Dialogue avec des paysans américains

En 1992, une dizaine d’agriculteurs et de responsables professionnels agricoles français parcourent les vastes plaines américaines pour y rencontrer des producteurs locaux. Surprise : ce ne sont pas tous des businessmen. Certes, les "agro-managers" intégrés à de gigantesques complexes agro-financiers existent bien, mais ils sont peu nombreux, même si leur poids économique est considérable à cause de l’importance des volumes qu’ils livrent. Beaucoup d’agriculteurs familiaux ont des exploitations plus modestes. Certains d’entre eux, avec des fermes trop petites, sont en situation difficile. D’autres ont une situation plus sûre, mais au prix de grosses journées et souvent grâce à un travail à l’extérieur (de l’agriculteur ou de sa femme). Enfin, quelques petites exploitations et producteurs écologiques dégagent une forte valeur ajoutée grace à la transformation et à la vente de leurs produits. On est loin de l’Europe : le farmer américain est individualiste, les structures de type CUMA (Coopératives d’utilisation du matériel agricole, très nombreuses en France)par exemple, n’existent pas et les syndicats sont timides. Il est plus gestionnaire que technicien : il attend beaucoup du gouvernement, et en particulier de la politique des prix. Les coopératives ? Il ne faut pas les confondre avec celles que l’on connaît (enfin, quelques unes au moins): elles font dans le commerce, pas dans le social.

Visites de fermes, entretiens avec des responsables professionnels et des personnalités de l’administration américaine, consultation d’une organisation de consommateurs, participation à quelques rencontres d’organisations professionnelles ... Les visiteurs se sont donnés les moyens d’un tour d’horizon diversifié. Ils en retiennent notamment que le système d’aide publique aux agriculteurs, particulièrement complexe, provoque un dumping généralisé, c’est-à-dire conduit de fait les Américains à vendre leurs produits sur le marché mondial à un prix inférieur au coût de production. Une situation déplorable pour le contribuable, qui comble la différence, et pour les producteurs des pays pauvres, qui subissent les effets d’une concurrence déloyale. Quelques responsables agricoles américains sont conscients du problème et réclament que cette situation cesse. Mais la guerre commerciale avec l’Europe fait rage...