Joséphine NDIONE, Bernard LECOMTE, Brigitte REY
03 / 1996
Joséphine NDIONE, responsable du GRAIF (Groupe de Recherche et d’Appui aux Initiatives Féminines)explique sa méthode : "Nous ne créons aucun groupe ! Nous aidons ceux qui existent à s’organiser ou à mieux s’organiser. Dans le village, groupes ou groupements datent de très longtemps. Ce sont des groupes traditionnels : sur le plan social, les Mbotaye de femmes ou bien les classes d’âge, ou les Daïra sur le plan religieux. On trouve partout des groupes dont certains maintenant sont plus ou moins formalisés.
Au départ, le GRAIF a aidé sept villages pour démarrer des activités économiques. Les résultats positifs ont été "relayés de bouche-à-oreille" par les femmes sur le marché, au puits, à l’église. Alors cela s’est su. Ainsi, plusieurs groupements sont venus demander les services du GRAIF pour telle ou telle activité. Lors du premier rendez-vous, on leur explique ce que nous faisons. On les laisse repartir au village, réfléchir et mûrir ensemble ces informations. Le groupement, après avoir identifié ses ressources propres et ses besoins, reprend contact avec nous qui, le sentant motivé, répondons à sa demande. La diffusion des informations relatives à ces activités se fait "naturellement", de groupement à groupement et non par une quelconque planification de l’information.
Par exemple, les gens qui ont travaillé avec le GRAIF nous font simplement connaître à des parents habitant d’autres villages. Ainsi le Groupe de Dakar est né de jeunes filles ayant quitté leur village des alentours de Thiès (notre siège)pour travailler comme employées de maison à la capitale. Lorsqu’elles sont revenues chez elles, leurs mères, qui étaient en formation ou en train d’entreprendre telle ou telle activité afin d’améliorer la vie quotidienne, leur ont expliqué qu’elles collaboraient avec le GRAIF qui les aidait dans leurs nouvelles actions. Les jeunes filles nous ont alors contactées pour être appuyées à Dakar. Un rendez-vous a été pris. On leur a expliqué la façon de mobiliser leurs ressources et après accord, s’est formé un groupe de huit filles. Depuis, elles ont appris la teinture et l’exercent maintenant une fois par semaine.
Il n’y a pas d’animatrice GRAD qui se déplace sur le terrain pour une quelconque promotion. L’information se transmet de personne à personne et par des rencontres-échanges au village de l’un des groupements. Ce sont les villageoies qui les organisent. Toute une journée, des femmes de différents groupes se réunissent, discutent. Et même certains hommes, intrigués, viennent les rejoindre.
De son côté, le GRAIF a organisé des séances d’information sur les initiatives et expériences des groupes de base avec la "Radio Educative Rurale" diffusées à travers tout le Sénégal. Chaque groupement a expliqué son démarrage, ce qu’il fait, ses problèmes, ses réussites. C’est le bouche-à-oreille relayé par la radio. Des demandes de différentes régions nous ont ainsi été envoyées mais nous ne pouvons y répondre.
Certains groupements sont devenus des Groupements d’Intérêt Economique (GIE), surtout les groupements de jeunes, les garçons. Mais nous ne leur disons pas d’être ou pas des GIE. Chaque groupe est libre de s’organiser comme il veut. Certains sont devenus des GIE, d’autres sont restés des groupements tout simples, d’autres se sont transformés en associations. Certains groupements avec lesquels nous travaillons sont membres d’autres associations. Par exemple au niveau de Fandène, il y a deux groupements qui ont travaillé avec la Maison Familiale Rurale, d’autres sont membres de l’Association des Femmes Catholiques. Jusqu’à présent, les groupements que nous appuyons n’ont pas formé entre eux d’union ou de fédération. Nous n’en sommes pas encore là et nous ne l’imposerons pas. On laisse, petit à petit, mûrir la question. Si les femmes trouvent la nécessité de se réunir en union ou en fédération, à ce moment, on le fera. Ce qui est en train de se dessiner actuellement, c’est qu’on sent qu’elles trouvent le besoin de se retrouver entre groupements du même coin.
countryman farming, countrymen’s organization, woman, educational method, information diffusion, women’s organization
, Senegal, Thies
Les vertus du bouche-à-oreille pour démarrer, dans des villages éloignés parfois de 100 km les uns des autres, une réflexion, des actions et un espoir, sans utiliser d’encadrement externe.
Interview de Joséphine Ndione par Bernard Lecomte, février 1996
Entretien avec NDIONE, Joséphine
Interview ; Experience narration
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org