02 / 1996
Frédéric Legall travaille à la coopérative de pêche de Loctudy (Bretagne)et a suivi particulièrement un partenariat entre sa coopérative et le Collectif National des Pêcheurs Sénégalais (CNPS).
- La genèse. "Il y a deux ans, Pierre Herry de l’Association pour le développement des activités maritimes (CEASM)est venu à Loctudy avec Dao Gaye, secrétaire général du CNPS, qui cherchait à prendre des contacts pour faire venir du matériel de pêche au Sénégal. Nous nous sommes rencontrés et quelques mois après, il nous a recontactés et nous avons échangé des fax et des coups de téléphone pour leur fournir des prix et des échantillons. En décembre 1993, ils nous ont communiqué une liste de matériel. Ils avaient alors les fonds nécessaires mais la dévaluation du franc a tout retardé d’un an. La totalité du matériel devait être payée d’avance. C’est finalement ce qui s’est passé pour les 4
5e de la somme mais nous avons rencontré des difficultés bancaires de transfert de fonds. Hier, nous avons fait partir un conteneur avec des vêtements de mer, des cordages, des couteaux, du fil, des bacs en plastique... Il va nous falloir maintenant trouver les bonnes personnes sur qui s’appuyer, nos alter ego au Sénégal.
- De nouveaux débouchés commerciaux. "Cela fait plusieurs années que nous cherchons des marchés à l’export. En période de crise, nos clients (les sociétaires)ont moins d’argent à investir et notre chiffre d’affaire en pâtit. Il fallait trouver d’autres débouchés pour sauvegarder notre outil, la coopérative de pêche. Si nous arrivons à augmenter notre volume d’achats, nous allons pouvoir négocier des meilleurs prix."
- Perpétuer l’esprit coopératif. "La coopérative est au service de ses sociétaires, les marins. Elle a été créée par des pêcheurs artisans. Pour nous, c’est extrêmement motivant de travailler avec des pêcheurs du Sud car cela rejoint notre philosophie et nous poursuivons ainsi l’idée de base. Nos interlocuteurs ne sont plus des pêcheurs de Loctudy mais ceux de Kayar, de Ann ou de Joal. Des relations sont en train de se tisser. Les Sénégalais mettent en place chez eux ce qui a été fait ici il y a trente ans. Avec notre expérience, ils peuvent le faire en deux ou trois ans. Ils se rendent compte qu’en étant organisés, il y a plus à gagner qu’en étant individualistes. Notre vocation est d’être au service des pêcheurs, nous travaillons avec les Sénégalais comme avec nos sociétaires."
- Défendre les intérêts des pêcheurs français. "Les prix du poisson en France chutent en grande partie à cause de l’importation de poisson étranger et notamment de poisson africain. Au Sénégal, quelques intermédiaires achètent du poisson à très bas prix en exploitant les pêcheurs locaux et cela dérègle notre marché. Nous nous sommes dits que nous pourrions contrecarrer ceci en les aidant à s’organiser pour qu’ils se fassent moins exploiter et que cela fausse moins les importations de poissons. Comme on connaît bien le créneau de l’avitaillement, on voulait les aider dans ce secteur."
- Donner une ouverture à la coopérative et à son personnel. "Pour moi, cette expérience est extrêmement enrichissante par les contacts que j’ai pu avoir sur place et que je continue à avoir. C’est une ouverture. Depuis mon voyage au Sénégal, je n’ai plus du tout la même vision des problèmes, je relativise beaucoup plus sur la situation en France."
- Défendre les intérêts des pêcheurs sénégalais. "Nous sommes revendeurs et nous pouvons fournir du matériel aux Sénégalais à un bon rapport qualité/prix. Nous avons des contacts avec des fournisseurs et nous rassemblons toute la demande. Les pêcheurs veulent trouver une autre source d’avitaillement que les revendeurs de Dakar qui se font des marges importantes et n’ont pas de matériel adapté à la pêche artisanale. Le CNPS veut créer une centrale d’avitaillement et des comptoirs sur toute la côte du Sénégal. Actuellement, un pêcheur perd plusieurs jours de travail pour aller chercher le matériel qui lui manque. Je dois retourner au Sénégal pour conseiller le CNPS, ne serait-ce qu’au niveau de la comptabilité. En retour, six Sénégalais, les futurs responsables des comptoirs, vont venir à Loctudy en stage à la coopérative. Avec le CEASM, on essaye d’obtenir des financements européens pour ceci. C’est le principe de l’apprentissage."
- Un apport mutuel entre pêcheurs. "Les pêcheurs sénégalais peuvent peut- être apporter une ouverture aux pêcheurs bretons. Au Sénégal, la pêche est une activité assez dynamique parce qu’ils ont plus de besoins. A mon avis, les Bretons ne vont pas tarder à devenir aussi dynamiques qu’eux du fait de la nécessité. Notre démarche n’est pas seulement humaniste mais aussi commerciale. Au Sénégal, ils ne sont pas perdants si les deux sont liés. Cela serait tellement plus simple d’ouvrir des magasins nous-mêmes mais cela ne serait pas l’intérêt du Sénégal ni, à longue échéance, le nôtre. parce qu’il faut que les gens soient impliqués pour qu’ils se rendent compte de l’intérêt de la chose. Il faut sortir de l’assistanat.".
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, Senegal, France
Conseils pour la coopération décentralisée. "A ceux qui s’intéressent à la coopération décentralisée, je conseillerai d’être patients. Il faut avoir de l’estime pour les gens, les traiter d’égal à égal. Nous ne sommes pas supérieurs à eux. Il y a une relation de confiance qui doit s’instaurer."
Entretien réalisé par Sophie Nick à Loctudy dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.
Contact : Coopérative maritime de Loctudy, 29125 Loctudy, France.
Entretien avec LEGALL, Frédéric
Interview
CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France