Que pourrait faire un bon chef à l’endroit de ses administrés ?
09 / 1995
Danfagadougou peut apporter une réponse à cette question. On pourrait définir Danfagadougou comme suit : une coopérative maraîchère devenue village.
Cette communauté a vu le jour en 1970 à l’initiative d’un gouverneur militaire du nom de Amara Danfaga qui était le chef exécutif de la région de Kayes. D’ou la dénomination de la structure par « Danfagadougou » signifiant en langue bambara « case de Danfaga » ou « village de Danfaga ». Le projet répondait à une double préoccupation des pouvoirs publics. D’un côté, il s’agissait de couvrir les besoins alimentaires, et pour cela, Danfagabougou constitue une réponse opportune au déficit en produits maraîchers du chef-lieu de la région de Kayes qui recevait ses légumes et ses fruits soit du Sénégal, soit de la capitale politique Bamako, par voie ferroviaire. De l’autre côté, c’était une manière de résorber le chômage. Toutes les conditions étaient réunies pour faire face à ce double défi.
Le site de Kamankollé, choisi pour accueillir le projet, est une terre alluvionaire fertile s’étendant le long du fleuve Sénégal. Aussi, le gouverneur tenta d’organiser les populations de Kamankollé et de Diyala, deux villages en bordure du fleuve Sénégal, pour exploiter ces terres. Mais la réceptivité des populations fut négative. C’est alors qu’il se tourna vers les manoeuvres qui venaient d’être licenciés par la mairie de la ville de Kayes et là il y rencontra une totale adhésion. Les parcelles furent alors réparties entre 20 manoeuvres et, par souci d’équité, on procéda au tirage au sort pour l’affectation individuelle de ces parcelles. Le gouverneur mit à la disposition du projet une équipe d’encadrement technique et un appui matériel. Les semences, les intrants agricoles, l’eau, ont été fournis par les autorités régionales sous forme de prêt à ces personnes sans ressources, qui reçurent, en sus, un salaire mensuel de 6 000 Fcfa (60 FF); le remboursement des prêts n’intervenant qu’après la commercialisation de leurs produits.
Le rôle du gouverneur en personne a été déterminant en raison du prestige lié à son rang social, mais aussi, par l’efficience de l’encadrement technique choisi, les fonctionnaires désignés à cet effet faisant preuve de zèle car le projet étant sous l’autorité du gouverneur ; son label a rendu facile l’accés à des lignes de crédit. C’est ainsi que Danfagadougou, grâce à son partenariat avec l’URCAK (Union régionale des coopératives de Kayes), a obtenu une motopompe et des financements extérieurs. Le prix de la motopompe a été remboursé à raison de 90 000 Fcfa par an. Les nouveaux paysans s’organisèrent et, après le départ du gouverneur, prirent en main la gestion des parcelles, s’étant acquittés de toutes leurs dettes.
En 1970, Danfagadougou ne comptait que trois ménages en son sein, les autres colons étant célibataires. A l’heure actuelle, tous ont fondé une famille, dont les membres travaillent aujourd’hui sur les parcelles. Ce qui a décuplé la force de travail. Si les revenus de leurs activités couvrent leurs besoins, il faut bien constater que l’accompagnement de l’Etat fait actuellement défaut : manque de moyens logistiques, de moyens de transformation et d’acheminement vers d’autres marchés.
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, Mali
Le projet de Danfagabougou fut une réussite mais surtout une action exemplaire. La crédibilité des structures de l’Etat renaît à travers l’image du chef exécutif régional. L’effet d’entrainement de Danfagadougou se passe de commentaires. De 1970 à ce jour, de nombreux groupes organisés ont vu le jour, des coopératives agricoles multifonctionnelles d’immigrés s’y sont solidement implantées, des groupements de femmes de Kayes ont peu à peu occupé du terrain dans la vallée du fleuve. Ainsi, Danfagadougou a-t-il été un déclic pour la production des fruits et légumes à Kayes, capitale de la première région du Mali, en plein coeur du Sahel.
On peut seulement regretter qu’il n’y ait pas eu plus d’actions exemplaires de ce type de la part des décideurs de l’Etat. Mais aujourd’hui, dans le cadre du processus de décentralisation actuellement en cours au Mali, le rôle d’initiateur en matière de développement local n’est-il pas désormais dévolu aux novateurs de la société civile ?
Cette fiche a été réalisée sur la base d’une enquête effectuée en 1994. L’ensemble dans lequel elle s’inscrit a fait l’objet par la suite d’une publication séparée, sous le titre : On ne ramasse pas une pierre avec un seul doigt : organisations sociales au Mali, un apport pour la décentralisation, FPH; Centre Djoliba, juillet 1996. S’adresser à la Librairie Fph, 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris.
Inquiry ; Organisation presentation
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