Attirances et peurs, au Burkina Faso, dans l’Union Provinciale des Producteurs de coton et de céréales du Mouhoun, UPPM
10 / 1996
Pierre Bicaba est le Président de l’UPPM (Union Provinciale des Producteurs de coton et de céréales du Mouhoun)au Bénin.
"Je m’appelle Pierre Bicaba, je suis du département de Bondukuy, de la province du Mouhoun au Burkina Faso. Je suis paysan, j’ai fait des études et j’ai abandonné en deuxième année d’université parce que j’étais trop attaché à la terre. En 1983, je suis retourné m’installer au village. J’ai une exploitation de deuxdeux hectares. Je produis du coton, du maïs en culture associée et je fais aussi de l’élevage de poules. Je suis installé en pleine brousse, à cinq km du village dans une ferme que j’aménage.
La particularité de l’UPPM est que c’est une association paysanne, la première du Burkina, qui se fonde sur des bases économiques et a un caractère revendicatif. Nous allons sur le terrain, nous essayons de voir les problèmes des producteurs et c’est en fonction de cela que nous établissons notre programme de l’année.
Le premier objectif est de pouvoir amener les paysans à bénéficier du produit de leur travail. Deuxième chose : les amener à améliorer eux-mêmes leurs conditions de travail par la gestion de l’exploitation agricole (à travers tous les dangers que cela représente), l’intensification de l’agriculture, la diversification et même, si possible, de pouvoir tenir un calendrier de travail.
Nous venons d’avoir un partenariat avec les AFDI (Agriculteurs Français et Développement International). On leur a dit : "Ce n’est pas votre argent que nous voulons, mais un appui au niveau de certains paysans de l’UPPM. Pas les responsables, mais des paysans-type que l’on va choisir et auxquels vous allez donner des formations sur le terrain, dans les champs". Et les AFDI sont prêtes dans ce domaine.
C’est cela qui fait notre particularité. Nous ne sommes pas une association créée pour avoir de l’argent de l’extérieur. Nous avons même peur de cela. On se dit que le jour où il y aura de l’argent de l’extérieur, il y aura des problèmes. Cela deviendra le point de départ de dissensions au sein de l’association.
Nous avons donc bien été invités - à la rencontre organisée par AFDI à Bobo Dioulasso - mais un problème interne a fait que nous n’avons pas pu y aller. Il y a quand même eu une restitution des travaux par les gens de l’union voisine, celle de Ouarkoye. Ils ont expliqué ce qu’ils avaient été faire et moi-même, en tant que responsable au niveau national, j’ai pu lire les documents d’un participant et m’imprégner du contenu de la rencontre. Par rapport au compte-rendu fait au niveau de Ouarkoye, cela a failli nous poser des problèmes. A Bobo Dioulasso, ils avaient parlé de "filières" et dit qu’il fallait que les paysans se regroupent par filières d’activités. Celui de Ouarkoye qui nous a donné les informations, a voulu nous forcer à créer une commission "céréales" dont il serait (peut-être)le président puisque ... c’était lui qui avait été à Bobo. On s’est alors demandé si AFDI n’était pas venu pour diviser les paysans. Cela a été ma première impression.
Puis, quand on lit le document, on s’aperçoit que la filière n’est pas vraiment la préoccupation première des paysans du Burkina. Et puis il n’y a pas, aujourd’hui, une structure réellement fiable qui peut représenter les paysans. On a trouvé que cela était précipité. C’est ce que nous avons pensé lorsqu’on a vu, dans le document, qu’ils parlaient de professionnalisation alors que jusqu’à présent, le paysan du Burkina ne prend pas ses activités comme une source de revenus. Pour lui, ce n’est pas un métier. Si il le fait, c’est parce qu’il n’a pas autre chose à faire".
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, Burkina Faso, Mouhoun
Un paysan qui parle d’aménager sa ferme, cela n’est pas courant, mais Pierre Bicaba est un intellectuel revenu à la terre en 1983 et qui milite pour asseoir un mouvement paysan "sur des bases économiques et avec un caractère revendicatif". L’aide extérieure française met en place des programmes de professionnalisation animés par l’ONG AFDI (Agriculteurs Français et Développement International). Notre interlocuteur constate la distance à parcourir entre ce concept importé et le paysan d’aujourd’hui qui ne considère pas son travail comme un métier mais comme le fruit d’un sort funeste.
Interview fait par Mamadou Goïta à Mbalmayo au Cameroun, en mars 1996
Entretien avec BICABA, Pierre
Interview
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