En s’ouvrant à l’accueil, à longueur d’année, de publics scolaires, une très petite commune de l’Est de la France a retrouvé vie, résorbé son chômage, mobilisé ses habitants et largement contribué au développement de sa région
01 / 1997
Origine et début du projet. En un siècle, la petite commune rurale de WOIMBEY (France de l’est, région lorraine, département de la Meuse)avait perdu les trois quarts de ses habitants, ses deux écoles, et 30 corps de métier sur 32. Les bâtiments publics et les terrains communs se dégradaient, des maisons restaient à l’abandon. En 1989, le conseil municipal a décidé de redonner vie à la commune (réduite alors à 122 habitants, assez fatalistes)en l’ouvrant à l’accueil d’enfants d’âge scolaire ou préscolaire. Ce faisant, il réhabiliterait espaces et bâtiments, et corrigerait le chômage local. Un plan de développement local a été mis en place de juin 1989 à mars 1992 ;
les premiers visiteurs sont arrivés en avril 1992. Objectifs poursuivis. Ils sont de quatre ordres :
- éducatif : faire connaître à de jeunes enfants les multiples composantes de la vie rurale.
- ludique : offrir à ces enfants, sur des espaces appropriés, une grande variété de jeux et de sports ; par ce moyen, les amener à découvrir et à exercer leur créativité.
- sociologique : ouvrir les habitants du village à l’accueil de "vagues" successives d’enfants et d’accompagnateurs ; leur faire acquérir un état d’esprit favorable au succès.
- économique : en recevant des effectifs importants à bas tarif, rentabiliser l’opération.
Précisons-le dès maintenant, ces quatre objectifs ont été très vite atteints.
Structures. Dès 1992, certaines installations anciennes sont rouvertes (école rurale, forge)ou transformées (lavoir municipal converti en bassin piscicole d’eau vive ; grand bâtiment de 1953 équipé pour l’accueil, les repas, les jeux d’intérieur). D’autres équipements sont neufs : par exemple, une ferme-école avec un bétail très divers, conçu pour la visite de jeunes enfants. Enfin, la commune a aménagé des chemins ruraux et forestiers, fléchés et documentés ; des aires de pique-nique à l’extérieur ; un "terrain d’aventures" de 5 hectares, une aire de jeux, un et bientôt deux plans d’eau pour canots et kayaks. De multiples matériels de jeux, fixes ou mobiles, sont mis à la disposition des enfants, toujours encadrés par des moniteurs. La capacité d’accueil initiale était de 200 à 250 enfants par jour, 4 jours par semaine, pour atteindre 500 enfants dès 1997. Des groupes d’adultes sont également reçus les deux autres jours hors dimanches, ou, en été, pour une semaine ouvrable.
Le personnel. En 1992, la commune a recruté deux employés permanents à mi-temps : le premier pour l’accueil, l’occupation programmée des installations et l’entretien du bâtiment principal ; le second pour l’entretien de la ferme-école et son animation pédagogique. En outre, six titulaires de contrats emploi solidarité (CES : voir plus loin)étaient chargés d’installer et entretenir le matériel, de recevoir les enfants sur les divers sites, d’assister leurs enseignants et moniteurs.
Les activités. Arrivés vers 9 h 30 par autocars, les enfants et leurs accompagnateurs se voient offrir un casse-croûte léger, puis se répartissent entre les aires culturelles et de loisirs sous la conduite de leurs moniteurs, des employés communaux et de bénévoles. Un copieux pique-nique est pris à midi en plein air ou, selon le temps, en salle. Un goûter avant le départ vers 16 h 30 termine la journée, fort appréciée si l’on en croit les témoignages. Cet horaire définit la zone d’attraction de la commune : celle qui laisse un délai suffisant entre l’aller et le retour par autocar, soit 80 à 100 km. Les enfants viennent des écoles maternelles et primaires, des centres aérés, des crèches et garderies. De 4 000 enfants en 1992 (sur 8 mois), l’effectif s’est élevé chaque année pour atteindre 22 000 en 1996, et sans doute un peu plus en 1997. 2 000 adultes les ont accompagnés en 1992-93, le double en 1996. Bon nombre d’établissements de plusieurs départements, et même de Belgique et Luxembourg, s’inscrivent, un mois à l’avance.
Administration et budget. Avant l’opération, la commune comptait 2 agents à temps très partiel et 2 CES. Ces chiffres ont augmenté peu à peu : en 1996, la commune rémunère 4 employés à horaires plus importants, 20 CES, 8 CEC et 2 apprentis. Dans un CES (contrat emploi solidarité), l’Etat paie la presque totalité des salaires et charges pendant 2 ans, exceptionnellement 3 ans. Destinée à favoriser l’insertion de personnes en grandes difficultés d’emploi, la formule vise à développer des activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits. Elle peut être suivie, pendant 5 ans au maximum, d’un CEC ou contrat emploi consolidé, dont l’Etat paie une fraction décroissant chaque année. Le contrat d’apprentissage bénéficie aussi d’aides spécifiques.
Des aides publiques - Etat, Région, département - complétant un emprunt communal ont permis les premiers investissements, ponctuellement amortis à échéance. Car, dès 1993, les recettes de l’opération (modeste participation par enfant, gratuité pour les accompagnateurs et les chauffeurs)laissaient un bénéfice, réinvesti dans l’extension des moyens d’accueil.
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, France, Lorraine, Meuse, Woimbey
Une telle initiative supposait au départ une volonté opiniâtre, celle du maire en l’occurrence, qui a su communiquer sa conviction au conseil municipal. La réélection de celui-ci en 1995 montre que les électeurs ont, eux aussi, apprécié le développement de leur petite commune et la gestion, à la fois inventive et prudente, de l’opération. Certes, l’Etat finance une part importante des frais de personnel. La commune peut répondre qu’elle participe efficacement à l’insertion de chômeurs qui auraient coûté plus cher à ne rien faire ; d’ailleurs, le bénéfice dégagé permet de penser que l’opération pourra financer des emplois "normaux", si les aides de l’Etat doivent s’interrompre. La création d’emplois reste modeste, encore que significative pour une si petite commune (elle n’a plus de chômeur). En outre, la cohésion sociale et le développement local bénéficient largement de la circulation des personnes, des approvisionnements de voisinage, des rencontres et échanges résultant d’une telle action. L’opération est-elle extensible ? reproductible ? Sur le premier point, la limite est d’en rester à échelle humaine ; les investissements progressifs en ont tenu compte. La reproductibilité est certainement possible, puisque le rayon d’attraction, on l’a dit, est d’une centaine de kilomètres. On peut donc souhaiter que bon nombre d’autres petites communes rurales s’inspirent de ce modèle.
Dossier d’évaluation établi par le CIME
L’auteur est le maire de WOIMBEY
Report
RAVEAU, Julien, Commune de Woimbey, 1996/10/01 (France)
CIME (Comité d’Information et de Mobilisation pour l’Emploi) - CIME a cessé de fonctionner en mars 2007. - France