Il est possible de faire quatre constatations:
a)L’ignorance de la problématique des sourds par les responsables publics
Les partisans de la normalisation ont souvent tendance à ramener les langues visuo-gestuelles à un simple code. Ils n’ont aucune idée de ce qu’est la vie quotidienne des sourds. Ils ne savent pas communiquer avec eux. Cette ignorance se retrouve au niveau institutionnel : les sourds n’y sont pas représentés. La présence d’interprètes, préalable nécessaire aux rapports avec les sourds n’est pas de pratique habituelle.
Le Sida ne pouvait être que le révélateur de ces carences. Un exemple récent : lors d’une rencontre avec une association sourde en février 1994, une responsable d’un ministère voulant montrer que les pouvoirs publics étaient actifs pour les sourds leur dit qu’une brochure en Braille avait été réalisée.
b)Le problème de la "double contrainte"
Il est particulièrement délicat dans une communauté aussi spécifique. Toute communication publique sur la prévention de l’infection à VIH est soumise à un paradoxe. Il est nécessaire de sensibiliser pour inciter à l’adoption des précautions individuelles dans les groupes les plus concernés tout en ne provoquant pas de dérapages discriminatoires et une élévation inconsidérée de l’anxiété associée à la maladie.
Dans la communauté sourde, le problème est redoutable car tout se dit. Quand on rencontre un sourd inconnu, il est habituel de lui demander s’il est marié etc...
Au minitel de AIDES des demandes sont faites pour savoir si X. est séropositif, ou des dénonciations que Y.l’est.
Pour ces raisons les séropositifs sourds se confient d’une façon générale moins facilement que les "entendants". Annoncer sa séropositivité à quelques proches revient à ce que l’information circule dans toute la communauté en France. Les sourds sont de grands voyageurs et ont des réseaux de connaissances beaucoup plus étendus que la moyenne du reste de la population. Un gros travail de formation sur la confidentialité est fait parmi les volontaires sourds de AIDES. C’est une condition pour pouvoir s’appuyer sur la vie associative très riche des sourds - qui tranche avec le reste de la société - avec toutes ses habitudes positives de solidarité.
c)Une information inadaptée
Les sourds adultes ont une scolarité "oraliste" dont l’axe a été leur accès au français oral au détriment des autres apprentissages. Les matières comme l’histoire, la géographie, les sciences naturelles étaient sacrifiées. Le résultat est une ignorance fréquente sur les questions du fonctionnement de l’organisme alors que paradoxalement la pudibonderie est rare chez les sourds. Le Sida est là aussi révélateur.
d)L’isolement face à la séropositivité et à la maladie
Il est souvent dramatique. Un patient raconte que lors de son dépistage, le médecin lui a écrit sur un bout de papier qu’il était séropositif et l’a laissé repartir sans plus de précisions.
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, France, Melun
La communauté sourde est marginalisée par rapport aux campagnes de prévention générale et le seuil d’accès aux soins y est plus élevé que pour la moyenne de la population. Il n’existe aucune politique concertée permettant d’intervenir auprès de cette communauté. Aucune contribution scientifique sur l’épidémie du Sida parmi les sourds n’a été réalisée à ce jour. Dans cet article ne sont pas abordés les problèmes de devenus sourds, des malentendants, mais uniquement les difficultés spécifiques des sourds gestuels qui sont moins de 100 000 en France. L’auteur propose cinq thèmes majeurs pour aborder cette problématique : 1)le rapport complexe des sourds aux médecins, 2)la culture sourde, 3)le rôle clef des interprètes, 4)le sentiment d’impuissance chez les soignants, 5)la place des sourds dans la société.
Fiche rédigée d’après l’intervention de Jean DAGRON, phoniatre, médecin chargé de la consultation Sida, Service de médecine interne du Pr HERSON, Hôpital de la Salpétrière, 47 bd de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, FRANCE.Tel : 00 (331)42 16 10 63, Minitel : 00 (331)53 79 24 76.
GESTES Groupe d’Etude Spécialisé "Thérapies et Surdités"a organisé à Paris le troisième congrès international de l’ESMHD European Society for Mental Health and Deafness, en décembre 1994. Une publication des actes sera faite ultérieurement.
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DAGRON, Jean, GESTES
GESTES (Groupe d’Etudes Spécialisé Thérapies et Surdité) - 8 rue Michel Peter, 75013 Paris, FRANCE. Tel/Fax 00(331)43 31 25 00 - France - gestes (@) free.fr