11 / 1996
Mamadou Goïta, formateur malien qui a travaillé au Togo, au Burkina Faso et au Mali, décrit les efforts de coordination entre l’administration, des agences d’aide, des ONG et des organisations paysannes.
« Au Burkina Faso, à Kongoussi, j’ai participé à une réunion de concertation où toutes les ONG, les structures étatiques et autres se sont retrouvées pour discuter des différents programmes et stratégies. Les participants ont échangé sur la coordination même de l’aide au niveau de la zone de Kongoussi. Une discussion s’engageait, des gens s’exprimaient en donnant des exemples concrets, disant : « Tel intervenant est venu, a apporté quelque chose dans tel village; alors qu’il y avait déjà une initiative qui était là, ses agents n’ont pas cherché à comprendre et ils ont pratiquement détruit tout ce qui était là comme initiatives au niveau de la population ». Il y a eu beaucoup d’exemples comme cela. Ils sont même parvenus, au cours de cette réunion, à la conclusion qu’il fallait exiger que les intervenants extérieurs passent obligatoirement par les structures de concertation. Et que le responsable de celles-ci dispose d’un certain nombre d’informations. Ensuite, qu’ils discutent avec la population (avec ceux que l’on souhaite aider) pour dégager des éléments pertinents, des pistes par lesquelles ils pourront passer pour les aider réellement.
C’est le projet PATECORE qui avait pris l’initiative d’approcher les autres structures pour organiser ce cadre de concertation. C’est un projet de gestion des terroirs, financé par la coopération allemande et conduit par la société d’assitance technique GTZ. L’administration m’a paru y participer au même titre que les autres. D’ailleurs, certains participants se plaignaient du fait que l’administration, de temps en temps, ne venait pas aux différentes réunions. Ce n’est donc pas elle qui coordonnait.
Je crois que l’Etat a beaucoup perdu de sa force de coordination des activités des différentes structures. Je ne sais pas si c’est dû au fait que les agents ne sont plus aussi nombreux sur le terrain. Le responsable d’un service étatique au Mali m’a dit ceci : « Nous n’avons plus beaucoup d’agents sur le terrain, alors le peu de techniciens que nous avons se consacrent plutôt à des tâches techniques plutôt que de discuter autour de tous ces points-là (coordination, concertation, etc.)". Et puis, les agents de l’Etat ne sont pas bien préparés pour de tels débats. On constate que durant les rencontres, ils ont très peu de choses à dire.
Et aussi, à chaque fois qu’une initiative du type concertation ou discussion avec l’aide extérieure naît, ils prennent du recul en disant : « cela peut être dangereux, nous ne sommes pas là pour cela. Nous risquons d’avoir des problèmes avec les responsables à d’autres niveaux ». C’est que dans nos pays, en général, l’Etat ne va pas refuser un programme d’aide même s’il est incompatible avec sa politique de développement : « Il faut prendre tout ce que l’on te donne ». Il y a une soumission : les gens sont devenus très passifs, surtout l’administration, face aux agents de l’aide extérieure. Les gens ne parviennent plus à prendre l’initiative, ni à discuter avec les projets et les ONG pour les orienter en fonction des besoins des communautés. C’est un point très important et trop ignoré. Il est vrai qu’il y a des tentatives aujourd’hui (de manière isolée) d’adopter une stratégie participative du développement même au sein de l’administration publique, mais la réalité de l’ensemble est toute autre ».
countryman farming, NGO, structural adjustment, state disengagement, countrymen’s organization, negotiation
, Burkina Faso, Kongoussi
Pour un partenariat entre habitants et collectivités locales en Afrique
Décentralisation et pouvoirs locaux
Ces observations d’un formateur malien sur les efforts de coordination et sur le rôle de l’administration locale nous semblent bien refléter le type de relations actuelles entre les divers acteurs du développement rural. On essaie, du côté des agences bilatérales, de provoquer la coordination tandis que l’administration reste plutôt passive et les ONG réticentes. Un point-clef à observer : quels jeux vont jouer les organisations paysannes dans ces évolutions ?
Interview
Interview de Mamadou Goïta par Bernard Lecomte, Bonneville, décembre 1995
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