratie est un état de vie au service de l’épanouissement de la personne humaine.

Cette définition de la démocratie pose le problème des structures les plus à même d’en garantir l’épanouissement. C’est à l’Etat que doit revenir ce rôle d’organisateur. Car dans les sociétés démocratiques il est l’émanation de la volonté populaire et donc habilité à organiser la société selon le mandat reçu du peuple.

Le problème du continent sud-américain est le désengagement effectif de l’Etat. Il y a donc un vide qu’il faut combler pour espérer instaurer une société démocratique dans les différents pays latino-américains.

Pour faire face à cette carence, des hommes et des femmes au sein d’organisations et d’associations ont tenté de créer les structures nécessaires en prenant en charge les problèmes du logement, de l’emploi et de l’éducation. Mais il leur faut être reconnus par l’Etat comme des partenaires valables. Ce qui n’est pas toujours le cas : au Mexique, par exemple, où le clientélisme reste la règle. Aussi F. Bourges propose de "donner un cadre et une structure à la démocratie de base. Autrement dit, de la renforcer pour qu’elle ne puisse plus être ignorée par les autorités.

Si le renforcement de la démocratie de base est fondamental, il ne suffira pas pour l’avènement de cette dernière. Les comportements démocratiques ne sont pas innés. Il est nécessaire par conséquent d’éduquer les hommes.

En Amérique latine, cette éducation est encore plus nécessaire, car le continent a été soumis à de longues périodes de dictature et certains n’ont pas connu ne serait-ce que la démocratie politique.

Néanmoins, les Sud-américains peuvent être leurs propres professeurs. Et J.M. Rodrigo a raison de dire que "... nous autres, Européens, n’avons pas le monopole des solutions miracles". Le cas de l’Afrique, où les Européens ont prétendu imposer "leur démocratie" et l’échec qui en a résulté doivent d’ailleurs les rendre modestes.

L’apprentissage de la démocratie pour les Latino-américains passe, comme le dit Jean Designe, pas "l’identification des pratiques locales". Ce sont elles qui constituent le substratum sur lequel s’édifiera la société démocratique. Ces pratiques locales ne sont pas forcément identiques d’un pays à l’autre, aussi est-il fondamental pour ces nations d’échanger, donc de dialoguer. De même, l’information scientifique et technique doit être largement diffusée. C’est grâce à elle que l’on pourra édifier des politiques de développement solides.

Dans ce processus de construction démocratique, quel est le rôle dévolu à ceux qui, dans les pays du Nord, souhaitent apporter leur contribution ? Autrement dit, quel est le rôle que doivent jouer les ONG du Nord ? Leur rôle est avant tout d’ordre financier et technique, pour José da Costa. Mais peuvent-elles se cantonner à cet aspect traditionnel ? En effet, les pouvoirs publics du Nord trouvent de plus en plus contraignant de devoir passer par les ONG pour financer des projets de développement. Il y a donc un risque de court-circuitage pour les ONG, si elles se maintiennent dans leur rôle traditionnel.

Il faut donc trouver un nouveau positionnement sur un autre terrain où les ONG pourront être utiles.

Pour Serge Allou, les ONG doivent ouvrir "de nouveaux espaces de négociation" entre les organisations et les associations et les autorités tant politiques qu’économiques. Mais leur rôle, avant celui d’intermédiaire, doit être de renforcer les organisations et les associations dans leur face à face avec l’Etat, afin d’être en mesure d’exercer un contrôle sur ce dernier. Sinon, "nous allons à l’échec", affirme José da Costa. Elles doivent aussi favoriser le dialogue nécessaire à l’échange des expériences et des connaissances.

Au total, de rôle des ONG est de rapprocher des acteurs peu habitués au dialogue. En aucun cas elles ne doivent se substituer à eux, ni fixer le cadre et le contenu de ce dialogue. Elles doivent donc être fondamentalement des pédagogues et "favoriser les échanges" multiples.

Enfin, au niveau de la presse, elles doivent faire connaître à l’opinion du Nord les réalités latino-américaines et inciter les gouvernements des pays développés à soutenir concrètement l’édification de la démocratie en Amérique du Sud.

Key words

state disengagement, democracy, NGO, State and civil society, peace and democracy


, Latin America

Notes

(1)Membre du GRET=Groupe de recherche et d’échanges technologiques, 213 rue Lafayette, 75010 Paris. Tel 01 40 05 61 61. Fax 01 40 05 61 10.

(2)Fondateur de Juristes Solidarités, 43 ter rue de la Glacière, 75013 Paris. Tel 01 43 37 87 08. Fax 01 43 37 87 18. E-mail : juristes@globenet.org

Source

Articles and files

RODRIGO, Jean Michel, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE, Les ONG françaises et l'Amérique latine : nouveaux discours, nouvelles pratiques, CEDAL FRANCE in. COMUNICANDO (France), 20, spécial 1492-1992, vol.1

CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - France - cedal (@) globenet.org

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