04 / 1996
L’expérience de médiation mise en place aux Ulis, en Essonne, date de mai 1991. Au départ, une double volonté : celle du maire socialiste, Paul Loridant, et celle du Procureur de la République du département. Le projet a mûri au sein du Conseil Communal de Prévention de la Délinquance. Objectif : permettre aux particuliers de trouver eux-mêmes une solution amiable à leurs différends.
La cohabitation conflictuelle
La plupart des affaires traitées relèvent de la vie de quartier et de problèmes de voisinage (propreté, bruit, agressivité, partage de cave, etc.). On note également des affaires de coups et blessures et des conflits familiaux.
Monsieur X se plaint du bruit que fait son voisin du dessus. Il a bien essayé de lui faire comprendre... sans résultat. Monsieur X vient s’adresser au médiateur, il expose le problème, et la médiation commence. Le médiateur qui prend en charge l’affaire contacte Monsieur Y, le voisin du dessus. Il le rencontre et écoute sa version des faits. Au terme d’une période de négociation, le médiateur va faire en sorte que Monsieur X et Monsieur Y se rencontrent. Un accord de médiation écrit est conclu entre les personnes.
- Monsieur Y s’engage à placer autrement les enceintes de sa chaîne stéréo, plus en hauteur, et à en moduler le son.
- Monsieur X reconnaît à son voisin le droit d’utiliser sa chaîne stéréo dans la mesure où le son est modulé.
La solution n’est pas toujours aussi simple et la procédure peut s’étendre sur plusieurs mois. Le médiateur devra faire preuve de patience et être attentif pour discerner les éléments de solutions qui pourront aider à la résolution du conflit. Le statut des médiateurs des Ulis est précisé dans une charte élaborée au sein du Conseil Communal de Prévention de la Délinquance. Mission, qualités requises, droits et devoirs y sont consignés. Joël Barthélémy, coordinateur du CCPD depuis deux ans, participe aux rencontres régulières de l’équipe de médiation. Il est l’un des animateurs du projet. "Pour réussir la médiation, précise-t-il, ce n’est pas d’abord une question de technique et de professionnalisme. Il faut avoir un certain sens de ce que peut être le lien social, bien connaître les relations de voisinage, avoir un intérêt pour la chose publique, et surtout avoir une grande capacité d’écoute". Les six médiateurs des Ulis sont pour la plupart des cadres qui ont entre 40 et 65 ans, et qui ont l’habitude de la gestion des relations dans leur vie professionnelle. L’équipe initiale composée de sept personnes a bénéficié d’une formation de quatre jours assurée par Jean-Pierre Bonafé-Schmitt et ses collègues de la Boutique de Droit de Lyon ainsi que Daniel Jullion, animateur de l’instance de médiation de Grenoble. Cette formation a été organisée dans le cadre de l’Institut d’Aide aux Victimes et de Médiation (INAVEM)et du Comité de Liaison des Association de Contrôle Judiciaire (CLCJ). Le contenu de la formation porte à 80% sur les aspects relationnels et à 20% sur les notions juridiques. Les deux médiateurs qui ont rejoint l’équipe par la suite ont eux aussi bénéficié de la formation de base. Les médiateurs (actuellement deux femmes et quatre hommes), choisis par une commission qui juge les candidatures, interviennent bénévolement. La procédure de médiation est gratuite."La faiblesse de l’expérience des Ulis, note M. Barthélémy, c’est que les gens de terrain, milieux associatifs et intervenants sociaux, ne sont pas assez imprégnés de l’expérience. Ils y sont certes favorables mais ne sont pas impliqués. Ce qui fait que la médiation reste trop une prestation de service qui se rajoute à d’autres prestations de service sur la ville, Il y a là un risque de sclérose. La médiation directe risque d’être délaissée pour ne s’en tenir qu’à la médiation pénale, plus facile à mettre en oeuvre et à réussir pour le médiateur, grâce au "parapluie" que peut représenter le Procureur".
Une des solutions qui peut éviter ce glissement est l’investissement de la mairie dans le soutien aux médiateurs. Le sénateur-maire des Ulis l’a compris et il n’hésite pas à être un interlocuteur présent et attentif. La dimension sociale est pour lui fondamentale et ce n’est pas un hasard s’il a choisi, pour monter le projet, de faire appel à Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, juriste de formation, chercheur en sociologie du droit, qui privilégie la dimension sociale de la médiation.
Outre sa participation au financement du poste de coordinateur du CCPD, la mairie apporte un soutien technique à l’expérience de médiation. Il reste à trouver un statut juridique à cette initiative, en créant, pourquoi pas, une association. Les premiers résultats laissent entrevoir que l’impact sur la ville est loin d’être négatif. Les médiateurs ont traité 120 dossiers, plus que ne le pensaient les initiateurs eux-mêmes. On estime de 25 à 30% le taux de réussite de la médiation, un résultat dans la moyenne. Car comme tient à la rappeler M. Barthélémy "La médiation n’est pas une solution miracle. C’est une pierre à l’édifice. Pour ma part, je considère la médiation comme un certain frein à la désintégration sociale. Plus qu’une innovation sociale, j’y vois une attitude de résistance face à la désagrégation de la société". En effet, on ne peut pas dire qu’en France la médiation soit (encore ?)un mouvement social. C’est le plus souvent impulsé d’en haut, à partir des politiques de la ville mises en oeuvre au niveau de l’Etat. Le développement de la médiation de quartier demanderait une évolution de l’équipe de médiateurs vers une plus grande diversité sociologique en rapport avec celle des quartiers. Elle suppose également une implication directe des habitants dans la gestion de leur vie, de leur environnement et leurs conflits. Elle nécessite enfin une prise de conscience de la responsabilité du citoyen dans la gestion des affaires de la cité. C’est à ce prix que la médiation pourra prendre toute sa dimension.
mediation, neighbourhood conflict, citizenship, local community
, France, Les Ulis
Voir aussi la fiche intitulée : "Médiation aux Ulis, un choix municipal 1
Le Conseil Communal de Prévention de la Délinquance publie le bulletin "Dialogues-Les Ulis" avec des informations sur la médiation.
Equipe de médiation des Ulis, Local Tour Octobre (Rez-de-Jardin), 91940 Les Ulis. Tél. (1)69 29 06 78.
Articles and files
BOUBAULT, Guy in. Non violence actualité, 1993/04 (France), 168
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