L’armée israélienne étant présente en permanence tout autour des villes "libérées" pour pouvoir à tout moment activer le blocus, les Palestiniens, dans chaque ville, ont l’impression de vivre dans une cage dont la porte est entrouverte mais peut se refermer à tout moment. Plus encore, ces lieux de présence de l’armée d’occupation sont régulièrement le décor de confrontations : événements de septembre 96 à Ramallah ou à Naplouse qui ont fait 58 morts et plus de 1600 blessés palestiniens, événements de mars-avril 97 à Bethlehem, Hébron, Naplouse et Ramallha.
A l’occasion de la journée de l’Enfant Palestinien qui est célébrée le 5 avril, l’organisation internationale Défense des Enfants (Branche Palestine)a publié un rapport qui fait le bilan des violations documentées des droits des enfants palestiniens par les autorités israéliennes pendant l’année 1996. Pour une année de "paix", le bilan reste bien lourd. Ainsi 17 enfants ont été tués par des soldats israéliens, 2 par des colons ; 8 enfants sont morts faute d’avoir pu accéder à temps aux soins médicaux appropriés, en conséquence du blocus imposé aux villes et aux villages, et enfin 2 enfants ont été les victimes d’explosion de mines dans la région de Jénine, 135 enfants ont été blessés par des tirs des soldats ou des colons.
Environ 250 Palestiniens âgés de 18 ans sont encore dans des prisons en Israël ; ils restent souvent de longs mois sans recevoir de visites de leurs familles étant donnée la fermeture de la Cisjordanie. Moins spectaculaire que les 58 morts de septembre 96 dans les évènements qui ont suivi l’ouverture du tunnel dans la ville de Jérusalem, mais pas forcément moins traumatisant, il faut rajouter à cette liste déjà longue de raisons de "mal-être" la multiplication ces derniers mois de confiscations de terre palestiniennes par l’armée israélienne. Si c’est plutôt le dernier épisode en date de ces confiscations à Jérusalem-est (la partie de Jérusalem occupée en 1967)dans le but de la création d’une nouvelle colonie de peuplement qui retient l’attention de l’opinion publique internationale dans la mesure où elle a ouvert la voie à un nouvel épisode de confrontations violentes, il ne faut pas oublier pour autant les confiscations massives de terres dans le but de construire des "routes de contournements" qui relient les implantations israéliennes entre elles sans traverser les villes et les villages palestiniens.
Comment ces actes peuvent-ils se justifier pour les Palestiniens et comment les parents palestiniens peuvent-ils se faire du Droit, de la Justice et des intentions de paix du gouvernement israélien face à toutes ces brimades que nous venons d’évoquer ? Que peuvent signifier pour eux les concepts d’éducation à la paix, à la tolérance ? Que peuvent signifier pour eux le respect des droits d’autrui, la résolution des conflits par le dialogue ? S’étonnera-t-on encore de les voir à nouveau prendre les pierres dans leur main, allumer les pneus pour barrer les routes ? Dira-t-on encore qu’ils sont manipulés par des adultes et des partis politiques ?
La vie quotidienne est pour l’enfant palestinien un terrain propice à la socialisation politique. On ne prépare pas des enfants à la paix en les confrontant jour après jour aux frustrations et aux humiliations de leurs proches, d’autant plus que ces frustrations et ces humiliations nourrissent aussi la montée de la violence dans les relations à l’intérieur de la famille et dans la société en général. Au moment du transfert des pouvoirs aux Ministères, l’autorité palestinienne avait très vite reconnu l’importance qu’il y avait à développer un Programme national d’action pour l’enfant palestinien : un symposium s’était tenu sur ce thème à Gaza en avril 1995, sous le patronnage de l’UNICEF et du Gouvernement suédois. Le défi était alors de réussir la transition de la guerre vers la paix, de "réintégrer dans la vie des enfants-citoyens" pour reprendre une formule utilisée par Marcel Czermak, en particulier en les aidant à réinvestir une scolarité trop mise à mal pendant les années de l’Intifada. La tâche se présentait alors comme ardue étant donnée l’ampleur des besoins et le peu de ressources disponibles, non seulement en termes de ressources financières mais aussi en termes de ressources humaines. Deux ans plus tard le projet certes continue mais la source des traumatismes ne s’est pas tarie et les conditions de travail n’en sont que plus difficiles.
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, Palestine
Si l’on peut mettre en chiffres les morts, les blessés, les jours d’école perdus, il n’ en va pas de même bien sûr des traumatismes psychiques. Quelques études épidémiologiques tentent de définir un impact, avec cependant des difficultés méthodologiques importantes : les phénomènes que l’on veut mesurer sont complexes et demandent la mise en place de protocoles de recherche très sophistiqués avec des suivis de cohortes. Le traumatisme n’ est pas à l’échelle d’un village ou d’un camp mais à l’échelle de toute la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, il ne se limite pas à une cause (tremblement de terre, la chute d’un obus...)Mais est devenu un processus chronique qui prend plusieurs formes (confrontations violentes à une armée d’occupation, accroissement de la pauvreté à cause du blocus, accumulation des expériences d’humiliations, désorganisation du tissu social...). Certes les traumatismes n’ ont pas un effet "mécanique" sur le psychisme et la résilience au niveau collectif et individuel en module l’impact.
S.MANSOUR est psychologue. Elle travaille à l’université de Birzeit, département de santé publique/communautaire en Palestine.
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