Mise au point d’un décortiqueur en vue d’améliorer les conditions et la productivité du travail de transformation
08 / 1996
La fabrication du nététou, condiment traditionnel de nombreux pays d’Afrique, est une activité artisanale féminine qui quitte la sphère domestique pour s’intégrer de plus en plus au marché, notamment dans la région de Bignona (Basse-Casamance). Elle représente une source importante de revenus que les femmes consacrent essentiellement aux besoins alimentaires et vestimentaires de leur famille. Comment appuyer l’activité des groupements de productrices qui souhaitent augmenter la productivité de leur travail, alléger les tâches pénibles, stabiliser la qualité du produit ? (1)
Le décorticage du néré, contrainte majeure de la transformation manuelle
Le nététou provient de la transformation des graines de néré (Parkia spp.), légumineuse arbustive. Les gousses du néré sont cueillies d’avril à juin. Elles sont écossées et dépulpées manuellement: les cosses sont utilisées comme combustible, la pulpe farineuse est généralement consommée en bouillie, les graines servent à la fabrication du nététou. Elles sont lavées, puis mises à bouillir pendant 12 à 24 heures, sur des foyers type trois pierres ou des foyers améliorés. Cela permet un ramollissement de l’enveloppe externe, un gonflement du grain, l’ouverture partielle des coques. Les graines sont débarrassées de leur enveloppe par pilage dans un mortier (l’ajout de sable facilite ce décorticage par son action abrasive), qui nécessite environ une heure trente de travail pour 25 kilos de graines. Le lavage ultérieur, qui requiert également une heure trente minutes permet l’élimination du sable et des coques broyées. On garde les cotylédons qui sont mis à bouillir trois heures, égouttés, laissés à fermenter 48 à 72 heures dans des sacs de jute ou de nylon. Puis ils sont salés et partiellement séchés pour accroître leur durée de conservation. La totalité du processus nécessite 280 litres d’eau, 31kilos de sable, 45 kilos de bois.
Conception et expérimentation d’un décortiqueur à néré
La cuisson préalable, le décorticage manuel et le lavage constituant les principaux goulots d’étranglement du procédé, des partenaires scientifiques et techniques se sont associés en vue de la recherche d’alternatives technologique. Le CIRAD, l’ECM - une petite entreprise sénégalaise de construction d’équipements-et le CADEF (2)ont collaboré pour la conception, la réalisation et l’expérimentation de différents prototypes de décortiqueurs à néré, de façon à proposer un équipement répondant aux contraintes locales (outils del’entreprise, niveau de formation des artisans, facilité d’approvisionnement en matériaux, coûts de fabrication...). Le principe d’un décorticage par cisaillement entre deux plans perforés, l’un étant un disque mobile, l’autre un plan fixe, a été retenu. Une expérimentation a eu lieu avec les groupements de productrices, complétée par des séances d’animation à l’aide de supports pédagogiques permettant de réfléchir aux problèmes posés par la mécanisation du néré.
Résultats et amélioration du décortiqueur
Le décorticage mécanique à sec proposé a révélé quelques inconvénients : faible capacité de traitement de l’outil (30 kilos/heure), opération devenue nécessaire de séparation des coques et amandes par tamisage ou vannage (dans le procédé traditionnel, les coques, réduites en poudre par le pilon, s’éliminaient facilement au lavage). Il ne satisfaisait pas les productrices. D’où la mise au point d’un décortiqueur alimenté par un moteur de 4 Ch et assurant décorticage et vannage du produit. Sa capacité est de 70-80 kilos/heure et le taux de décorticage supérieur à 98 %. Des expérimentations techniques sont en cours pour informer ou confirmer la validité de ce nouvel équipement.
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, Senegal
D’après les auteurs, la perspective d’une mécanisation de la production semble proche. "Mais augmenter la productivité des ateliers ne suffit pas tant que les groupements de femmes se trouvent aussi dépendant des commerçants". Les innovations produites doivent être "socialement maîtrisables et économiquement viables". C’est pourquoi l’amélioration du procédé de fabrication du nététou n’est qu’une partie de la recherche-action menée au sein du CIRAD sur ce thème, laquelle s’appuie sur une étude du système technique de transformation mettant en évidence l’organisation de la production, sa dimension culturelle et les conditions de commercialisation.
(1)L’Agroindustrie rurale AIRet les Petites Entreprises Agroalimentaires PEAsont des thèmes de recherche-action privilégiés du groupe ALTERSYAL
Cette fiche s’inspire des résultats des travaux de recherche du CIRAD-SAR= Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement - département Systèmes Agroalimentaires et Ruraux. adresse : cf. ALTERSYAL
Contacts :
DARDE, Christiane
FERRE, Thierry
MUCHNIK, José
(2)ECM= Entreprise de construction métallique de Ziguinchor
CADEF= Comité d’Action pour le Développement du Fogny (organisation de producteurs)FERRE, Thierry (CIRAD-SAR)
Book
MUCHNIK, José, Alimentation, techniques et innovations dans les régions tropicales : Le nététou au Sénégal, systèmes techniques et innovation, L'Harmattan, 1995 (France); Lire également :; <DARDE, Christiane>, 1995. Les initiatives individuelles et collectives des femmes rurales : approche socio-économique des activités des femmes du département de Bignona (Sénégal). 335 p. <THESE>de doctorat : Agro-économie: ENSAM; - 1991. Les groupements du département de Bignona : aperçu socio-économique, Document de travail DSA-CIRAD, 42 p.
ALTERSYAL (Alternatives Technologiques et Recherche en Systèmes Alimentaires) - Coronado, San José, COSTA RICA c/o CIRAD-SAR, 73 rue J.F.Breton - BP 5035- 34032 Montpellier cedex 1. FRANCE - Tél. 04 67 61 57 01 - Fax 04 67 61 12 23