Agir dans la complexité : une approche des systèmes bio-socio-techniques
03 / 1996
Nous sommes familiarisés avec le principe de quelques systèmes biologiques, systèmes économiques ou systèmes sociaux. La réalité dans laquelle nous vivons est composée d’un grand nombre de systèmes bio-socio-techniques, c’est-à-dire qui ont quasiment tous, à un titre ou à un autre, des dimensions biologiques et écologiques, des dimensions sociales et politiques, des dimensions techniques. Parler de système bio-socio-technique, c’est s’initier à la complexité en reconnaissant la profonde interdépendance de l’organisation sociale et de l’organisation technique.
Quelques exemples : les entités écologiques comme les lacs sont à la fois naturelles et fortement dépendantes de l’activité humaine. Les systèmes agraires, les terroirs ruraux ou les paysages, les villes et les entreprises sont également des systèmes bio-socio-techniques. La planète elle-même ! ... Ils font intervenir une multitude d’acteurs doués d’une certaine liberté, d’une stratégie et d’une capacité de réaction, capable de se coordonner ou de s’affronter. L’organisation des connexions, des réseaux et des flux occupe une place primordiale et les mécanismes de régulation sont essentiels au maintien du système, qui évolue en permanence.
Les systèmes bio-socio-techniques présentent quelques caractéristiques. Tout d’abord, leurs composants n’ont pas la même vitesse d’évolution ni la même constante de temps. Ces disparités provoquent des décalages de rythme fréquents et des écarts entre les problèmes auxquels nous sommes confrontés et la manière dont nous les traitons. Ensuite, leur observation diffère selon que l’on les regarde sur un temps court (les mécanismes de reproduction du système prédominent, le changement semble impossible)ou sur un temps long (rien n’est immuable). Pour faire évoluer un système, il est primordial que les hommes qui en font partie puissent se le représenter et confrontent leurs représentations du système avec celles des autres : dans les cohésions à construire, les facteurs culturels jouent un rôle décisif. Quatrième constante : tous les systèmes sont exposés aux risques de perturbations et doivent développer des mécanismes de sécurité. Toute réflexion sur l’avenir d’un système passe par une gestion concertée des risques. Enfin, un système est d’autant plus sûr que les acteurs misent sur la coopération entre eux plutôt que sur la compétition pour décider de leur avenir commun.
Les systèmes bio-socio-techniques changent et dans ces changements, les dimensions culturelles sont puissamment motrices. Le ciment de l’action est l’imaginaire collectif : aujourd’hui, le défi est d’inventer une nouvelle manière de vivre sur la planète sans compromettre notre survie à long terme. Mais la gestion du changement à l’échelle planétaire est délicate car toutes les sociétés n’ont pas la même aptitude à relever les défis, les évolutions sont rarement linéaires, les innovations interfèrent et doivent être pensées de façon à se compléter... Dans ce contexte, les réseaux en tant que mécanismes de concertation, communication et diffusion jouent un rôle déterminant.
Les systèmes bio-socio-techniques disposent de mécanismes de régulation, mais ces mécanismes dont fort différents. Certains sont internes, d’autres externes, certains sont de nature organique, d’autres sociale et politique. Ils s’exercent dans le champ technique, culturel, législatif, éducatif... Le défi aujourd’hui est d’inventer des formes de régulation pour la planète. Sa complexité en fait un domaine de prédilection pour les experts, mais leur montée en puissance comporte un risque de totalitarisme. Il faut plaider pour des régulations démocratiques.
future of the earth, systemic approach, cooperation, system analysis, social change, cultural development
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Pour penser l’avenir de la planète, la FPH a lancé une dynamique de mise en réseau autour de la Plateforme pour un monde responsable et solidaire, qui s’inspire de l’approche en termes de systèmes présentée ici.
Book
CALAME, Pierre, FPH=Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'homme, Penser l'avenir de la planète, FPH in. Dossier pour un Débat, 1993 (France), n° 19
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